Les anges sauvages - 1966 - Roger Corman

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Manolito
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Les anges sauvages - 1966 - Roger Corman

Message par Manolito » dim. mars 29, 2020 9:38 am

Titre US : The Wild Angels

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Un gang de bikers violents fait les 400 coups en Californie, jusqu'à ce que l'un d'entre eux soit blessé par balle et capturé par la police...

Si les séries B de Corman restent assez fauchées dans les années 50, sa carrière grimpe d'un cran en 1960 lorsqu'il collabore avec AIP pour "La chute de la maison Usher". On arrive à un moment où le cinémascope et la couleur se démocratisent : ils ne sont plus l'apanage des majors et des gros budgets, si bien que Corman peut les employer dans "La chute de la maison Usher" et signe une série B qui n'a rien à envier à un film de grand studio en terme de forme ; même si sur d'autres aspects, il se distingue. Durant la première moitié des années 60, Corman oeuvre donc en particulier sur son cycle d'adaptations d'Edgar Poe,

Pourtant, il signe aussi des films plus contemporain, notamment "The Intruder" sur le racisme. En 1966, il en a fini avec les adaptations d'Edgar Poe, et, habile à capter l'air du temps, il s'intéresse au phénomène des gangs de motards pour signer "Les anges sauvages", film à scandale qui connaît un grand succès et lance toute une mode dans la cinéma bis pour quelques années. Dans l'idée qu'il s'agit d'un film représentant la jeunesse, une nouvelle génération en porte-à-faux avec la précédente, il recrute deux enfants de Stars pour les rôles principaux : Nancy Sinatra et Peter Fonda. Ce dernier en particulier voit sa carrière décoller avec "Les anges sauvages", succès qui lui permet de lancer trois ans plus tard "Easy Rider", le film de biker ultime.

Certes, il y a eu d'autres films sur les gangs de motards auparavant, dont "L'équipée sauvage" avec Brando bien sûr, de 1953, film passable certes, mais qui crée de toutes pièces l'image du biker bad boy sanglé dans son perfecto ! Toutefois, si "L'équipée sauvage" est un film relativement indulgent et compréhensif envers la délinquance juvénile, comme pas mal des films de "rebelles" de cette période, comme "La fureur de vivre", "Les anges sauvages" passent à une autre étape.

Ici, les personnages, dont Blues, leader charismatique du gang des Angels, sont tous négatifs, n'ont aucun scrupule à blesser ou violer autrui. Dans ce film sans héros, Corman, s'inspirant très librement des gangs de vrais Hell's Angels, aligne les séquences destinées à choquer les parents : drogue, sexe, violence, beuverie à l'alcool, blasphème, étalage de symboles nazis, comportements antisociaux en tous genres... Rien ne nous est épargné, le métrage culminant lors des funérailles d'un biker, au cours duquel les motards mettent à sac une église et y organise une orgie mémorable.

Alors oui, il y a du kitsch, de la roublardise flagrante dans ce métrage, mais "Les anges sauvages" fait pourtant passer autre chose. D'abord la mise en scène et la forme sont soignés, avec un scope-couleur qui apporte de la richesse au film, une vraie dimension cinéma de qualité, une mise en scène animée. Et puis, le métrage dégage un nihilisme, un désespoir étonnant, il semble une sorte d'annonce d'"Orange mécanique" et des méfaits d'Alex et ses Drougs, portrait d'une jeunesse complètement irrécupérable... La séquence de l'enterrement est particulièrement étonnante en la matière.

Le film est aussi un vrai document sur les fringues rock et bikers, avec les détournements de vêtements militaires (veste d'aviateurs de la Navy et de l'US Air Force), policiers (blouson de motard), de sport (perfecto) ou de travail (trucker jacket en jean) pour mettre en place un style aujourd'hui totalement identifiable et encore d'actualité. On note aussi que Corman fait ici encore la courte échelle à une génération de réalisateurs à venir, avec Monte Hellman au montage et Peter Bogdanovich en assistant réalisateur.

Bref, une réussite étonnante de Corman, un film qui en dépit de ces excès B, fait passer quelque chose, cette face sombre de la génération psychédélique, le revers du peace and love des années hippies.

Vu sur le replay de ciné+.

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