Bon allez, especially for you...
Mais bon, pour le reste, il faudra l'acheter hein !
Bon sang, si toutes les critiques étaient aussi bien argumentées et intéressantes, bah... bah... DVDRama n'existerait plus, tiens !
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Ce début d’année sera sans doute marqué par la sortie de Munich, nouveau film d’Histoire de Steven Spielberg qui devrait ramener au centre de l’actualité le conflit israelo-palestinien, comme La Liste de Schindler avait catapulté le débat sur la Shoah dans les salles de classes. Ce film, consacré à la riposte du Mossad suite à l’assassinat de onze athlètes israéliens par le groupe palestinien Septembre Noir (déjà mis en scène par John Frankenheimer dans Black Sunday en 1977), se place bien sûr dans l’ombre du 11-septembre – dernier plan du film : le skyline de New York avec ses deux tours – mais dans l’ombre seulement. Après le déni du Terminal et son image conviviale de l’Amérique, Spielberg revient donc, par la bande, sur la tragédie de Manhattan et irrigue son film d’une série de questions à double sens : comment réagir face au terrorisme ? Quelle stratégie adopter ? La vengeance ? Le pardon ? L’indifférence ? Réponse de Steven : « la violence appelle la violence ». Tout ça pour ça…
Dans le dossier de presse du film, Spielberg et ses collaborateurs répètent à longueur de pages le désir d’ancrer le film dans les seventies, la volonté de recréer l’atmosphère paranoïaque des Trois jours du Condor, de renouer avec le style réaliste de French Connection (usage permanent du zoom, sic) et des polars urbains de la période comme si aujourd’hui la filiation avec le dernier âge d’or du cinéma américain constituait même pour le maître académicien du cinéma américain, un label de qualité, une marque d’authenticité et, mieux, un argument commercial de poids. L’ironie est d’autant plus savoureuse lorsque l’on se souvient que Spielberg fut l’un des rares survivants du naufrage du Nouvel Hollywood et que son cinéma se fonda précisément sur la négation de l’esthétique et des valeurs prônées par les seventies au profit d’un revival en trompe-l’œil d’une Amérique purgée de ses failles. Voir aujourd’hui le fossoyeur des années soixante-dix s’en réclamer ne manque donc pas de sel.
Quelle est l’identité de ce cinéma-américain-des-années-soixante-dix élevé au rang de genre à soi seul ? Munich ne répond à cette question qu’en multipliant les effets creux d’évocation (tant du point de vue du style – les costumes et accessoires d’époque ne suffisent pas – que de l’esprit qui anime le film), une poussière de signes dévitalisés raccordant à un scénario et à un chœur de personnages qui demeurent résolument étrangers à l’esprit des seventies. L’entreprise Spielberg subit les contrecoups des fluctuations du marché de la mythologie américaine mais, au fond, elle ne connaît pas la crise (esthétique et moral s’entend), l’intrusion d’un doute fondamental au cœur de son développement : une fois encore, Spielberg travaille du côté du consensus – pas de victime innocente au cours de la vengeance, équivalence des positions – et filme du point de vue exclusif de l’entertainment qui ne tolère qu’un rapport décomplexifié à l’Histoire. À ce titre-là, en effet, Spielberg pourra répéter son grand message jusqu’à la nuit des temps : « la violence appelle la violence »… Il y a donc deux types d’otages dans Munich ; les Israéliens de 1972 et le cinéma américain des années soixante-dix, mis sous cloche et assassiné au bout de deux heures quarante.
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Par Stéphane Bou et Jean-Baptiste Thoret in Panic #2