Solo (1970) Jean-Pierre Mocky

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MadXav
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Solo (1970) Jean-Pierre Mocky

Message par MadXav » lun. mai 05, 2008 3:21 pm

Solo est sorti avec Télérama dans le cadre du cycle "Mai 68" que propose le magazine. Il s'agit du numéro 6 de la collection et tout comme les autres DVD ("L'an 01" par exemple), il est possible de le trouver dans les solderies ou massivement sur les broc pour une somme misérable (2euros dans mon cas).
Le disque propose le film, des sous-titres anglais optionnels, des sous-titres français pour malentendants, une intro de Mocky, la bande annonce, quelques photos et des extraits des critiques (unanimement happy) de l'époque.

Synopsis :
Vincent est un séducteur qui passe sa vie à courtiser les bourgeoises et à les déposséder de leurs encombrants bijoux. C'est sa manière à lui de profiter du système, de contourner les règles d'une société pyramidale fondamentalement injuste...
Son jeune frère est pour sa part bien plus fougueux. Anarchiste revendiqué, le jeunot décide de détruire ce même système en attaquant sa "branche pourrie", celle des riches, des tous puissants, de ceux qui s'octroient tous les droits et tous les plaisirs grâce à un argent acquis au détriment des autres. Pour réduire au silence cette classe corrompue, le jeune Virgile opte pour la violence.
Le retour de Vincent en France coïncide avec le premier attentat de Virgile. Apprenant la chose par hasard, Vincent va tout faire pour empêcher son frère de poursuivre dans cette voie...

Avis :
Solo est un film un peu particulier né dans l'esprit de Mocky suite à une discussion entre étudiants qu'il a entendu dans un bar.
Nous sommes en 1969 et c'est un peu la grande désillusion : Mai 68 a eu lieu, la mobilisation était massive, les affrontements parfois brutaux et le système semblait sur le point de céder. Pourtant, malgré des avancées notables et la Date Historique, la société demeurera fondamentalement la même et les injustices dénoncées perdureront. Pour les ardents militants de 68, la claque est grande et les efforts peuvent sembler vains. L'avancée vers "une société égalitaire" s'est transformée en petite progression (et grande frustration), finalement à peine perceptible s’il on la compare au grand chamboulement espéré...
Du coup, on en vient à imaginer des méthodes plus "agressives" et "radicales". Le terrorisme politique en est une.

Mocky nous montre donc, via deux frères, deux manières bien distinctes de vivre le refus de la société actuelle. Nous avons donc là deux anarchistes avec tout d'abord Vincent (joué par Mocky lui-même), plutôt pacifiste et optant pour la logique suivante "qui vais-je déposséder s'il n'y a plus de riche ?". La société étant ce qu'elle est, l'homme décide d'en tirer parti en devenant officieusement un riche, un anti-bourgeois profitant de leurs travers et vivant à leur insu.
Virgile est pour sa part plus violent, plus déçu et plus désespéré sans doute. A l'image de ce que fera le groupe "Action Directe" à partir de 1979 par exemple, le gamin assassine donc au nom de la liberté et des droits de l'homme.

Les deux personnages sont fort bien esquissés. Mocky ne prend pas parti et les agissements de l'un comme de l'autre ne trouvent jamais de véritable salue dans SOLO. Ils ne sont jamais jugés, jamais encouragés et bien évidemment jamais pointés du doigt. Cette vision double de l'anarchie est juste une vision lucide et inévitable : Il n'y a pas qu'une seule manière de rejeter activement la société dans laquelle on vit (l'anarchie plusieurs 10aines de mouvements différents). Les "jeunes", qui nous sont décrit comme l'héritage direct de Mai 68 (des étudiants aux cursus respectables), nous apparaissent toutefois comme plus naïfs, plus volontaires mais plus impulsifs... Une façon d'"excuser" leurs actes ? Aucune idée. Quoiqu'il en soit, les personnages sont suffisamment forts pour qu'on s'y attache. Point de caricature ici, les mouvements de pensé sont respectés et même argumentés (simplement toutefois).
La classe bourgeoise nous apparaît cependant sous un jour peu glorieux. Les attentats visent ainsi les plus "dépravés" de la classe dirigeante, ceux qui profitent de leur statut pour se livrer par exemple à des orgies faisant la part belle aux minettes de moins de 18 ans... En cela, Mocky prend tout même position et semble "convenir" que le système pyramidal n'est pas une solution acceptable.

Au delà de ces personnages et de ces propos plutôt intéressants, le film prend la forme d'un thriller. Vincent cherche Virgile pour le stopper et la Police cherche Vincent qu'elle imagine être la "tête pensante". La double-traque s'étend donc sur 90 minutes, avec du bon et du moins bon. On ne s'ennuie pas mais certains acteurs sont très très "limite". La fusillade du début prête pour sa part au rire avec des impacts de balles juste ridicules. Il en sera de même d'un plan (furtif) d'un paquebot qui n'est à l'évidence qu'une pauvre maquette dans une baignoire... Enfin, le film de Mocky apparaît comme très timide, justement parce qu'il n'ose pas et "bride" quelque peu ses personnages. Les dialogues sont intéressants mais l'on aurait souhaité plus de profondeur, une réflexion plus aboutie... L'ensemble "survole" quelque peu son sujet même si la fin semble scander (timidement) le fameux "l'anarchie vaincra"...

Bref, un film intéressant mais finalement peu engagé, faisant la part belle à une double traque plutôt sympathique mais aujourd'hui datée...

Le métrage a très bien fonctionné à sa sortie. Les critiques ont été élogieuses et ce d'où qu'elles viennent (gauche, droite et extrêmes). Le propos était peut être à l'époque "choquant" et relançait sans doute l'intérêt du public pour l'anarchie (qui n'est autre que le refus de la société actuelle : "L'anarchie c'est l'ordre moins le pouvoir ") mais aujourd'hui, cela claque un peu comme un coup d'épée dans l'eau. L'action de Vincent comme celle de Virgile nous apparaissent en fait comme veines après 40 ans...

A noter un bande originale réalisée par Georges Moustaki, artiste très engagé à l'époque des événements de Mai 68. L'homme se veut par ailleurs être un "disciple" de Georges Brassens (le "Georges" de son nom de scène vient de là) qui, comme chacun sait, était un Anarchiste convaincu. Bref, Georges Moustaki nous livre une BO agréable mais particulièrement minimaliste, voire fainéante... En fait, elle ne compte qu'une seule chanson qui n'est d'ailleurs pas chantée mais fredonnée et surtout, utilisée à outrance par un Mocky moyennement inspiré (il la coupe brutalement de manière assez régulière)...
Dessin et sketching liés au cinéma, au voyage, etc. :
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japi
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Re: Solo (1970) Jean-Pierre Mocky

Message par japi » sam. mars 04, 2023 12:22 pm

Arte propose, sur son site, quelques films de Mocky.

J'ai découvert Solo et si je n'ai pas vu beaucoup de films de ce réalisateur (Litan, Noir comme un souvenir, A mort l'arbitre, Y a-t-il un Français dans la salle ?) il est, pour l'heure le meilleur que j'ai vu.

Solo est clairement un film post 68, qui tire un trait sur les illusions de cette période.
Le réalisateur réussit à ne prendre parti entre ce groupe de terroristes et ces policiers qui veulent restaurer l'ordre.
Ce qui est assez beau dans Solo, c'est l'amour fraternel qui pousse Vincent Cabral (interprété par Mocky) a prendre des risques pour aider son frère.
C'est un film politique, mais surtout un thriller prenant, avec du suspense et au rythme bien géré.
Il y a un peu d'humour, mais le film est globalement assez sombre.
La fin est émouvante.
Mocky manque un peu de moyens, sur quelques plans et une utilisation un peu répétitive de la musique.
Mais en dépit de ces maladresses, Solo est une œuvre intéressante et captivante.

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