Le voyage de la peur (The hitch-hiker) - Ida Lupino (1953)

[savoy1]

Je vais peut-être me faire taper sur les doigts, mais encore la découverte d’un « vieux » film qui ne m’a pas du tout intéressé. D’autant plus frustrant qu’il bénéficie d’une bonne petite réputation, comme sa réalisatrice d’ailleurs. Et que je suis toujours demandeur de ce genre d’intrigue minimaliste, prompte aux variations à partir d’une trame classique.

Ici ce ne sera pas le cas. Cette traversée du désert mexicain, qui voit s’affronter à l’intérieur d’une auto, deux amis partis pêcher et un auto-stoppeur criminel évadé de prison, se révèle sans fioritures, allant droit au but sans prendre de chemin de traverse. Donc dénuée de suspense. On est là pour rouler et on roule, entre les étapes obligées de bivouac. Peu de prises de bec verbales, pas de tension psychologique palpable. Peut-être la faute aux deux acteurs otages à la présence plus que fade. Les quelques rencontres utiles à ce type de road-movie sont purement fonctionnelles (le pompiste, le conducteur proposant de l’aide pour un pneu crevé). La traditionnelle radio sert de lien avec l’extérieur, mais on s’en sert de façon toujours aussi opportuniste (càd toujours au moment du flash d’infos).
Le déroulement de l’intrigue fait intervenir à 2-3 reprises un détective en costard et un flic mexicain dissertant dans un bureau devant une carte routière, scènes pour le moins plaquées artificiellement là à mon humble avis. Le spectateur de l’époque avait-il vraiment besoin de cette piqûre de rappel systématique sur les forces de l’ordre ? Merci les conventions.

Ensuite pas d’effets de mise en scène ni de montage dignes de soulever l’intérêt après toutes ces années. Les séquences à l’intérieur de l’habitacle sont représentatives des standards de l’époque, soit essentiellement de la rétroprojection entrecoupée de vues de paysage.

Et puis, comme souvent à cette époque, la fin est toujours traitée de façon aussi abrupte, les 70 min de durée obligent pour une série B. Mettant un frein aux quelques rebondissements qui pouvaient commencer à pointer leur nez.

[Manolito]

"Le voyage de la peur" est un des 5 films réalisés par Ida Lupino, actrice à la carrière extrêmement singulière dans le Hollywood classique : elle est une des très rares femmes à avoir réalisé des films. A côté de cela, elle a aussi produit et écrit divers longs métrages. "Le voyage de la peur" est tourné pour le studio RKO, à une époque où celui-ci est en pleine déconfiture. Cette major cessera d'ailleurs de sortir des films peu de temps après, durant l'année 1957.

Il s'agit donc d'une série B, basée relativement fidèlement sur la vraie virée mortelle du jeune tueur Billy Cook. Ida Lupino tourne cette série B avec de tout petits moyens, une poignée d'acteurs, et se frotte à un film d'hommes (il n'y a aucun personnage féminin dans le métrage), à des genres violents (thriller, Fim Noir), là aussi réputés masculins.

Ce suspens routier réussit à trouver une vraie cohérence, une certaine crédibilité, analysant particulièrement le ressenti de peur des deux otages, à la merci d'un psychopathe prêt à les éliminer quand il n'aura plus besoin d'eux pour couvrir sa fuite. La question n'est pas de savoir si ils vont mourir, mais quand.

L'interprétation est, je trouve, très correcte, en particulier William Talman en psychopathe sanglé dans sa vieille veste de cuir noir décrépie. Il est l'ancêtre des tous ces tueurs routiers à venir de "Hitcher" à "L'homme qui voulait savoir". La mise en scène est soignée et variée, et la photographie tout à fait réussie, donnant une imagerie de Film Noir intense et tranchante, signé par Nicholas Musuraca, vétéran de la RKO, ayant signé l'image de Films Noirs classiques et des films fantastiques de Val Lewton, tels que "La féline".

Pourtant, c'est vrai que malgré sa durée très réduite, le suspense n'est pas aussi fort qu'il devrait, ce tueur pas aussi inquiétant qu'il pourrait, et l'ennui s'installe parfois. Cela dit, ce film a un indéniable fumet de Série B Film Noir des années 50, un Hollywood marginal à l'ambiance inimitable et au charme subversif encore fort aujourd'hui. Comme "Detour" ou "Mort à l'arrivée", il est resté comme un film qui malgré des moyens très réduits, propose un résultat ambitieux et soigné. Une petite série B intéressante, à voir.

Vu sur le replay de TCM.

[DPG]

Effectivement, une petite série B intéressante, mais pas vraiment mémorable. On retrouve l'ambiance noire du petit budget de l'époque, le méchant est assez charismatique, l'aridité du désert mexicain participe au charme de l'entreprise. Mais au final, cette course en avant avec otages reste assez monotone, sans rebondissements particuliers, et y replonger aujourd'hui nécessite de remettre les choses ds leur contexte pour apprécier tel ou tel élément. Car mis à part sa valeur historique, et la place toute particulière d'Ida Lupino ds l'histoire hollywoodienne, ça reste une petite série B assez oubliable, pas vraiment trépidante. Et sur le registre de la prise d'otages en stop, il faut le dire, on a vu mieux depuis. Voilà, sympathique curiosité, mais une vision me suffira..

Vu sur C+ à la demande, très belle copie.