J'aurais du cliquer, le test étant visible pour tous. (enfin pour le moment)
Mais comme on est jamais trop prudent

je me permets un copier-coller :
AVIS ARTISTIQUE par Erwan Debois :
Le voyage de Chihiro est le film qui a marqué la consécration internationale, tant critique que publique, de Hayao Miyazaki, prophète en son pays depuis plusieurs décennies – au Japon, le film a battu le record d’entrées de Titanic. Des millions d’autres spectateurs de par le monde, l’Ours d’or du festival de Berlin et l’Oscar du meilleur film d’animation ont ainsi récompensé une œuvre magistrale, qui parvient à tendre vers l’universel alors même que son univers, ses personnages et ses thèmes sont a priori hermétiquement japonais. La preuve qu’il n’y a rien de mieux que l’imagination et le talent pour réussir un grand film et toucher tout un chacun.
D’imagination, Le voyage de Chihiro n’en manque pas. Dès le début, on assiste à un véritable tourbillon d'idées, de couleurs, et de sons qui ne s’arrêtera jamais. À peine a-t-on le temps de se familiariser avec l’héroïne, petite fille gâtée et boudeuse de 10 ans, et avec ses parents, que les voilà entrés au détour d'une route dans un monde abandonné, sorte de parc à thèmes en ruines. Cet endroit à l’écart du monde est en réalité un établissement de bains pour les Dieux, un lieu de repos après leurs journées de travail. Évidemment, la présence d’humains dans ce monde est peu appréciée, et le moindre écart de leur part est puni sans sommation : les parents de Chihiro sont ainsi transformés en cochons pour s’être empiffrés d’un festin qui ne leur était pas destiné. Leur fille se retrouve livrée à elle-même, et il n’est pas question pour elle de s’apitoyer sur son sort : déjà la nuit tombe, et ce monde parallèle s’éveille…
C’est l’occasion pour Miyazaki de créer un univers merveilleux au sens premier du terme - un assemblage chaotique de lieux et de personnages inattendus et hétérogènes, qui tous ensemble forment un monde cohérent et fonctionnel. Les thermes qui sont au centre de ce monde obéissent en effet à une organisation sociale et à des règles très strictes… qui ne sont finalement pas si éloignées de celles que nous pouvons rencontrer au jour le jour. Miyazaki n’a d’ailleurs jamais caché qu’il s’était inspiré pour ce point du fonctionnement de son studio Ghibli. Vu avec les yeux d’une enfant, cela transforme chaque personnage en une version métaphorique de sa fonction au sein de l’entreprise : Kamaji, l' « homme » qui fait tourner les fourneaux et fournit l’eau chaude, possède six bras et ne s'arrête jamais de travailler ; quant à sa troupe d’ouvriers, elle est formée de petites boules de suie sans identité propre, qui se tuent à la tâche à porter des morceaux de charbon beaucoup plus lourds qu'eux. De même, Yubaba, directrice des thermes et garante en cela de l'ordre, prend les traits d’une sorcière gigantesque, acariâtre, et que l’idée de réaliser des bonnes actions insupporte.
Chacun a donc son rôle à jouer au sein de ce microcosme, et Chihiro devra elle aussi trouver le sien pour s’intégrer, être respectée et ainsi sauver sa vie et celle de ses parents. Son aventure, qui démarre avec des buts purement pragmatiques (trouver un logement, un travail), va se muer en une quête d’identité au bout de laquelle la petite fille geignarde se sera transformée en adulte responsable et altruiste. Miyazaki a trouvé la plus belle des idées de cinéma pour formuler cette quête : Yubaba a littéralement volé le nom de Chihiro pour le réduire à Sen, et la retient ainsi prisonnière. Cette quête se déroule en arrière-plan d’une succession de saynètes, qui sont l’occasion pour le réalisateur d'effectuer un « melting-pot » fort réussi de ses thèmes de prédilection : s’il est nécessaire de s’affirmer et de trouver sa place dans la communauté, par le courage et la prise d’initiative (suite à son voyage initiatique, Chihiro est la digne héritière de Kiki la petite sorcière et de Fio, l’héroïne de Porco Rosso), cela ne doit pas se faire au détriment du respect d’autrui et de la nature (que l’on trouvait déjà dans Princesse Mononoké).
Le plus marquant de ces récits secondaires est sûrement celui du Dieu sans Visage, incarnation du Mal dans cet univers sans histoires. Se cachant derrière un masque souriant et énigmatique, il joue sur l’avidité des hommes pour les piéger, en offrant de l'or à foison -or que tout le monde, de l’employé le plus insignifiant à Yubaba, s’empresse d’accepter sans réfléchir. La seule à refuser est Chihiro (« Pas besoin, pas le temps ! », lui réplique-t-elle), qui est également la seule à accepter le Dieu sans Visage en tant que personne et à ne pas le rejeter : elle saura même faire le Bien en utilisant à bon escient ses talents. Le Bien et le Mal sont indissociables et coexistent en chacun de nous ; c’est le message que fait passer Miyazaki avec beaucoup de délicatesse, et sans jamais oublier sa mission première qui est de nous émerveiller. De ce point de vue, la grâce habite Le voyage de Chihiro, tant visuellement que musicalement (à l’image du réalisateur, son compositeur attitré Joe Hisaichi a atteint la quintessence de son art pour ce film). Cet état de grâce culmine lors de la magnifique scène d’envol à dos de dragon, qui contient en elle toute la magie de ce film brillant, qui ne ressemble à aucun autre.
INTERACTIVITE par Thomas Douineau :
Voici donc enfin l’édition collector du Voyage de Chihiro que beaucoup considère comme le chef d’œuvre de Miyazaki, la synthèse de tous ses thèmes, l’aboutissement de toute son œuvre. Entre Pixar à l’ouest et Ghibli à l’est, l’animation se porte bien et les deux grands noms de l’animation, Lasseter et Miyazaki, sont souvent cités lorsqu’il s’agit de donner l’exemple de films à succès populaires, poétiques et intelligents faits par des personnes animées d’abord par une même passion (un petit bonus caché de deux minutes nous donnent d’ailleurs l’occasion de voir une brève rencontre entre les deux hommes). Après l’exposition à Paris consacrée à Moebius et le maître japonais, découvrons les deux disques de cette édition qui va débarquer dans les bacs conjointement à celle de Kiki, la petite sorcière.
Le premier disque nous accueille par un florilège de
bandes-annonces (5min57s) des films de Miyazaki (VF) qui laisse ensuite la place à de sobres et élégants menus sonorisés avec la musique du film (16/9). Ils donnent accès aux choix des langues et aux chapitres (16 vignettes au total). Et c’est tout concernant ce premier disque. Tous les bonus étant regroupés sur le deuxième, ceci permettant de garder le maximum de place pour l’image et le son et d’offrir ainsi une présentation du film d’excellente tenue.
Le deuxième disque s’ouvre sur les mêmes types de menus. Le premier bonus proposé prend la forme d’un
documentaire (34min02s, 16/9, VOSTF) sur l’univers de Joe Hisaishi, compositeur attitré de Miyazaki. Entre images des différents films auxquels il a collaboré, interventions de Jean-Pierre Dionnet (qui le connaît bien pour l’avoir sollicité pour la musique du Petit Poucet d’Olivier Dahan) et d’un autre journaliste, on en apprend un peu plus sur ce compositeur hors-pair aux talents multiples, excellent orchestrateur et capable de passer d’une musique minimaliste chez Kitano à un foisonnement symphonique propre aux dessins animés de Miyazaki (on pense à Princesse Mononoké, sommet de son art, et qui n’a pas à rougir face à des partitions de films d’aventure américains à plus gros budget).
Mais le plus intéressant, c’est bien entendu l’interview de Joe Hisaishi lui-même où le compositeur dévoile un peu de sa manière de travailler très en amont sur les films, en s’inspirant du story-board alors qu’aucune image animée n’a encore été produite. Il demande au réalisateur de caractériser son film en dix mots et cherche ensuite un thème musical capable d’illustrer émotionnellement chacun de ces mots. Il évoque la difficulté, contrairement à l’idée répandue, de travailler pour quelqu’un avec qui l’on a déjà collaboré car le piège est encore plus grand de tomber dans la redite. Il nous confie n’avoir jamais trouvé une de ses musiques parfaites et avoir toujours du mal à voir une copie finale d’un film auquel il a participé, tellement cela le déprime en y voyant toutes les imperfections de son travail. Seul le temps (au minimum deux ou trois ans) peut le rendre plus indulgent vis-à-vis de lui-même. Passionnant !
Le deuxième
document s’intitule La philosophie du studio Ghilbi (10min52s, 16/9, VOSTF) et propose une interview de Toshio Suzuki, producteur. Ce dernier explique qu’après dix-sept années d’existence, un seul problème est survenu et se résumait à cette question : fallait-il rester à la même taille ou s’agrandir ? Malgré le succès, ils ont choisis de rester à taille humaine et de ne rien changer à leurs habitudes de travail. Le producteur se permet même une critique à demi-mot d’autres studios d’animation plus connus et insiste justement sur le fait que le partenariat avec Disney, bien que cela leur permette d’être diffusé dans le monde entier, n’influe en aucun cas sur le contenu des films qui restent japonais et propre à la philosophie du studio. Ghilbi n’a jamais modifié un de ses films dans le but de faciliter son exportation. Il revient sur les produits dérivés et nous apprend que Totoro est le seul à avoir vraiment fonctionné mais que le studio a refusé d’accorder la licence à des tiers et affirme ne pas vouloir produire plus de 10 milliards de yens de produits dérivés par volonté de faire perdurer le personnage, considérant que Totoro est un peu le Mickey de Miyazaki et qu’il n’y aura pas d’autre personnage de cet acabit. Le réalisateur conclue d’ailleurs ce document en nous faisant part de sa manière d’appréhender l’animation et de la transmettre à ses élèves. Mais il s’inquiète que les jeunes recrues aient une perspective du dessin par l’intermédiaire de toutes les images (films, photos, clips, SFX…) qu’ils ont ingurgitées et non par rapport à la réalité.
L’interactivité se poursuit avec un
making of japonais (41min54s, VOSTF, 4/3) qui nous fait découvrir les coulisses de Ghibli ainsi que Miyazaki et son équipe au travail. L’origine nippone de ce making of nous permet d’avoir un ton un peu décalé qui n’est pas dans la tradition des suppléments que l’on a l’habitude de voir. Ceci a un revers : le réalisateur du document ne s’attarde pas forcément aux choses qui nous, nous paraîssent les plus intéressantes.
On a tout de même droit à une mémorable séquence où Miyazaki fait des nouilles à toute son équipe, qui, à cause des délais serrés, reste très tard le soir et a pris l’habitude de faire un quatrième repas la nuit sur place. On prend conscience du travail très artisanal du studio, qui tranche avec la modernité et l’organisation d’un Pixar par exemple (comme on a pu le voir sur leurs DVD truffés des mêmes types de documents). Chez Ghibli, les délais sont très serrés, les méthodes de travail très archaïques et le rythme infernal. Nous suivons les différentes étapes de la production (lectures, story-boards, dessins…) puis le travail de post-production (passage sur les voix un peu trop long déséquilibrant ce doc), de sonorisation (le bruiteur au travail) et enfin d’enregistrement de la musique.
Le
musée Ghibli est un
document (8min23s, 16/9, VOSTF) qui nous propose une visite guidée du musée ouvert en octobre 2001 et entièrement consacré aux œuvres de Miyazaki. Né d’une idée du fils du réalisateur qui, de sa conception à son ouverture, y a consacré trois ans, il fut à l’origine créé pour donner du travail aux dessinateurs âgés du studio et générer des emplois pour ceux qui ne pouvaient plus soutenir les rythmes de travail imposés par les délais de production. Chose marquante qui rejoint le document sur la philosophie du studio, le fils du réalisateur nous explique que pour visiter le musée, il faut réserver près de trois mois à l’avance. En effet, pour rester pédagogique et ne pas être transformé en parc d’attractions sans intérêt, le musée se doit de ne pas accepter trop de monde à la fois. Si l’on veut que les visiteurs aient accès à l’ensemble des superbes planches ou à toutes les activités, il faut limiter leur nombre. Cette démarche montre encore une fois que Ghilbi ne cherche pas le profit à tout prix.
L’éditeur nous propose ensuite une comparaison
film/story-board (VF/VOSTF, 1h59min). Mais celle-ci n’est pas un document un peu «bouche-trou» que l’on peut trouver ailleurs, Disney nous proposant de voir en double écran quasiment l’intégralité du métrage et des dessins correspondants! En VO ou en VF ! Nous découvrons ainsi la précision en amont des dessins, la préparation minutieuse et le peu d’écart qu’il y a entre la conception et la finalisation du projet. Certes, nous supposons que ces story-boards ne sont pas des premiers jets, mais, vu leur degré de finition, une étape déjà bien avancée du processus de création de laquelle les animateurs ne s’éloigneront plus trop.
Ces bonus se terminent par une section promotion (où l’on découvre un nouveau bon
us caché mettant en scène un appareil tout droit sorti de l’imaginaire de Miyazaki) qui regroupe
bandes-annonces (9 japonaises dont certaines approchent les cinq minutes et la bande-annonce française), les
TV spots (10 japonais et 2 français annonçant la sortie du DVD) ainsi qu’une
galerie d’images reprenant les affiches françaises et les photos d’exploitation. On notera qu’un curieux picto symbolisant le son 5.1 apparaît à l’image sur les bandes-annonces japonaises mais que ces dernières ne sont encodées sur le DVD qu’en DD 2.0.
IMAGE :
Les images du
Voyage de Chihiro possèdent toutes les caractéristiques que l’on est en droit d’attendre d’un dessin animé récent sur support DVD : couleurs saturées et chatoyantes, définition solide, fluidité de l’animation. Le master, labellisé THX, est propre et lumineux et le DVD semble exempt de défauts de compression. Très peu d’artefacts sont à déplorer dans les arrière-plans. Nous aurions aimé avoir des noirs un peu plus profonds mais dans l’ensemble, Disney nous propose un travail soigné et limpide.
Le seul regret concerne le format du film, respecté certes, mais inséré dans un cache noir. Comme on peut le voir sur les captures jointes à cette critique, l’image possède en 16/9e des bords noirs en haut et en bas (normal) et à gauche et à droite (moins normal). Ce « défaut » n’est absolument pas gênant sur une télévision classique qui restitue moins de surface que l’image réelle encodée, à cause d’un overscan qui couvre les quatre bords de l’image. Mais cela est plus troublant sur un vidéo projecteur qui restitue la totalité de la surface vidéo (underscan) et , pour peu que la source vidéo impose un réglage de phase différent, l’image risque de se retrouver à gauche ou à droite avec une bande noire assez disgracieuse. Le format du film se prêtait à une meilleure adaptation de sa fenêtre au cadre vidéo 16/9e sans nuire à la géométrie de l’image. Mais ce sont là des considérations techniques pointues qui ne concernent qu’une infirme partie de personnes et n’auront donc aucune incidence sur la note image.
SON :
Quelle ne fût pas notre surprise en voyant la présence chez l’éditeur (contrairement aux premières spécifications) d’une piste DTS en VO ! En effet, Chihiro est proposé avec quatre choix de bande-son : version française DD 5.1 et DTS 5.1 et version japonaise DD 5.1/ DTS 5.1.
L’environnement multicanal profite à la musique ambitieuse de Joe Hisaishi et donne à écouter quelques effets bien sentis mettant en valeur l’efficace spatialisation des canaux et une bonne séparation des voies. Après un temps d’écoute prolongé, on se rend compte que le DTS nous fait gagner en ampleur, en relief et en dynamique ainsi qu’en clarté et en précision. Ce format a aussi tendance à offrir des ambiances arrières plus appuyées, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Nous préférons la VO, meilleure en terme d’équilibre entre les différents canaux, bien que la VF propose des basses un peu plus présentes, surtout en DTS.
Test rédigé le
14/03/2005
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