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par eric draven » sam. févr. 04, 2006 1:02 pm
Un des classiques du giallo et une des plus belles réussites de Aldo Lado.
Voici ce que j'e écrivais alors:
Je suis vivant ! est un film qui, s'il ne brille pas par ses qualités artistiques se distingue surtout par son atmosphère oppressante, irréelle, dans lequel il baigne et on se laisse vite prendre au jeu, menant l'enquête en même temps que le malheureux héros.
Mélant avec subtilité le policier et le fantastique, Je suis vivant! surprend par son scénario hybride, entrainant le spectateur dans les méandres d'une effarante histoire.
Si parfois le suspens retombe faisant place à quelques lenteurs, il y a pourtant toujours un détail, une scène qui accroche et retient l'attention. Un lustre, un rideau, un visage furtif, tout ici a son importance et joue un rôle dans ce puzzle macabre que doit reconstruire Gregory, véritable mémoire vivante mais qui appartient déjà au passé.
C'est là que le film de Lado puise toute son horreur et rarement film n'avait si bien porté son nom même si le titre original, moins percutant mais tout aussi énigmatique - La courte nuit des poupées de verre- laisse entrevoir une partie du mystère.
Je suis vivant! c'est le cri que voudrait hurler le journaliste sur son lit de mort aux médecins qui l'entourent. Paralysé, les yeux fixes, il doit se livrer à un véritable combat sur lui même, efforts surhumains pour que puisse jaillir de sa poitrine ce cri.
Les gros plans sur son visage et la voix-off représentant sa conscience qui appelle au secours renforce l'aspect viscéralement terrifiant du film.
Car c'est bien de terreur purement viscérale dont on peut parler, cette peur qu'on n'oserait pas même imaginer dans nos pires cauchemars.
Cet état de terreur étouffante, le réalisateur le renforce par un climat oppressant, macabre mais sans abus.
La Mort règne, omniprésente, dés le début du film qui s'ouvre sur un corbeau picorant non loin de l'endroit où gît Gregory, symbole funeste de La Grande Faucheuse.
Que ce soit sous les lumières blafardes de l'hopital, à la morgue où il est entouré de vrais cadavres, par le biais de bistouris prêts à le disséquer ou dans les images des derniers jours de sa vie, La Mort le suit, le traque, l'entoure et semble être l'unique réponse à ceux qui cherchent trop à eventer les secrets.
Plus le film avance et plus ces secrets se font pesants. Chaque personnage semble détenir une des clés du mystère ou être un morceau du puzzle.
Le film comporte toute une galerie de personnages aussi inquiètants qu'ambigus. A commencer par tous ces gens que Gregory est amené à côtoyer lors de son enquête: un étrange professeur faisant des expériences sur la douleur et la mort à travers des végétaux, l'aveugle détenant d'importantes informations mais semblant terrifié par des événements qui le dépassent ou encore le vieil homme assassiné la nuit où il allait parler.
Cette ambiguité s'étend également à l'entourage proche de Gregory. Son meilleur ami devient alors suspect et ses agissements troubles alors que le comportement de Jessica, la journaliste qui l'accomapgne, devient de plus en plus étrange jusqu'au moment où elle laissera éclater sa haine pour Mira, la petite amie de Gregory.
Chaque objet ou visage, chaque allusion est susceptible d'être une des clés de l'énigme. Aldo Lado s'attache au détail, l'infime détail, d'où peut jaillir la lumière.
Je suis vivant! s'appuie sur les symboles et les devinettes. C'est bien insidieusement dans le titre original que Lado soulève un des voiles du mystère. Longtemps on se demande ce que sont ces étranges poupées de verre qu'évoquent le titre, ces papillons de cristal autour desquels la clé du mystère semble tourner , obsédant le héros. Et c'est de cristal que surgira la lumière!
Quel autre meilleur symbole aurait pu choisir Aldo Lado?
Implacable, les pièces du puzzle vont parfaitement s'emboiter. Gregory va se retrouver face à la terrible vérité et terrible prend ici tout son sens. Le réalisateur ouvre plusieurs portes donnant à son oeuvre différentes directions, une petite quantité de thèmes étant mis en exergue. Vampirisme, recherche de l'eternelle jeunesse, satanisme, le film franchit les frontières du fantastique mais sans jamais expliquer ou rationaliser ce qu'il montre, laissant agréablement planer le doute.
Pouvoir et agonie se marient d'une effroyable façon, coeur de toute une secte secrète. Agonie de pauvres jeunes filles offertes en bacchanales organisées par de hauts dignitaires mondiaux, agonie d'un corps sur une table de dissection, l'agonie d'une société ravagée tout simplement.
Tout aurait été un peu facile si le film se terminait ainsi. C'est sans compter les inquiètantes images finales, d'une incroyable dureté tant elles sont cruelles dans leur signification. Rarement le destin d'un héros n'aura été aussi abominable, son long calvaire cataleptique étant peu de chose face au sort qui lui est reservé.
Ce sont dans ces plans que les ultimes révélations se feront, que les derniers masques tomberont sous les yeux révulsés de ce corps paralysé, ultime choc d'un film exceptionnel.
Je suis vivant! n'a rien des exceptionnelles qualités visuelles des oeuvres auquel il fait référence mais Lado a su profiter tout de même des beaux décors qu'il avait sous la main.
Correctement filmé et mis en scène, doté d'une agréable photo, le film possède aussi une solide interprétation, le récuurrent et francais Jean Sorel, la bergmanienne Ingrid Thullin et la Barbara Bach en tête.