Un projet de longue haleine pour Norton, qu'il a écrit, réalisé et interprété, mettant visiblement une quinzaine d'années à faire le projet. 144mn ambitieuses malgré un budget qu'on sent parfois restreint, mais visuellement, c'est une réussite indubitable. Un véritable hommage à Edward Hopper, ai-je trouvé, dans les couleurs, le cadre, les costumes, la position des acteurs dans l'image - et le calme apparent des situations (le final saute aux yeux sur les escaliers).
Ambitieux dans ses thématiques, la narration mélange néo-noir, dénonciation de la politique d'urbanisation à outrance de Manhattan et de Brooklyn, racisme ambiant et whodunit puisque le moteur de l'histoire reste une intrigue de découvrir les tueurs/commanditaires du meurtre de Bruce Willis. Evidemment, la complexité prend le pas sur le reste ce qui permet une peinture sociale (et quasi sociologique) d'un New York jazzy, aux sous-couches sociales et implications insoupçonnées.
Pour la progression narrative, quelques erreurs assez grossières sur des plans trop démonstratifs
Spoiler : :
Norton s'offre un rôle en or, attachant au demeurant mais sur 144mn, c'est un peu trop long et fait trop numéro individuel qui crie "oscaaaaaaaaar". Même si la mise en scène le rend aussi bien touchant qu'agaçant. Il faut toutefois pointer que ce rôle n'est pas moqueur pour autant, et le rend encore plus humain. la carte de la moquerie aurait été trop facile à jouer et Norton, pour ce coup, fait une interprétation très juste. C'est assez curieux, aussi, le faite de se trouver à la fois dans un physique d'homme mûr et de jeune garçon sorti de sa vingtaine. troublant.
Les seconds rôles sont plutôt bien croqués, Willem Dafoe en premier - dont le rôle reste là aussi ambigu jusqu'au bout du film, et la dernière image sur lui m'a laissé quand même un doute
Spoiler : :
On sent quelques influences ça et là (Chinatown, au hasard ou L.A Confidentiel), mais pour moi, c'est définitivement l'Amérique d'Ed Hopper qui l'emporte, via de fabuleux décors, et une photographie magnifique.
A pointer la splendide musique de Daniel Pemberton, qui s'affirme comme un des musiciens les plus versatiles et les plus talentueux récents - quelqu'un dont j'adore le travail à la base et qui m'a vraiment surpris ici.
Vu au Pt-athé Levallois, par hasard, dans une séance assez vide et avec une projection acceptable, malgré le ton sombre voulu de l'image (la scène de danse, très belle). Une bonne surprise.
Le film pointe actuellement à 361 564 entrées, mais demeure un échec malgré tout un peu partout. je crois que c'est chez nous qu'il a le mieux marché.