A Rome en 1973, John Paul Getty III, petit-fils du milliardaire américain John Paul Getty, est kidnappé par des gangsters qui réclament une rançon de 17 millions de dollars. Une rançon que son grand-père refuse de payer...
A 70 ans, l'infatigable Ridley Scott marque nettement l'année 2017, que ce soit en tant que producteur ("Le crime de l'Orient Express", "The Secret Man: Mark Felt" à propos du Watergate), conseiller artistique omniprésent ("Blade Runner 2049") ou réalisateur avec quand même 2 films dont ce dernier, "Tout l'argent du monde".
Ce film est dans la veine "films-dossiers", genre qu'il a relativement peu fréquenté ("American gangster" réussi, "Mensonges d'état" raté).
Inspiré d'un fait divers retentissant des années 70, "Tout l'argent du monde" est d'une part une reconstitution ultra-soignée des années de plomb, dès le premier plan-séquence du film qui nous fait passer d'une dolce vita fellinienne en noir et blanc à une italie couleur terne, poussiéreuse et réaliste.
Si l'ambiance se veut crue, la mise en images de cinéma reste extrêmement soignée, la photo de Dariusz Wolski est comme toujours brillante, parfaitement en phase avec l'intention mi-réaliste, mi-esthétisante que recherche ici Ridley Scott.
Au-delà d'un thriller de prise d'otage, qui rappelle "Sicilian Ghost Story" lui aussi de cette année, "Tout l'argent du monde" explore l'esprit le personnage de John Paul Getty. Et il est clair que c'est cet aspect qui a le plus passionné Ridley Scott.
Milliardaire ultra-puissant ayant fait fortune dans l'exploitation du pétrole saoudien, homme d'affaires et négociateur sans pitié, il est une personnalité complexe, orgueilleuse, mégalomane, un grand-père affectueux à sa façon, mais aussi un monstre de froideur à l'égard de ses proches. Que se passe-t-il dans la tête d'un grand-père pour qu'il refuse de payer la rançon de son petit-fils, celui-là même qui porte son propre nom et avec lequel il partage une relation privilégiée ?
Le vétéran canadien Christopher Plummer est magistral dans ce rôle, à la fois chaleureux et cynique, ambigu et possessif. Scott le montre comme un homme qui met un prix sur tout, qui vit entouré d'objets d'art uniques, mais n'y voit qu'autant de déductions fiscales.
La force de John Paul Getty est qu'à ses yeux tout a un prix, tout porte une étiquette en dollars, que tout se négocie. Mais c'est aussi sa faiblesse, qui fera qu'il ne créera jamais la lignée familiale à laquelle il aspire...
L'action se déroule essentiellement à Rome et dans la villa anglaise de Getty, deux lieux où l'Art et la Culture sont omniprésents, ce qui permet à Scott de tisser ses habituels liens secrets entre son oeuvre et le passé culturel : Paul, figure apollinienne aux boucles blondes, se tient ainsi face au buste d'Antinoüs, le favori d'Hadrien, cet empereur romain qui fascine tant son grand-père.
Certes, il y a des faiblesses, une sur-dramatisation de certains évènements, pour rendre les faits réels plus "cinéma" (le dénouement dans le village). Mais à nouveau, sous des dehors hollywoodiens, Scott fait passer d'autres choses et signe une réussite.
Même si ses deux films de 2017 ont des défauts (on a envie d'y ajouter "Blade Runner 2049" qui en est une émanation), Papy Scott n'en a pas moins été le "grand" cinéaste hollywoodien le plus passionnant et le plus stimulant à suivre cette année...
Vu salle 2 de l'UGC Montparnasse, malheureusement avec écran argenté, mais très belle projection quand même, ça fait vraiment plaisir de voir des images à l'échelle à laquelle elles ont été pensées.