Les damnés (1969) de Luchino Visconti

[Manolito]

Le soir de son anniversaire, Joachim Von Essenbeck, le vénérable patron d'une des plus puissante aciéries allemandes, est assassiné. Presque au même moment, un étrange incendie ravage le Reichstag, le parlement allemand. Nous sommes en 1936... Alors que les membres de la famille Essenbeck vont se déchirer pour devenir les chefs de leur empire industriel, les S.S. font main basse sur le pays et organisent la disgrace des S.A., les premiers complices de Hitler...

En 1968, Visconti écrit et réalise ce projet, à la demande d'un producteur allemand qui souhaite que le maestro (qui a déjà une palme d'or et un lion d'or à son palmarès) réalise un film sur son pays. Visconti, qui avait voyagé en Allemagne au cours des années 30, accepte de se replonger dans ses souvenirs. Désireux de transmettre au grand public et à la jeune génération une salvatrice leçon d'histoire, il érige alors un grand drame historique dans lequel il mélange des éléments de Macbeth et de tragédie grecque. La réalisation de ce film est aussi motivée par une angoisse de la fin de la vie de Visconti : la crainte d'un retour au pouvoir de forces fascistes en Europe.

Pour tourner son film, il réunit une troupe hétéroclite dans laquelle se bousculent, pèle mèle, un autrichien (son compagnon d'alors, le jeune Helmut Berger), des anglais (Dirk Bogarde et Charlotte Rampling), des allemands (Helmut Griem et Reinhard Koldehoff), un français (Renaud Verley), une suédoise (Ingrid Thulin), des italiens (Umberto Orsini, Nora Ricci...) et j'en oublie sans doute. Le tournage sera chaotique, la production faisant faillite en cours de route. Heureusement, la Warner vient au secours du film, même si celui-ci doit être terminé de manière plus économique que prévu. Des tournages en extérieurs sont annulés, ce qui explique sans doute, en partie, pourquoi l'action est, la plupart du temps, confinée dans le manoir Essenbeck.

Qu'importe, le résultat est là. Comme toujours chez Visconti, la reconstitution historique est bluffante de précision, la direction d'acteurs magistrale, et les séquences, longues, sont construites et découpées de main de maître (la - fameuse - nuit des longs couteaux). Chef d'oeuvre. A voir et à revoir.

Vu sur le DVD zone 1 de Warner. Coté son : juste la piste anglaise (que je préfère nettement à la piste italienne, et ne parlons même pas de l'horrible doublage français) en mono DD 1.0. Le résultat est plutôt bon, malgré quelques saletés, changements de niveau ou post-échos parfois perceptibles. A noter que le sous-titrage français est le même que celui livré habituellement : c'est à dire que, pour les quelques passages tournés en allemand, il est franchement approximatif. Mais bon.

Pour l'image : la copie elle-même n'est pas d'une propreté irréprochable. On remarque pas mal de petits points blancs, et même quelques rayures ou déchirures. Les incidents vraiment graves sont rarissimes, mais bon, on a de tels gouts de luxe maintenant... Sinon, les couleurs sont éclatantes, la définition magnifique et la luminosité superbe. Un peu trop même

WARNING / ZONE DE MANIAQUERIE VISCONTOPHILE !

J'ai vu "Les damnés" à de nombreuses reprises, dont plusieurs fois en salles, avec des copies différentes (celle montrée à l'Accatone ; celle de la cinémathèque). J'ai aussi le DVD italien (open matte, mal compressé) et plusieurs enregistrements télé.

Et j'avoue que, sur ce Warner, je ne reconnais pas vraiment le film ! L'image paraît toujours un brin surexposée, les couleurs sont un peu plus "flashy", certaines séquences nocturnes semblent tournées en plein jour (l'arrivée de la barge...). On a le droit à un nombre de détails assez inouie dans les noirs, mais, d'autre part, ceux-ci semblent manquer de profondeur, encore une fois comme si ils étaient un peu surexposés. En fait, la bande-annonce fournie sur le DVD ressemble beaucoup plus à l'image habituelle des "damnés" : ombres et couleurs plus profonds et contrastés notamment.

Je ne pense pas que cela va beaucoup géner les gens qui n'ont jamais vu le film, mais bon, moi, ça m'a frappé. Peut-être Warner a utilisé du matériel de première génération (négatif original ?) qui est plus lumineux que ce qu'on connaît ? Va savoir !

On trouve aussi une petite featurette d'époque sur le tournage. Pas passionnant-passionnant, même si on est toujours content de voir Visconti interviewé.

[Battosai]

Du coté des références littéraires, on peut ajouter le buddenbrooks de mann (tiens, tiens...).
Bizarrement, le visconti que j'aime le moins (des 4-5 que j'ai vus). En fait, malgrès la perfection manaique de la direction artistique (les décors, les cosutmes...), le film m'a laissé totalement froid.
Maintenant (je précise que j'aime énormément mort a venise et le guépard), je n'ai rien de précis a reprocher a la mise en scène. A ce niveau la, c'est clairement une question de sensibilité, le film ne m'a tout simplement pas impliqué.

[the_arrogant_frog]

Un des films qui m'a le plus marqué de ma vie. Ce film est un chef d'oeuvre absolu et le meilleur Visconti pour moi.
Je n'ai jamais vu un film qui vomisse autant de croix gammées et qui traine l'horreur du nazisme aussi bas. J'ai été fasciné par l'outrance de la mise en scène, par la description, comme toujours chez Visconti, complètement lyrique de la décadence. Voir cette famille qui part complètement en couille est tout autant tragique, sublime et gerbant.
Vraiment la très très très grande classe.
Je ne l'ai malheureusement jamais vu au cinéma, mais en tout cas, je me suis rué sur le DVD....

[Haribo]

J'ai revu le film sur le Z2fr Warner qui indique sur sa couv la présence d'une version italienne... rien du tout !! Du coup je l'ai revu en version anglaise. Pas plus mal mais bon... pourquoi indiquer une piste italienne qui n'existe pas sur le disque ?
Pas mal de griffures et de taches à signaler, et je ne sais pas si c'est le même master que sur le Z1 mais je partage un peu l'impression de Manolito sur l'image et l'identité visuelle du film, l'étalonnage m'a paru "bizarre" en comparaison des copies que j'avais pu voir, on a l'impression que tout a été réhaussé sans vrai soucis de fidélité esthétique à l'oeuvre, j'ai eu l'impression de voir le film pour la première fois en l'état. Un brin dénaturé. Bizarre, on s'y fait jamais vraiment en cours de visionnage...

[Manolito]

Heureusement, le Warner de "Mort à Venise" sorti simultanément m'a paru beaucoup plus satisfaisant, avec un très bon respect des tons beiges et gris qui font toute la particularioté du film. pour la version italienne, à mon avis, pas de regrets à avoir, car elle est moins bonne que l'anglaise. Même si on aurait préféré avoir les deux, évidemment...

[the masqué]

La déchéance humaine dans ce qu'elle a de plus monstrueux...Une énorme baffe .

[celia0]

Le film est il plus facile à suivre que Mort à Venise, que personnellement je n'arrive pas à voir d'une traite?

[Manolito]

ce n'est pas un film atmosphérique comme "Mort à venise". c'est une histoire beaucoup plus dense et plus construite, articulée autour de nombreux personnages. C'est même un peu l'antithèse de "Mort à Venise" d'une certaine façon...

[Manolito]

Après "Le guépard", Visconti tâtonne un peu côté cinéma durant 6 ans, entre un "Sandra" aux relents de thriller inattendus, mais qui n'a pas vraiment donné lieu à des prolongements ; un sketch de "Les sorcières" passable, et "L'étranger" assez loin de la qualité qu'on pouvait attendre d'une rencontre entre Camus et Visconti. Les cinéastes de sa génération, les Rossellini, les De Sica, commencent aussi à s'effacer, doublés par des cinéastes plus jeunes comme Fellini, Pasolini...

Et pourtant, avec "Les damnés", on assiste à une vraie renaissance artistique assez incroyable, le premier d'une série continue de quatre chefs d'oeuvre signé Visconti ! Il renouvelle une bonne partie de son équipe (nouveau monteur, nouveau chef opérateur, nouveaux scénaristes) et d'acteurs, avec ici l'arrivée réelle dans son univers artistique de Helmut Berger, mais aussi de Dirk Bogarde, Helmut Griem, Umberto Orsini... "Les damnés", un film qui sera beaucoup copié dans le cinéma européen (de "Portier de nuit" à "Salon Kitty"), jamais égalé, jamais dérangé dans sa singularité d'opéra historique, de réflexion sur le vrai visage du nazisme, le mal à l'état pur prospérant sur les lâchetés et les égoïsmes de chacun. Toujours magistral, un film incroyable !

Plus de deux millions d'entrées à sa sortie en France, bien plus qu'un "Inspecteur Harry" à la même époque de mémoire !

Revu sur le dvd warner US (le film étant toujours inédit en bluray) et il a quand même super mal vieilli : points blancs en pagaille, grosse déchirure à un moment, résolution médiocre dans les plans d'ensemble... Franchement, on sent bien que warner n'a pas fait plus d'effort que de faire un télécinéma 16/9 professionnel et solide, mais sans aucun souci de restauration derrière.

C'est quand même scandaleux qu'un tel classique soit inédit en bluray en 2019 quand on voit tout ce qui sort, mais ça c'est clairement de la faute de warner qui n'a que très peu d'égards pour ce genre de films européens qui se trouvent dans son catalogue...

[Dragonball]

Je me demandais quelle avait été la réelle influence des Damnés, premier film, enfin d'après ce que je sais, à introduire dans le traitement du nazisme une dimension sexuelle et perverse avait eu une influence des films comme "Portier de nuit" de Liliana Cavani en 1976, "Salo" de Pier Paolo Pasolini en 1975 ou encore "Salon Kitty" de Tinto Brass sorti en 1976 ?
Des films à la fois assez éloignés du film de Vinsconti à tous les niveaux et eux même très différents des uns et des autres mais ayant donc en commun cet angle d'approche bien particulier, propre a en rajouter dans le sulfureux au sein d'une thématique déjà pas toujours facile à traiter au cinéma !
Manolito l'évoque rapidement juste au dessus mais j'aurai aimé avoir plus de détails la dessus !