Yannick - Quentin Dupieux -2023

[Roderick Usher]

Un théâtre est pris en otage par Yannick, un spectateur mécontent de la qualité du spectacle.

Nouveau film de Quentin Dupieux qui décidément, tient un rythme assez exceptionnel pour un cinéaste de notre époque. Alors est-ce que ça va réconcilier les réfractaires au réalisateur ? Pas impossible, le film partant cette fois sur un postulat ne reposant ni sur l'absurde, ni sur du fantastique. La mise en scène est épurée, la photo plus discrète que d'habitude et tout repose sur l'interprétation. Évidemment Raphaël Quenard est dans la majorité des plans mais au final, c'est surtout Pio Marmaï qui m'est resté en tête, son personnage évoluant plus que les autres. La marque Dupieux se retrouve surtout dans la tonalité du film qui est légère tout en abordant une thématique casse-gueule comme le racisme de classe. Et puis ça dure 67mn et rien que pour ça...

[Teurk le Sicaire]

Dupieux poursuit la mise en scène de ses obsessions : la création artistique et le rapport au public, ici dans une mise en abyme de prise d'otages du théâtre qu'un certain public de cinéma pourrait vivre de la même manière. Raphaël Quenard tient parfaitement son personnage disruptif, servi par une belle écriture (ses formulations sont géniales tout comme nombres d'autres répliques pourtant banales genre "je ne pensais pas le prononcer à voix haute"). L'unité de lieux sert le côté ramassé du récit mais limite un peu le réalisateur dans l'exploration visuelle, et si le film distille de bonnes idées (j'aime bien le perso du vieux qui gueule), il faut bien reconnaitre qu'il manque un peu de substance au-delà de son concept et de son discours méta-textuel. Un Dupieux mineur de mon point de vue, qui confortera ses détracteurs, mais qui a toujours pour lui son côté frondeur. Et au rythme de la production du monsieur, on va bientôt pouvoir le qualifier de Takashi Miike français.

[Roderick Usher]

Ah c'est marrant, mais je vois pas du tout le film comme ça. D'ailleurs, en dehors de Réalité et dans une moindre mesure Le Daim, je n'ai pas l'impression que ce soit un cinéaste qui interroge le processus de création en général.
Pour moi Yannick est un film sur le traitement des gilets jaunes, où chaque membre du public représente une classe sociale et où Yannick est la classe la plus basse. Il veut se faire entendre, se fait mépriser et réplique par la violence.

Spoiler : :

d'ailleurs, le seul à s'échapper est le bourgeois et c'est donc lui qui fera intervenir le GIGN pour ramener l'ordre alors même que Yannick aura réussi son pari et fédéré la salle. En fait, Dupieux, c'est le nouveau Begaudeau.

[Teurk le Sicaire]

Ah c'est marrant, mais je vois pas du tout le film comme ça. D'ailleurs, en dehors de Réalité et dans une moindre mesure Le Daim, je n'ai pas l'impression que ce soit un cinéaste qui interroge le processus de création en général.

Je pensais effectivement à ces 2 films mais y'a aussi la mise en scène du public dans Rubber et indirectement dans Au poste, qui est de ce fait imprégné du thème de la représentation artistique.

Pour le spoiler,

Spoiler : :

on n'est pas sûr que ce soit le vieux qui prévienne les flics car il semble peu sensible à la menace que représente Yannick et exprime même son dénigrement du public. Et il y a un autre spectateur qui s'enfuit sur la fin (le gars du kebab je crois), et comme ça semblait purement gratuit de montrer ça à ce moment-là, je me suis dit que c'était sans doute lui qui était à l'origine du signalement.

Mais la lecture gilet jaune du film est intéressante.

[Roderick Usher]

Spoiler : :

je n'ai pas le souvenir qu'un autre spectateur s'en aille, mais le seul qui n'est pas surpris, et qui manifeste uniquement de la colère, c'est le vieux bourgeois, et c'est pour ça que ça me semble évident que c'est lui fait ramener l'ordre.

[Atomu]

Rien à faire : je déteste le cinéma de Quentin Dupieux.

[Cosmodog]

Mouairf…. Je vous lis et je me dis qu’encore une fois on psychologise sur du vent. Le film ne m’est apparu que pour ce qu’il est: une impro tournée à la va vite. Et donc ça meuble pas mal. Ok petite touche d’émotion sur la fin. Mais franchement pas de quoi se relever la nuit. Yannick est un gars moyen, un peu désœuvrée, seul, perdu, et tout ce qui lui manque, c’est un peu d’amour. C’est beau. Y’a ça aussi dans Joséphine Ange Gardien.

Pasque quand j’entends que Yannick c’est un gilet jaune, un « sans dent » face aux bourgeois et au mépris des artistes, je me dis qu’on pousse trop l’analyse. Et que si c’est ça que veut montrer Dupieux, avec son personnage de semi demeuré, alors il le fait en mode Zoo, et il a le même regard condescendant que celui qu’il voudrait dénoncer. Or, je ne pense pas que Dupieux soit idiot. La satire, je la vois dans Steak, que j’aime beaucoup, dans Rubber oui, que je pense être une parabole sur Hollywood. Mais ça fait un moment que le Quentin s’est laissé aller un peu dans la fainéantise… et que son cinéma est désormais un peu du foutage de gueule sans fond véritable, sans but… on peut le voir comme du Dadaïsme cinématographique ou comme un manque d’ambition. Dupieux a la chance d’attirer les bons acteurs, comme là Quenard ou Pio Marmaï qui par leur présence sauvent le truc du naufrage.

Alors oui Dupieux a souvent mis en abîme la notion de spectacle/spectateurs dans ses films, jusqu’à l’absurde (la fin pétard mouillé honteuse de Au Poste !). Mais attention, pasqu’a force de critiquer le moutonage du public devant les œuvres calibrées ou décérébrées, faut tenir la distance et livrer du cinéma de qualité, et pas des purges comme Fumer fait tousser. Un peu la même remarque que pour Matrix 4, qui tire sur la blockbusterisation d’Hollywood tout en en livrant formellement un exemplaire frelaté.

Cela dit, ce constat ne s’applique pas nécessairement à Yannick, qui tient plus à mon sens de la blague d’impro entre potes que du pensum méta.

[orco]

une impro tournée à la va vite.

Il n'y a aucune impro. Tout est écrit et le texte est respecté à la virgule près par les acteurs. Comme dans tous les Dupieux.

Et effectivement, d'après ses interviews, il n'y a aucune satire sociale ou politique de sa part. Et je ne perçois aucune critique de manière générale dans ses films, juste de l'écriture libre qui essaie d'emmener le spectateur sur des terrains inconnus et surprenants. Mais bien sûr, chacun est libre d'interpréter a sa manière et d'y mettre du sens. Je pense que c'est le terme "prise d'otage" qui est très connoté en France dès qu'il y a des grèves, blocages ou manifestations. Mais ce n'était pas dans l'intention initiale de Dupieux.

[DPG]

1h03 dont 5mn de générique, on ne peut pas dire que l'avant dernier Dupieux traine en longueur !

J'aimais bien le début de carrière de Dupieux, mais ça fait un moment que j'ai décroché, et je n'ai rien aimé de lui depuis "Le daim". On ne peut pas vraiment dire que c'est "Yannick" qui va changer les choses, même si la séance n'a pas été le supplice d'un "Au poste" ou d'un "Fumer fait tousser". L'idée de base est cool, il y a quelques moments sympas, et des acteurs très bons, c'est déjà ça. Pour le reste, le vide que je redoutais un peu, une semi-bonne idée tous les quarts d'heure, une progression chaotique, des idées pas toujours bien canalisées, un non-sens et un gout de l'absurde qui finit par lasser... Bon, vous me direz, je me lasse déjà des films un peu absurdes de Blier ou de Bunuel en cours de route, donc je ne suis pas la cible, ça ne me touche pas, ce n'est pas spécialement propre à Dupieux... Je comprends qu'on puisse aimer, j'ai même pas envie d'en dire du mal, mais je passe mon tour.

[Machet]

Ça ne vaut essentiellement que pour la prestation convaincante de Raphaël Quenard. L'idée est pourtant bien (une sorte de "Chute Libre" au théâtre)... malheureusement les comédiens sur scènes (Blanche Gardin et Pio Marmai - pourtant bons par ailleurs) ont trop conscience d'être dans une comédie et en rajoutent pour "faire rire" le spectateur du film, ce qui fini par détruire le film avant la fin. Deux partitions sont ainsi jouées, une au premier degré par Quenard et l'autre décalée. Le mélange ne fonctionne pas et vient coincer le film. La fin est bien vue (Yannick ému devant la pièce, suivi par le tout dernier plan dans le couloir du théâtre). Dommage. Le potentiel était pourtant prometteur (un "Chute Libre" français, dans un microcosme symbolique et révélateur).