On s'en doutait déjà un peu mais "HellBoy II: les légions d'or maudites" (mazette, quel titre affreux) vient le confirmer de la plus belle des façons: Guillermo Del Toro est sans doute ce qui est arrivé de mieux au cinéma fantastique depuis très longtemps...
HBII (pour faire plus court) se présente en effet comme une sorte de film somme de tout ce qui a précédé dans la filmographie déjà exceptionnelle du jovial mexicain: l'armée d'or et les mécanismes de la cité de Bethmoora renvoient directement aux obsessions d'horlogerie qui dominent toute son oeuvre; on retrouve la furie matinée de tragédie grecque qui transcendait la commande "Blade II"; le traitement doux-amère et comique qui présidait aux destinées du 1er épisode du cornu rouge ("Hellboy" donc) ou encore tout l'héritage des contes de fées et mythologie qui irriguaient "le labyrinthe de Pan"...Tout cela enveloppé dans une enveloppe de blockbuster fédérateur (mais jamais putassier).
Si les premières minutes au ton ouvertement comique proche d'un MIB peuvent encore dérouter ceux qui s'attendaient à voir ici une oeuvre sombre ou crépusculaire (on les ramènera quand même vers la lecture des comics de Mignola qui, bien que très différents des films, ne sondent jamais des abîmes de noirceur et sont toujours portés par un humour assez prononcé), on ne peut malgré tout que s'incliner devant la splendeur graphique de l'ouverture avec cette guerre de pantins. Et cette beauté s'imprégnera sur tout le métrage, gagnant même en intensité au fur et à mesure du déroulement de l'intrigue (que ce soit le marché des trolls, la boutique du marché, la salle du BPRD, les sous sols de la Cité, etc...tous les décors sont absolument magnifiques)..Il est quand même important de signaler à quel point le génie de Del Toro met un peu la honte à nombre de ses concurrents qui, bien que souvent nantis d'un budget 3 à 4 fois supérieurs, sont incapables de rivaliser avec le faste qui imprègne la rétine tout le long d'HBII (faudra m'expliquer comment The Dark Knight a pu coûter presque 200 Millions de dollars
![Shocked :shock:](./images/smilies/icon_eek.gif)
).
La beauté des images trouve une illustration stupéfiante dans l'incroyable bestiaire qui peuple le film. Del Toro va payer ici son tribut aux maîtres du genre, que ce soit Jim Henson ( le design de la Princesse rappelle irrémédiablement ceux des Gelflins de Dark Crystal), Ray harryhausen (les légions d'or renvoyant directement à l'armée de squelette de Jason et le Argonautes), les équipes du Lucas de 1977 (le marché aux trolls et sa centaine - au bas mot- de créatures pouvant être vu comme une ré-vision puissance 10 de la cantina de Star Wars), allant même jusqu'à citer quasi-littéralement Hayao Miyazaki lors de l'extraordinaire affrontement contre l'Elemental (une créature à la beauté qu'on croyait jusque là uniquement visible réservée aux anime du maître nippon). Homme à la culture immense et fêru de mythologie(s), GDT va également ancrer son univers dans des influences artistiques hors cinéma pour pour en appeler à une histoire globale de la culture: l'héritage celte des Trolls et autres elfes, la culture orientale, japonaise, ou encore l'héritage chrétien (la lance de Nuada rappelant à bien des égards celle qui perça le flanc du Christ), la photo mordoré de Guillermo Navarro renvoyant aux gravures de contes de fées. Bref, avec un peu plus de culture(s) on pourrait sans doute continuer des heures à égrener le souci du détail qui parcème le film.
Mais évidemment, HBII ne serait qu'un magnifique livre d'images si le tout n'était pas soutenu par une charpente solide: c'est à dire une histoire, des personnages et une mise en scène au diapason. Par chance, le réalisateur mexicain nous gâte également sur ces points. Si l'intrigue principale ne fait pas dans l'originalité la plus folle (en gros, le cornu et ses acolytes doivent empêcher le Prince Nuada de réveiller les indestructibles légions d'or et ainsi mettre fin au Pacte de paix qui règne depuis des millénaires entre les humains et le monde des créatures mythologiques et fantastiques...en résumé, hein), le traitement opéré par GDT va modifier la donne. Dépeignant avec le plus grand sérieux (voire même plutôt la plus grande croyance) tout le côté féerique du projet, notre mexicain va contrebalancer le tout par des scènes de pure comédie (avec des punchlines absolument énormes) visant à évoquer tout ce qui concerne Hellboy et sa bande. Résultat: les monstres deviennent des personnages comme les autres (personne ne s'étonne jamais des créatures qu'ils peuvent rencontrer), aux situations que n'importe qui ici pourrait connaître (combien n'ont pas vécu la séquence - absolument anthologique- de beuverie suite à un plaquage ou un amour contrarié). Pari gagné: l'humanisation des freaks marche à plein régime. Cette humanisation étant d'ailleurs un des nombreux thèmes traités dans ce film dans lequel on évoque aussi (comme dans "Pan"), par le biais du plus beau vilain de l'année (oui oui, autant que le Joker sauf qu'on entendra absolument pas parler de la superbe perf de Luke Gross), le désenchantement du monde ainsi que l'autre thématique récurrente chez Del Toro: celle du choix et de ses conséquences.
Rassurons-nous quand même, tous ses thèmes sont bien portés par un blockbuster avec ce que cela comporte de séquences maousses. Sauf qu'ici, le sens prodigieux de la mise en scène de Guillermo va porter lesdites scènes vers des sommets rarement atteints. On se souvient qu'une des relatives déceptions du 1er épisode était le manque d'ampleur des scènes d'actions où Del Toro n'avait pas su retrouver le souffle de celles qui émaillaient "Blade II". Et bien, pour ce nouvel opus, la magie opère vraiment: portés par une caméra à la fluidité exemplaire et un sens du cadre absolument prodigieux, tous les combats en foutent plein les mirettes. On ne reviendra pas sur l'affrontement avec l'Elemental (qui n'est encore une fois, qu'UN SIMPLE passage du film et non son climax) pour s'attarder un tout petit peu plus sur les 2 superbes combats entre Hellboy et Nuada. Del Toro, revenant aux dispositifs de "Blade II", chorégraphie littéralement 2 ballets qui renvoient explicitement aux exploits qui ont forgé une part de notre cinéphilie, je veux bien sûr parler des HKflix d'anhologie.
Résultat des courses:On quitte le film le sourire aux lèvres et la larme à l'oeil. Le sourire car on assisté à un spectacle revigorant avec l'envie immédiate d'y retourner et la larme car il va falloir être sacrément patient pour voir la suite (qui s'annonce apocalyptique)
On l'aura compris, vous êtes forcément encouragés à aller admirer ce film rare sur les écrans. D'autant que comme nous l'a demandé Del Toro lors de sa présentation du film hier soir (à l'UGC Ciné Cité Halles) "Don't let James Bond fuck us up the ass, I'm still sore from the Dark Knight!" (en gros, ne laissez pas James Bond nous baisser. J'ai encore mal depuis le Dark Knight").
Hellboy II est bien plus précieux qu'un chef d'oeuvre. C'est un idéal de cinoche populaire
P.S.:En fait, ce film n'a qu'un défaut. Il donne foutrement envie d'écouter du Barry Manilow
![Mr. Green :mrgreen:](./images/smilies/icon_mrgreen.gif)
"Je dis aux jeunes : la fête, c'est la vie. La vie, c'est ton visage !" (Hommage à un disparu: Jean Pierre Raffarin)