L'Ordre et la morale (2011) Mathieu Kassovitz

[Machet]

J'ai bien aimé. Kassovitz retrouve ses marques avec ce film engagé, à la mise en scène inspirée et ambitieuse (la scène du flash back est inouïe), avec un scénario et un montage à la mécanique bien huilée, fonçant dans le mur annoncé dès le début. Kassovitz n'appuie pas sur tous les boutons, il ne cède pas au spectacle, il reste collé au drame. Le seul hic est la direction d'acteurs parfois mal inspirée pour certains seconds rôles... mais qui ne suffit pas à gâcher le film pour autant. Très certainement son meilleur film pour le moment.

[Manolito]

Pour suivre ce thread, j'avais 12 ans au moment de cette prise d'otages, je me rappelle très bien les évènements de nouvelle calédonie de cette époque, très médiatisés dans la presse et à la télé française ; cette prise d'otages avait été le sommet d'une longue période de crise. Après les accords de Matignon, la situation s'est vite apaisée et depuis, la nouvelle calédonie ne fait plus les gros titres, et ne constitue pas un traumatisme aussi profond que par exemple l'algérie. Pour cela et pour beaucoup d'autres raisons, "L'ordre et la morale" n'a pas beaucoup du tilter dans la tête du public plus jeune.

Et il faut dire que l'affiche avec Kassovitz prostré avec son drapeau part mal, annonçant déjà au spectateur un bon coup de sermon et une morale déjà toute jouée d'avance. C'est d'ailleurs là le pépin de ce métrage, il n'y a guère de surprise. Chirac et sa bande en prennent plein la gueule (plutôt logique dans un film produit en plein dans les années Sarko), Mitterrand en sort presque absous contrairement à ce que j'ai pu lire plus haut. Et c'est vrai qu'on est gêné par un certain simplisme dans la mise en scène, quel que soit la légitimité du propos. Les paras sont des gros braillards aux yeux injectés de sang, tous les kanaks professent des paroles pleines de sagesse à longueur de métrage. Des contradictions idéologiques évidentes ne sont pas relevées (des militants pacifistes qui viennent occuper une gendarmerie équipé de nombreuses armes à feu ?) et pour une situation où la violence se retrouve des deux côtés, le ton manque de subtilité.

La situation en elle-même est choquante, mais Kassovitz en rajoute, nous force la main, appuie au lieu de laisser les faits parler pour eux mêmes (comme par exemple "La bataille d'Alger"). C'est là où le bât blesse, il y a une envie de bien faire telle qu'elle ne laisse pas la place à la surprise, à la liberté d'interprétation, à la réflexion personnelle.

Heureusement, Kassovitz est bon acteur, et contourne la menace du narcissisme qui plane forcément sur un tel projet.

Car "L'ordre et la morale" n'est pas un mauvais, film, il est bien fait, intéressant, le cadre et le sujet changent de la norme et des sujets rabattus du cinéma français, un film ambitieux, à part dans le cinéma d'aujourd'hui, qui tente de taper haut, mais par excès de bonne volonté m'a laissé un peu à l'écart.

Vu sur ocs replay, bonne copie 2.35 16/9, VF stéréo.

[Superwonderscope]

Vu sur le tard, sur le très beau blu ray français.
Pêle mêle, un peu comme le tout le monde. Le film possède un point de vue (Legorjus/Kassovitz en mode "je m'aime", en effet), très fort, et le tient jusqu'au bout. Une belle cohérence.
Il y axe très belles scènes (celle où Samy raconte l'assaut de la gendarmerie, mélangeant passé et présent dans un seul même plan - évitant le piège du très facie flash-back . c'est très bien vu.
La scène la plus forte pour moi reste celle où l'un des Kanaks prend la parole lors de la rencontre avec le vieux du village. Simple, direct : magnifique.
Autre potin intriguant qui, curieusement, m'a rappelé la fin de The Fog. L'utilisation de la musique dans la dernière bobine : un thème incessant de Badelt qui revient, de plus en plus fort, entêtant, à base de sons électroniques et coups de basses. Ca fait très Carpenter et son climax de The Fog (morceau "reel 9"). On est dedans et on n'en sort pas. belle montée en pression,
Maintenant, à force de vouloir taper, le film se prend les pieds dans le tapis de son manque de distance. C'est inévitablement démonstratif par instants, agissant avec des stéréotypes (ah ces connards de l'armée de terre! ah ces politiciens véreux poins de tout!). C'est surtout parfois pas très bien joué. La colère du général Duval lorsqu'il tape du poing sur la table est risible, plaquée, mal jouée. Et pas mal d'acteurs sont concernés par un jeu peu concerné. la démonstration de l'auteur tourne à la leçon de morale avec la légèreté d'un bulldozer.

Ceci dirt, je n'ai pas passé un mauvais, je me disais justement que ça faisait longtemps que je n'avais pas vu un film français aussi fort. Comme si on avait perdu ce gout du cinéma polémique et social.

[Dragonball]

Vu aujourd'hui, et j'ai trouvé le film très sympa.

Un sujet intéressant (Enfin pour les gens qui s’intéressent à autres choses que les zombies, les ninjas et les gros robots !), parlant d'un sujet "polémique" aujourd'hui quasiment oublié pour un film qui a déjà le simple mérite d'exister !

Contrairement à ce qu'on aurait pu craindre, Kassovitz, dont l'égo aurait pu poser problème, livre ici un film sobre, finalement assez anti spéctaculaire (Ah ce niveau, ceux qui s'attendait à un scène final pétaradant de partout en seront pour leur frais !) et évitant au maximum tout manichéisme et autres simplifications, même si le débuts laissait un peu craindre une vision assez basique de l'armée française (Les mecs du GIGN étant ne gros décris comme professionnels raisonnés par rapports à des militaires passant pour des bourrins racistes !). Une vision temporisée plus tard par quelques dialogues bienvenue. Et si les hommes politiques ne ressortent pas grandis de l'histories, c'est peut être parce qu'en effet, ceux sont quand même souvent de sacrés pourris aussi cyniques que manipulateurs !
Quand aux preneurs d'otages, si on sent évidement que Mathieu Kassovitz porte sur eux un regard assez compréhensif, le FLNKs n'est par contre lui pas épargnés par certaines critiques.

Le film est en tout cas largement supérieur à "L'assaut", autres films qui relatait des événements dramatiques assez similaires, évitant tout pathos et surtout bien mieux réalisé ! (La scène finale, malgré sa sobriété, est tout de même bien tendue !)

Bref, on est pas chez Oliver Stone et ses délires en tout genre, mais c'est probablement mieux comme ça !