Vu au Festival d'Annecy...
INNOCENCE : GHOST IN THE SHELL 2
Comment aborder ce monument...? Quel angle choisir à à peine 2 jours de la première vision ? Comment retranscrir le choc visuel, l'émotion que les images procurent sans passer obligatoirement par les superlatifs habituels ???
Mais vous avez déjà constaté qu'
Innocence emporte toute mon adhésion, occupe encore toutes mes pensées et m'a fait passer un moment qui restera inoubliable.
Alors rentrons dans le détail... (ne vous inquiétez pas, les SPOILERS les plus importants, c'est-à-dire ceux concernant le scénar, seront clairement indiqués).
Ce qui frappe en premier lieu, et ce qui l'emporte bien sûr à la première vision d'
Innocence c'est l'incroyable esthétique des images... Vous l'avez constaté avec les nombreux trailers, ce film c'est du jamais vu en animation, un choc auquel on ne peut se préparer. Autant dire que tous les amateurs d'animes seront conquis sur ce point précis. Et celui-ci pourrait presque suffire tellement la fascination est grande !!!
Pour l'incrustation 2D/3D, l'appréciation est au goût de chacun car il y a clairement un parti-pris de faire ressortir les personnages en 2D et ça pourra en choquer certains. Pour moi c'est tout à fait dans l'esprit et la réflexion du film et je ne pouvais pas espérer mieux (un Batou en 3D non merci...

).
L'esthétique est donc assez différente du premier film qui passe aujourd'hui pour un monument de sobriété. Cependant les design des personnages restent les mêmes, et les jeux de lumières et de reflets sont un prolongement de ce que nous avions déjà vu. Ce qui est troublant, à la fois dans la forme et le fond, c'est l'influence d'
Avalon, mais vous avez déjà pu le constater sur les trailers.
Mais ce qui est rassurant, c'est qu'Oshii n'a pas poussé le maniérisme jusqu'à saturer chaque plan de couleurs, de détails et de profondeurs de champs, ce qui aurait provoqué un certain étouffement pour le spectateur à la vue des plans les plus travaillés. Il y a au contraire certaines images volontairement abstraites, floues, vides, indéfinissables, alternés avec d'autres où on ne parle plus de dessin mais de travail d'orfèvre (la visite de la Doll House, avec ses mosaïques, ses couloirs, ses cours, est un sommet; ou encore la procession funéraire qui met en avant une 3D absolument sublime et incroyablement détaillée).
Les plages contemplatives typiques d'Oshii sont moins nombreuses mais plus longues je crois (je sais pas trop en fait... j'ai tellement pris mon pied que j'ai eu l'impression que le film durait 3/4 d'heure !

).
En tous cas, elles sont une fois de plus à la pointe d'une esthétique typiquement japonaise (même si le film a des inspirations chinoise et occidentales, je parle ici du cadre, du temps des plans, etc...), une sorte de pur cinéma qui n'a plus besoin d'acteurs, de dialogues, ni même de narration élaborée pour créer du sens et de l'émotion (oui oui j'avais les larmes aux yeux, émotion purement esthétique que l'on peut ressentir devant certaines photos ou certains tableaux).
C'est souvent la marque des grands films formalistes : on ne peut pas parler des images sans évoquer la musique. Et ici Kenji Kawai fait encore des merveilles. Un petit bémol toutefois, elle est ici moins variée et moins mélancolique que dans le premier
GITS. Cependant Kawai reprend ces anciens chants religieux qui avaient tant impressionnés, encore pour le thème principal, et cela dès le générique et pendant les scènes contemplatives. On croit au début entendre les mêmes voix, la même mélodie, puis soudain des percussions s'ajoutent, le rythme cardiaque s'accélère, le morceau part dans des envolées d'une puissance incroyable pour un véritable hymne à la beauté de ce que l'on voit sur l'écran. Images et sons sont en parfaite symbiose. Et on ne peut que pleurer de joie...
L'histoire qui apparaît en premier plan est assez simple à comprendre. Des cyborgs - robotsgeishas superélaborés - se mettent à tuer leur propriétaires. L'enquête qui suit est assez claire et facile à suivre pour celui qui a vu le premier film. Etonnant pour du Oshii ? Oui et non.
Autant le premier pouvait laisser pas mal de spectateurs sur la touche pour l'histoire principale, autant celui-ci est plus simple à comprendre mais plus difficile à aborder sur les parti-pris esthétiques et narratifs. Le fait par exemple d'employer des citations pour un dialogue sur deux (voir plus) peut être assez énervant pour le spectateur qui n'en comprendrait pas l'utilité et pourrait transformer le film en dissert de philo assez rébarbative. Cependant, j'ai personnellement interprété ces citations comme l'expression d'une perte totale de repères, et l'expression du raisonnement "base de données" des cyborgs. De plus, et c'est là un élément très important d'
Innocence, ce sont ces citations (de Milton à Descartes, et tant d'autres) qui posent les véritables questions sur l'intrigue de fond, celles qui ne peuvent trouver de réponses, ni être toutes cernées à la première vision.
Je me garderai bien d'en citer quelques-unes puisque c'est clairement cette partie du film qui est la plus difficile à appréhender, qui demandera encore de nombreuses visions, et je me suis plus concentré sur le choc visuel.
L'histoire est concentrée sur le personnage de Batou, cyborg mélancolique en constant espoir de retrouver un jour le Major...
SPOILERS
Le chien (qui s'appelle ici Gabriel, comme celui d'Oshii, ce film est un hommage à son basset en fait...
), donc le chien a pratiquement le même rôle que celui d'Avalon, et on a droit à une scène d'appartement et Batou a le même rapport que Ash avec son chien (et la bouffe du chien est encore une fois très importante...
).
Tout comme la grande scène du piège de Kim, ou l'on voit 3 fois la même séquence lors de la visite de la Doll House, une sorte de reprise des différentes classes d'Avalon, et l'indice qui permet à Batou de se sortir de ce piège ... c'est... génial ! Non, je peux pas tout raconter !
FIN SPOILERS
Oshii se permet de s'autociter (!) par deux fois dans ces séquences très importantes (voir ci-dessus

) mais avec beaucoup d'intelligence et c'est vraiment très appréciable...
La marque d'un génie qui recycle ses thématiques préférées tout en avançant et innovant...
Où en étions-nous ? Oui donc sans spoiler c'est difficile... Togusa est le nouveau co-équipier, on revoit aussi Ishikawa (qui a une caisse terrible...) et le chef de la Section 9 (très peu).
Surprenant de la part d'Oshii, mais il n'y a pour une fois pas d'intrigue politique. Et c'est pas plus mal parce que les pistes de réflexion qu'il nous lance sont assez nombreuses !
Et Motoko ??? ou plutôt, le Major ??? Enfin, ce qu'elle est devenue...
Est-elle présente dans
Innocence ? Si oui quelle importance a-t-elle ?
SPOILER
C'est LA bonne surprise de l'histoire : dans le dernier tiers la rencontre a lieu et le Major et Batou collaborent pour notre plus grand bonheur...
Batou a beau être un personnage très intéressant.. l'absence de Motoko aurait été insupportable...
FIN SPOILER
Je me rends compte qu'après toutes ces lignes je n'ai toujpours pas parlé des scènes d'action... car oui il y en a, et elles sont plutôt musclées et bourrines pour du Ghost !!! 8O (faut dire que la plupart du temps c'est Batou qui est à l'oeuvre)
C'est pas du spoiler mais les CyberDolls du film se défendent plutôt bien !
D'ailleurs toute la thématique de la poupée est très intéressante mais je vous laisse la découverte. Ca ma fait penser que beaucoup ont comparé
Innocence (et le premier
GITS) à
Blade Runner (métropole futuriste, poupées, androïdes, etc...). Je n'y ai pas pensé une seconde pendant le film ! Et même après je ne trouve pas les quelques points communs gênants tellement les films sont au final différents. (et puis Ridley Scott, c'est pas Oshii non plus...

même si j'adore
BR et
Alien).
J'ai même pas parlé du générique ! 8O
Bon d'abord, comme dans le premier : un pré-générique musclé (dont vous avez vu une grande partie dans les trailers), puis LE générique sur le grand thème envoûtant et puissant du film : tout simplement une reprise de celui du premier
GITS, un Making of cyborg en 3D du plus bel effet et qui vous met en transe pour le reste du film...
Les fans d'Oshii ne pourront pas être déçus, les autres n'auront qu'à se préparer en matant
GITS en boucle ou il peuvent toujours se passer d'
Innocence... tout en sachant qu'il vont rater quelque chose comme le film de l'année, voire le film de SF de la décennie 2000.
Si vous avez des questions, n'hésitez pas, je me ferais un plaisir de vous répondre.
