Sur les quais - Elia Kazan - 1954

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DPG
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Sur les quais - Elia Kazan - 1954

Message par DPG »

"Sur les quais" aka "On the Waterfront"

"Sur les quais" est un film complexe. Déconcertant. La première fois que je l'ai vu, je me rappelle avoir ressenti une "relative" déception. Cela arrive parfois, surtout pour des films précédés d'une telle réputation, mais c'était différent. Ce qui explique certainement cela est son sujet.

Un rappel résumé : Un jeune docker, Terry Malloy (M.Brando), ancien boxeur, est manipulé par son frère, avocat du syndicat des dockers dirigé par le crapuleux Johnny Friendly. Il assiste sans intervenir au meurtre d'un employé qui voulait dénoncer les méthodes illégales de ce dernier. Malloy se retrouve devant un cas de conscience...

Cas de conscience pourrait bien résumer le film. Cela pourrait résumer la situation qu'a connu son auteur. En effet, dès lors que l'on connait un peu la vie d'Elia Kazan, les noms qu'il a dénoncé durant la chasse aux sorcières, on ne peut que faire le lien avec ce film qu'il a signé ds la période qui a suivi cette affaire. Malheureusement, les faits sont souvent plus ou moins déformés, ou en tt cas simplifiés, faisant passer Kazan pour un parfait salaud aux yeux du monde. C'est également ainsi que les dockers vont dans un premier temps voir Terry Malloy. C'est sans doute ainsi que je l'ai vu la première fois.

Le malentendu vient du fait que Kazan ne cherche pas à présenter Terry comme un modèle, comme un exemple à suivre ou quoique ce soit. Il montre seulement un homme face à un choix, avec deux possibilités s'offrant à lui. Aucune n'est parfaite, aucune ne lui convient réellement, mais il doit faire un choix. Kazan a dit notamment (ds le livre "Kazan par Kazan" que j'ai commencé hier et qui m'a immédiatemment donné envie de revoir le film) à propos des déclarations qu'il a fait des phrases comme :

"Je ne pense pas ds ma vie que j'aie commis une seule autre action pour laquelle j'ai des sentiments plus ambivalents"

"Ce fut pour moi un acte symbolique, qui exprimait ce que je pensais à ce moment. Bien ou mal, je n'ai pas agi par calcul, mais par conviction. (...) J'ai préféré à ce moment faire ce que j'ai fais plutot que de continuer, par mon silence, à participer à cela. Trahir, pour moi, cela aurait été en vérité, mentir en disant "Oh non ! Je ne connais personne, je ne suis absolument pas au courant, cela n'existe pas."

"J'ai pris une décision difficile. Elle l'était, elle l'est encore. Je n'ai jamais été à l'aise en y pensant. Je ne me suis jamais dit : "C'était très bien !". Ce n'est pas si simple"

Tout le doute de ce choix est résumé ds le personnage de Brando. Brando lui-même avait d'ailleurs dans un premier temps refusé le rôle. Il est assez amusant de savoir qu'il aurait été joué par Sinatra si Brando n'avait pas changé d'avis. Amusant qd on connait d'une part les liens de Sinatra avec le crime organisé, d'autre part pour le fait que lui et Brando se détestaient copieusement. Sachant toute la part personnelle que Kazan avait mis dans ce personnage, on imagine qu'il devait être heureux d'avoir réussi à convaincre celui qu'il considerera toujours comme le meilleur acteur qu'il ait jamais dirigé.

Mais une fois passé sur tout cela, "Sur les quais" reste un film que l'on peut apprécier même sorti de son contexte spécial. D'abord le travail sur les décors. Tourné sur des vrais docks, le tournage reserve son lot d'anecdotes et un paradoxe de taille, le film se faisant notamment sous l'oeil des gangsters et des dirigeants qu'il cherchait à dénoncer !

On peut également louer l'interpretation générale, Kazan étant (et peut-être avant tout) un immense directeur d'acteurs. Il permettra notamment à Eva Marie Saint d'obtenir un Oscar pour son premier rôle au cinéma !!! Et à Brando d'avoir également sa première statuette, pour ce qui était déjà sa 4e nomination (à l'age de 30 ans, c'est plutôt pas mal).
Preuve de plus de la qualité de l'interpretation, le statut culte d'une scène, la face à face entre les deux frères (Brando et Steiger), qui n'a pas forcement ici la renommée qu'elle peut avoir aux USA, sachant que là-bas, cette scène est une des plus jouées dans les cours d'art dramatiques.

Voilà, je pourrais vous louer encore tout un tas de choses, l'écriture brillante, la magnifique partition sonore, etc... Si on voit le cinéma comme une somme de talents à différents postes, on peut penser que "Sur les quais" est un exemple quasi magique, et avec l'emotion d'une alchimie parfaite en plus.

Voilà, 8 Oscars donc pour la petite histoire, notamment film, realisateur, scenario, acteur, ça veut plus toujours dire quelque chose aujourd'hui mais il y a qd meme plus de bons films que de merdes avec un tel pedigree.

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Manolito
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Message par Manolito »

Un film pour lequel il est difficile de ne pas resentir des appréciations ambivalentes. Kazan le cinéaste est au sommet de son art, la distribution est éblouissante (Lee J. Cobb, Karl malden, Rod Steiger), et la fin est un moment inoubliable. Mais c'est aussi un long métrage indissociable de l'Histoire avec un grand H, difficile à ne pas prendre comme une espèce d'excuse. Mais là Kazan triche. La commission des activités anti-américaines ne s'en prenait pas à des gens pour leurs actes, mais pour leurs opinions. La liste noire n'était en rien quelque chose qui correspondait à une forme réelle de justice, et elle a empéché des gens de talent de travailler. C'est quand même une période où tout a été fait, avec succès, pour dégouter Chaplin de revenir aux USA, Chaplin qui n'a jamais été au Parti Communiste ! Simplement parce qu'il avait effectué un voyage en URSS ! Lui qui a plus fait pour le rayonnement de l'Amérique qu'aucun autre autre artiste du 20ème siècle !

Reste un grand film, un film fort tout de même.
Modifié en dernier par Anonymous le dim. janv. 08, 2006 12:41 pm, modifié 1 fois.
alex65
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Message par alex65 »

Pour moi un trés grand film tout simplement. Brando y est majestueux, William Holden est un peu excessif pour une fois, mais la dureté du monde ouvrier et la corruption générale bien retranscrite, ce qui me touche beaucoup.

Un role majeur pour Brando qui y conjugue dureté et sensibilité. Mon Kazan préféré. Je me fous de toute les histoires politique autour de Kazan, là n'est pas le sujet pour moi, ici on traite de cinéma ... :evil:
fiend41
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Re: Sur les quais - Elia Kazan - 1954

Message par fiend41 »

:? ben moi j'ai été déçu. un film trop long pour une intrigue trop basique..et l'ensemble est un peu exagéré, surtout avec le mob. j'ai trouvé Brando très laborieux et maladroit, quand il tente d'apporter de la sensibilité à son rôle, les pigeons sont le prétexte pour adoucir son personnage, car de lui rien ne semble ressortir en émotion.., .

la scène clé pour moi ou la plus touchante, c'est le moment où le père de la jeune fille lui explique miette à miette tout ce qu'il a enduré pour elle, là oui c'était poignant.
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