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Peter Jackson's King Kong était donc dévoilé pour la première fois au public lors de cet E3 2005. Engoncée dans ses préjugés (et nous plaidons coupables), la presse spécialisée semblait bouder l'immense bunker installé sur le stand Ubisoft où se déroulait à heure fixe la diffusion d'une démonstration en live du jeu. Du moins au début du salon. Rapidement des discussions avec des confrères de la presse nationale nous mettent l'eau à la bouche et nous tentons de pénétrer dans l'antre du singe pour se confronter à la réalité : King Kong mérite-t-il vraiment le hype et le buzz qui s'installent progressivement autour de lui ? Après avoir assisté à la présentation de gameplay, la réponse glisse toute seule des lèvres : oui. Pourtant, au premier abord, King Kong n'est pas spécialement impressionnant pour une pupille encore sous le choc de ce qu'elle a imprimé lors des dernières 48 heures. Vidéos bluffantes - même si renderisées - lors de la conférence Sony, jeux Xbox 360 explorés sous tous les angles (Ghost Recon 3, Gears of War...), jeux PC techniquement hallucinants (Prey, Alan Wake, Elder Scrolls IV : Oblivion...), la rétine du critique de jeu vidéo devient vite blasée sur un salon comme l'E3. Et pourtant King Kong nous a impressionnés, que ce soit dans son esthétique, dans sa mise en scène et dans l'immersion qui en découle ou dans son approche du processus narratif.
King Kong est en effet un jeu d'action qui se joue à la fois à la première et à la troisième personne. Pour faire plus clair, lorsque le joueur incarne Jack Driscoll, l'un des principaux protagonistes du film (interprété par Adrien Brody), le jeu se déroule en vue subjective, et lorsqu'il incarne le gigantesque Kong l'action se déroule à la troisième personne. Oui, le jeu réussit le tour de force de plonger le joueur dans la peau du prédateur simiesque et de la proie humaine. Et plutôt que de nous servir un schéma classique qui consisterait à nous servir successivement un niveau dans la peau de Kong puis un autre dans la peau de Jack, Michel Ancel et ses équipes ont réussi le tour de force de rendre ces transitions naturelles et logiques, du moins dans celle que nous avons vue. Un petit décryptage du gameplay dévoilé s'impose.
Avant d'attaquer une véritable séquence de jeu avec un développeur nous faisant parcourir le titre dans sa version Xbox, la démonstration commençait par un petit laïus en vidéo expliquant la genèse du projet. Conte de fée ou subtile mise en scène marketing, toujours est-il que dans la présentation du making-of, Peter Jackson affirme être un fervent admirateur du travail de Michel Ancel, et que c'est après avoir joué à Beyond Good & Evil qu'il a approché le développeur afin de lui confier l'adaptation de son oeuvre cinématographique. Tout le travail préliminaire réalisé pour le film a dès le départ été mis à la disposition des développeurs et la collaboration a toujours été étroite. Peter jackson indique ainsi souhaiter que le public considère le projet de jeu vidéo comme un petit frère du projet cinématographique, et non comme un simple produit dérivé. Pour cela, il précise d'ailleurs que certaines créatures qui étaient prévues mais non intégrées dans le film ont pu l'être dans le jeu, démontrant par là les interconnexions entre les différentes équipes. Pour rappel, le film de Peter jackson (Bad Taste, BrainDead, Meet the Feebles, Le Seigneur des Anneaux) qui doit sortir cette année est un remake de l'oeuvre originale de 1933, mettant en scène une équipe d'explorateurs partis en mission scientifique sur une île peuplée de gigantesques créatures, qu'il s'agisse d'animaux préhistoriques, de mille-pattes ou de... gorille.
La séquence de jeu commence alors que notre personnage est attaché et mis en scène dans ce qui semble une sorte de rituel sacrificiel, d'offrande au "dieu Kong". On se rend compte cependant bien vite que la réelle victime semble être une jolie jeune femme blonde, écartelée et attachée à une structure en bois, plus en hauteur par rapport à vous. La structure se mouvant, la donzelle affolée se met bien évidemment à brailler et il n'en faut pas plus pour que King Kong sorte de la jungle afin de s'emparer de son offrande. Mais entre temps, il aura eu le temps de se frapper le torse à en faire trembler le sol et même de pousser un rugissement dont la puissance est rendue aussi bien au niveau sonore qu'au niveau graphique, comme si l'air était frappé par des vagues d'ondes sonores. Une mise en ambiance pour le moins sympathique et une immersion efficace tant on se sent faible et ridicule face à la puissance de ce géant.
Peu après deux hommes occidentaux sortent de nulle part et vous libèrent de vos liens. A la façon dont ils sont habillés et à la vue de la caméra portée par l'un d'entre-eux, on comprend bien vite qu'il s'agit de nos amis venus à notre secours, et ils sont autant sidérés que vous par la vision du gorille géant. Commence alors une double course poursuite, la première pour échapper aux flèches enflammées lancées à partir du village indigène qui se trouve derrière vous, et l'autre pour traquer le primate géant afin de le filmer. La première chose qui frappe alors, c'est la totale absence d'interface. L'ambiance d'une jungle hostile est palpable, ne serait-ce que par le subtil effet de brume qui rend l'atmosphère lourde et épaisse, en tamisant de façon intelligente la lumière. L'immersion est vraiment totale, et rien qu'en spectateur, on se met à craindre pour la vie de notre personnage qui évite les lances enflammées qu'on lui jette et les débuts d'embrasement de la brousse qui s'en suivent. Bien sûr, le jeu recourt à des scènes scriptées pour donner un feeling dramatique et cinématographique à l'ensemble, comme lorsqu'un de nos amis se fait toucher avant d'être mis à l'abri mais on se prend au jeu, y compris quand on finit par se prendre une lance en plein ventre, avec les effets de flous, de distorsion et de brouillage de l'image très réaliste qui en découlent. Là où King Kong fait fort, c'est qu'il arrive à faire ressentir de façon visuelle des éléments qui normalement devraient toucher aux autres sens, notamment au niveau sonore (le rugissement de King Kong) ou tactile (lorsque l'on subit des dégâts).
Une autre séquence de jeu nous place face à de terribles dinosaures ressemblant à des Vélociraptors, des machines à tuer qui semblent terriblement naturelles, vives et dangereuses. Un exemple d'interaction avec l'environnement nous est alors démontré, puisque désarmé, notre héros n'a d'autre choix que de récupérer les lances qui jonchent le sol. Le combat est difficile et les simples effets graphiques et sonores qui découlent des morsures de ces bestioles suffisent à nous faire imaginer la douleur ressentie par Jack. Alors que l'issue du combat semble incertaine une sorte de mille-pattes géant déboule pour attaquer le dinosaure et on assiste médusé à ce combat scripté entre ces deux monstres, jusqu'à ce que le mille-pattes victorieux se retourne contre-nous et que l'on doit mettre un terme soi-même à ce nouveau pugilat.
S'ensuivent deux nouvelles séquences mettant en scène des Tyranosaures plus vrais que nature, notamment l'une où notre héros se trouve sur un radeau de fortune et nos deux compagnons sur une embarcation, poursuivis par deux de ces gigantesques créatures, avec quelques Ptérodactyles qui se font croquer au passage. Cette fois-ci muni d'un mitraillette, Jack tente de repousser les ennemis, mais sans beaucoup de succès. Même si ces séquences semblaient fort scriptées, elles faisaient ressentir l'impression de faiblesse avec une telle ampleur qu'on ne pouvait qu'être bluffés. Ces séquences étaient également l'occasion de montrer les différentes interactions possibles avec le décor ou avec les autres personnages. Par exemple, si notre héros ne dispose plus de chargeurs pour sa mitraillette, il peut une fois de plus récupérer les lances qui se trouvent sur son radeau, ou en demander à ses collègues s'il lui en manque. Nous avons également pu voir Jack enflammer une de ses lances avant de la lancer sur les rivages pour embraser la végétation et empêcher les Tyranosaures de s'approcher plus de nos embarcations.
L'un deux finit malgré tout par vous acculer et la situation semble cette fois-ci désespérée. Tel un Deus Ex Machina, King Kong surgit de la jungle, tenant la jeune femme entre ses mains. Passablement énervé par la présence du T-Rex, il dépose la demoiselle et semble vouloir chercher le combat. La caméra passe alors en vue à la troisième personne et c'est tout naturellement que l'on prend le contrôle du gigantesque primate. S'ensuit alors un combat d'une rare violence comme on peut l'imaginer où King Kong assène des mandales fantastiques et que le T-Rex ne s'en laisse pas compter en le fouettant de sa queue et en tentant de lui briser les os de ses crocs. Mais le dinosaure n'est pas de taille à lutter contre notre nouvel héros, et il finit terrassé. La demoiselle a profité du combat de son geôlier pour fuir mais elle se retrouve une fois de plus prise au piège face à deux T-Rex. Notre singe court alors à sa rescousse dans une phase de plates-formes aussi pataude que gracile en faisant des bons prodigieux et en se balancant et en s'agrippant aux différentes aspérités qu'il rencontre. Le combat final qui met fin à la présentation fait surement partie des affrontements les plus impressionnants qu'on ait pu rencontrer dans un jeu vidéo. La violence des coups portés est parfaitement rendue et pas une fois on s'imagine qu'il pourrait s'agir de créatures de taille normale et à la force basique. Le plus impressionnant restant probablement la mise à mort des dinosaures par un King Kong qui ouvre les mâchoires des dinosaures jusqu'à ce qu'elles explosent dans un craquement qui glace le sang.
S'il est toujours risqué de s'emballer sur une présentation d'un titre, il faut reconnaître que nous avons été ici surpris, et agréablement. Surpris de voir que même en tant que simple spectateur on pouvait être immergé avec plaisir dans une expérience de jeu à la base prévue pour être interactive. Les différents processus narratifs qui permettent de varier avec plaisir les sensations éprouvées ne sont certainement pas étrangers au phénomène. Et si du point de vue technique pure on n'atteint pas des sommets, l'esthétique employée, la gestion de l'environnement et le mélange des différents sens semble pouvoir fournir une expérience un peu différente et exaltante, à défaut d'être totalement innovante. Un jeu que l'on surveillera de près en tout cas lors des derniers mois de son développement. Le titre étant de toute façon prévu sur tous les supports du marché disponibles en fin d'année, on devrait savoir si une telle surprise confirme les nouvelles attentes que l'on a placées en elle."
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