Mad God - Phil Tippett - 2021

[Manolito]

Un personnage traverse un pays souterrain de cauchemar pour déposer une étrange valise...

Second long métrage de Phil Tippett (il avait déjà signé le mineur, mais sympathique "Starship Troopers 2"), "Mad God" est un long métrage d'animation que ce spécialiste des marionettes et de la stop motion a mis plus de trente ans à terminer. Tippett, créateur clé du fantastique hollywoodien dont la participation a été fondamentale pour des titres comme "L'empire contre-attaque", "Robocop", "Le dragon du lac de feu", "Jurassic Park", "Starship Troopers"... Dont on sait aussi qu'il a connu une profonde dépression dans les années 90.

Et "Mad God" est clairement un grand film dépressif, un film totalement dans le négatif. Les humains ne sont que des pantins de chairs et de merde, qui naissent par hasard et meurent de façon arbitraire, passent leurs existences pathétiques au gré de circonstances qu'ils ne maitrisent ni ne comprennent. Si il y a un Dieu dans tout ça, c'est un Dieu fou qui crée des univers et des planètes sans que cela n'ait aucun sens.

"Mad God" est un programme d'animation nettement adulte, gore, crade, dégoulinant de sangs et de fluides dégueulasses, rappelant par certains aspects "Junkhead", mais en encore beaucoup, beaucoup plus noir dans le regard. L'animation est virtuose, les décors et séquences variées et étonnantes, toujours créatives. Mais le trip est sombre, très sombre, et n'est vraiment pas pour tous les publics. On pense aux bobines les plus désepérées de Terry Gilliam ou David Lynch...

Le seul équivalent artistique que je trouverai vraiment sont les recueil BD "Idées noires" de Franquin, rédigés par l'auteur de Gaston Lagaffe quand il traversait une grave dépression lui aussi. On est vraiment dans le même esprit, les mêmes visions désespérées.

Tout est laideur, tout est horreur, tout est futile.

Vu à l'UGC Ciné Cité les Halles.

[Machet]

Mais as-tu aimé ?

[Manolito]

C'est un très bon film, le meilleur film fantastique de l'année que j'ai vu pour le moment en salles. Mais ce n'est pas un film "aimable", ce n'est pas l'objectif.

Il s'agit de l'externalisation et de la transformation en un geste artistique d'une vision dépressive profonde.

Ce n'est pas un film pour tout le monde, pas mal de spectateurs se sont barrés de la salle, je trouve que l'absence d'interdiction à une catégorie d'âge est indulgente (il est seuement tout public avec avertissement, alors qu'il y a des moments très gore, certes en animation). Je l'ai vu avec des amis qui ont détesté.

Je pense qu'une part du souci est que des gens y vont sur le nom de Phil Tippett qu'ils associent à Lucas et Spielberg, voire les films américains de Verhoven, et se retrouvent devant un film complètement d'avant-garde qui est tout le contraire de ce cinéma hollywoodien.

[orco]

Mad God est vendu en DVD avec le dernier Mad Movies. Et une sortie Blu-Ray est prévue pour le 3 octobre chez Carlotta.

[Cosmodog]

Excellent ce Mad God, mais inégal. Surtout en ce qui me concerne, le choix casse-gueule (et que perso je déplore) d’avoir inclus des personnages live au sein d’un univers en Stop-motion.

Hormis cela, pas une parole, juste une longue déambulation dans les méandres d’un monde cauchemardesque, crade et violent, qui semble un purgatoire sans fin. L’ensemble est un peu décousu je trouve, mais la folie visuelle, le niveau de détails hallucinant, l’ambiance malaisante constante, la lumière magnifique et plus simplement la créativité transpirant a chaque plan en font une œuvre singulière.

A voir si vous aimez les trips noirs et suintants, si vous êtes fan de mondes en animation lorgnant vers le trash, comme récemment le japonais Junk Head.

[Algor]

Vu sur le blu-ray vendu au U.S.A.
Évidemment, si on n'est pas disons, un public averti...ça peut déranger les plus sensibles cet univers sombre.
C'est une expérience autant de la part du réalisateur que pour le spectateur. Dans une séquence j'ai pensé à ‎Eraserhead de David Lynch.
Ce genre de cinéma est, comme on l'a dit, de l'anti-hollywood. Mais la technique est au point avec des passages d'un onirisme éblouissant.
Le blu-ray propose aussi de bons suppléments, qui nous soulagent de notre traumatisme de visionnement.

au sein d’un univers en Stop-motion...
Hormis cela, pas une parole,

Ha si! Il y a bien quelques mots ici et là. Il y a même un très très p'tit moment dialogué en français.

[Machet]

Découvert sur le bluray français. Fascinant voyage à travers un monde graisseux, visqueux, huileux, dégueu, noir. Je ne suis pas bien sûr d’avoir tout saisi, mais je suppose que ce n’est pas si important. C’est sûr que le « récit » (ou son absence) peut laisser sur le bas côté le spectateur qui ne sera pas un peu ouvert à la proposition.

Je me suis demandé comment ils avaient réussi à obtenir certaines images, comme le brouillard (manifestement pas numérique) qui interagit avec les personnages en stop motion. Des questions de ce genre ne manquent pas à la vision du film.

Les différents making of révèlent une infime partie des secrets de fabrication (le premier plan de la tour), dont un making of signé Gilles Penso et Alexandre Poncet, qui ont semble-t-il fait les voix françaises (!) des petits lutins qui s’insultent avant de se faire écraser en début du film.

Je n’ai pas été gêné par les différents formats (35mm puis video), et les différentes techniques (live ou animation). Le tout m’a semblé cohérent et limpide. Et particulier, c’est sûr. Un film clairement expérimental, dépressif, sans but réel, envoûtant, pour tous les amoureux d’univers fantastiques, de monstres et de stop motion, signé par un Maître qui, à travers les interviews, a l’air aussi humble que génial.