La bataille des Thermopyles - 1962 - Rudolph Maté

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Manolito
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La bataille des Thermopyles - 1962 - Rudolph Maté

Message par Manolito »

Titre US : The 300 Spartans

480 ans avant notre ère, le roi perse Xerxes débarque en Grèce avec une armée monumentale, afin de vaincre et d'esclavager le peuple grec. Les cités de ce pays en péril ont du mal à accorder leurs violons, et le temps qu'elles organisent leur action, seul un petit détachement de 300 guerriers venus de la ville de Sparte vont devoir contenir les assauts des perses, dans l'étroit passages des Thermopyles...

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En attendant la sortie de "300", petit retour sur "La bataille des Thermopyles", précédente adaptation cinématographique hollywoodienne de cette bataille historique. Il s'agit d'une grosse production de la Fox, ayant la particularité assez rare pour un péplum d'avoir été tourné en Grèce, avec le soutien de l'armée grecque qui a prêté de nombreux figurants pour les scènes de bataille. Les défilés militaires et les scènes de bataille bénéficient ainsi de décors crédibles ainsi que d'une figuration assez nombreuse pour un film sans trucage numérique - cf. le défilé des troupes perses au début du film ou le dénouement. Si la première partie insiste sur l'aspect politique de cette bataille, l'alliance entre Sparte et Athènes, la seconde est entièrement consacrée aux diverses batailles et escarmouches.

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Certes, la reconstitution est parfois un peu datée, entachée par quelques plans coquasses de figurants peu convaincus pris dans la mélée. D'autres moments réussissent par contre à être assez intense et à restituer le choc des deux armées écrasées l'une contre l'autre. Le film souligne avec acuité les tactiques diverses, l'emploi des différents corps d'armée antique et leur usage (cavalerie, infanterie, troupes d'élites comme les Immortels de Xerxes, flèches, javelots, char), ce qui le rend tout à fait intéressant pour les amateurs de l'antiquité. Du côté des gentils Richard Egan campe un Léonidas tout à fait crédible, et Ralph Richardon est un excellent Themistocles, politicien athénien rusé, apparemment très différent de Leonidas, mais partageant pourtant les mêmes aspirations. On est moins convaincus par la représentation de Xerxes qui ne rate aucun des clichés du méchant à barbichette des péplums d'alors. Néanmoins, le film ne triche pas sur la cruauté de Xerxes - lorsque celui-ci annonce qu'il va faire tuer toutes les femmes de ses soldats afin que ceux-ci soient plus motivés pour tuer les grecs et violer leurs épouses ensuite, par exemple !

Un film parfois un peu mou, un peu trop classique, mais qui a quand même ses spécificités intéressantes et ses bons moments. Très honnête !

Il existe dans un bon dvd zone 1 aux USA, et il y a aussi un zone 2 en France, chez FPE...
Brazilman
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Message par Brazilman »

Un film tourné dans un beau scope mais qui a assez mal vieilli, la faute a rythme pas très équilibré.

Pendant une grosse heure, il ne se passe pas grand chose et l'exposition des enjeux est trop longue et bien trop appuyée, la faute à une métaphore politique entourant le métrage qui s'avère bien lourdingue.

En fait, on a affaire a un peplum qui pue la propagande déguisée et qui transforme a son gré l'histoire de l'antiquité pour nous servir de l'anticommunisme primaire bien débilos: la Grèce unifiée (aka le dernier rempart du monde occidental) contre le rouleau compresseur perse (aka l'URSS et les méchants bolchéviques)!!!!! :lol:

La plaque ouvrant ou teminant le film résumant bien le ton nationaliste du projet.

Sinon, la reconstitution historique des soldats spartiates, se montre assez légère:
- pas de barbes
- des techniques et tactiques militaires à majorité romaines et quasiment jamais originaire de Sparte, etc...

On est dans un peplum des 60's, et ça se voit...

Mais bon, ça se laisse gentilment regarder. Et puis, les extérieurs se déroulent dans une Grèce de toute beauté.

Dans une interview Frank Miller déclarait que ce peplum l'avait très fortement marqué durant son enfance, et qui l'était à l'origine de sa passion pour la bataille des Thermopyles et de sa BD intitulée "300"!
Pour le coup, avec la sortie de l'adaptation de son comics au cinéma, la boucle est bouclée!:D
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Manolito
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Message par Manolito »

C'est intéressant, mais je n'y ai pas vraiment vu un document de propagande pro-US de la guerre froie de mon côté. Je ne sais pas, c'est comme "Alexandre", j'ai du mal à voir les péplums comme ça. J'ai plus pensé au côté prestige de la Grèce par contre - qui a on l'a vu beaucoup participé à ette production, cette insistance sur l'unification du pays, cette volonté de resservir ses "héros nationaux" comme le France pourrait le faire avec un Jeanne d'Arc ou un Vercingétorix... Si j'ai pensé à une résonnance américaine, c'est beaucoup plus à la guerre d'indépendance que j'ai pensé (cités = états)...

Pour les tactiques romaines, moui, je ne connais pas assez les histoires de la bataille des Termopyles ; mais c'est sur que certaines ruses spartiates du film paraissent bien subtiles pour des armées grecques théoriquement assez bourines, tout comme certaines formations. Mais les charges, de cavalerie, de char, d'infanterie, les javelots, l'usage des arcs perses, sont tout de même des chose d'époque, leurs combinaisons, etc. sont bien des choses d'époque et rendent les scènes de bataille assez variées...
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Message par CHIEN_FOU »

C'est assez amusant de voir dans ce film de la propagande pro-occidentale, sachant que la Grèce antique elle-même a utilisé ce qui est en fait une défaite grecque sans grand impact réel sur le cours de la guerre a des fins de propagande...

De certaines défaites sortent parfois de grands mythes (chanson de Roland, etc.)
De Mortderiribus non est rigolandum.
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Message par Brazilman »

Manolito a écrit :C'est intéressant, mais je n'y ai pas vraiment vu un document de propagande pro-US de la guerre froie de mon côté. Je ne sais pas, c'est comme "Alexandre", j'ai du mal à voir les péplums comme ça. J'ai plus pensé au côté prestige de la Grèce par contre - qui a on l'a vu beaucoup participé à ette production, cette insistance sur l'unification du pays, cette volonté de resservir ses "héros nationaux" comme le France pourrait le faire avec un Jeanne d'Arc ou un Vercingétorix... Si j'ai pensé à une résonnance américaine, c'est beaucoup plus à la guerre d'indépendance que j'ai pensé (cités = états)...
Faut remettre ça dans le contexte historique aussi. :wink:

A l'époque de la réalisation du film, la Grèce est gouvernée par un régime farouchement anti-communiste (la guerre civile contre les insurgés communistes a duré de 1946 à 1949).
Ce même régime a mis à disposition du film environ 3000 soldats de l'armée grecque pour jouer les figurants, afin de rendre vraiment imposantes les batailles vues à l'écran.
Et tout ça gratuitement...
C'est ce qu'on appelle du financement déguisé!

Le patron de la FOX (studio produisant le film) était alors un grec: Spyros. P. Skouras.
Le réalisateur Rudoph Maté est lui d'origine hongroise, et je ne pense pas qu'il ait oublié ce qui s'est passé en Octobre-Novembre 1956 à Budapest...
Parmi les scénaristes du film on retrouve l'italien Remiggio Del Grosso, plutôt connu pour ses script anti-communistes qu'autre chose (Ursus et la Fille des Tartares).


En plus, le ton du film est bien plus nationaliste que seulement patriotique.
C'est vraiment la grèce immaculée contre les barbares d'Orient, le trait est énorme, ça ne fait pas dans la dentelle.
On a franchi la limite!
Manolito a écrit :Pour les tactiques romaines, moui, je ne connais pas assez les histoires de la bataille des Termopyles ; mais c'est sur que certaines ruses spartiates du film paraissent bien subtiles pour des armées grecques théoriquement assez bourines, tout comme certaines formations. Mais les charges, de cavalerie, de char, d'infanterie, les javelots, l'usage des arcs perses, sont tout de même des chose d'époque, leurs combinaisons, etc. sont bien des choses d'époque et rendent les scènes de bataille assez variées...
Concernant les tactiques représentées à l'écran c'est du nawak total.
Les Spartiates utilisaient lors des batailles la formation dit de "la phalange grecque".
Cette dernière est une formation de soldats reposant sur des files en profondeur et non en rang frontaux comme on le voit dans le film.
Les spartiates avaient les cheveux long et la barbe: tout le contraire du film où il sont imberbes et cheveux courts.

Les spartiates tenaient leurs lances aux niveau de la tête et non au niveau de la taille, leurs boucliers se chevauchant les uns les autres pour former une sorte de carapace protégeant l'ensemble de la phalange et en faisant un bloc compact.
D'ailleurs leurs boucliers étaient à cet effet plus large que ceux vus dans le film.
De plus, les spartiates n'avançaient pas sur leur adversaire en silence comme dans le film, mais en musique (flutes etc..) et en chantant!

Les armes des soldats spartiates étaient toujours transportées par des valets ou Ilotes.
On ne voit jamais ces individus dans le film qui pourtant participaient aux affrontements en tant qu'archers ou lanceurs de javelots pour appuyer les spartiates. Ils transportaient aussi les armes de rechanges pour les spartiates ainsi que leur matériel.
En effet, ledit matériel porté par les spartiates (casque, bouclier, thorax, jambières) etait tellement lourd (plus de 35 kg, sans parler des armes) qu'ils l'enfilaient au dernier moment (juste avant le combat). Normalement, le reste du temps ce sont les Ilotes qui transporte le tout. Dans le film les spartiates portent tout ça tranquille et en quasi-permanence comme si de rien n'était!!! :lol:

La reconstitution historique du film ne représente donc pas un modèle du genre, loin de là...c'est même pas terrible.
Mais ça fonctionne assez bien à l'écran, c'est l'essentiel.
CHIEN_FOU a écrit :C'est assez amusant de voir dans ce film de la propagande pro-occidentale, sachant que la Grèce antique elle-même a utilisé ce qui est en fait une défaite grecque sans grand impact réel sur le cours de la guerre a des fins de propagande...

De certaines défaites sortent parfois de grands mythes (chanson de Roland, etc.)
C'est peut-être une défaite grecque, mais c'est aussi surtout un cuisant échec pour les perses qui ne sont pas arrivés à leur fin: conquérir la Grèce.
Et le gouvernement grecque des 60's a utilisé cette battaille comme un vecteur d'union patriotique voire nationaliste à l'époque (avec commémoration de plaques et statues en fanfare). :wink:
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Manolito
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Message par Manolito »

Ca, comme je l'ai dit plus haut, je suis tout à fait d'accord pour y voir une évocation nationaliste grecque. Je ne savais d'ailleurs pas que le directeur de la Fox d'alors était grec. Mais ce que je n'y vois pas, c'est une évocation de la guerre froide bloc contre bloc (par exemple "tous unis derrière les USA contre le péril rouge")...
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Message par Brazilman »

Oui mais on tourne un peu en rond là! :D

Car voir dans ce film une évocation du nationalisme grec, c'est aussi y voir une évocation de la Guerre Froide en Europe (d'ailleurs quand j'utilise le mot "Occident" dans mon 1er post, il faut comprendre Europe et non USA).

Comme tout nationalisme, le nationalisme grec c'est construit en réaction à quelque chose. Et dans l'immédiate après-guerre cette chose c'est le communisme, et donc l'hégémonie de l'URSS sur l'Europe de l'Est.
Nationalisme grec et Guerre Froide sont intimement liés au moment où est réalisé le film, l'un n'existe pas sans l'autre.

C'est pourquoi, je trouve que l'image du rouleau compresseur évoquée par l'armée perse renvoit directement à la symbolique du rouleau compresseur de l'armée rouge. Les deux représentant l'Orient. :wink:

Sinon, à noter la sortie en poche (début Mars, le 7 je crois) aux Editions de l'Archipel du meilleur roman historique écrit sur la Bataille des Thermopyles: "Les Murailles de Feu" ("The Gates of Fire") de Steven Pressfield!!! :)

C'est le fameux roman que Michael Mann voulait adpater au cinéma pour donner sa vision de la Bataille des Thermopyles.
Projet qui échoua, comme tant d'autres.... :?
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manuma
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Message par manuma »

N'y connaissant pas grand chose, j'éviterai soigneusement d'émettre un avis sur la véracité de la reconstitution des batailles proposée par le film comme sur le contenu du message propagandiste qu'il véhicule. Ce que j'ai lu plus haut était en tout cas très intéressant.

Je m'attendais en fait à quelque chose de très mauvais, tourné dans trois décors en carton avec stock-shots à gogo pour toutes les séquences de bataille, ayant encore en tête le petit texte de Jean Tulard consacré à Rudolph Maté dans son Dictionnaire du cinéma - les réalisateurs qui se concluait sur un radical "[Rudolph Maté] sombra en fin de carrière dans les péplums les plus fauchés de l'histoire du cinéma où rien ne peut être sauvé, ni un plan ni même une intention".

C'est clair que j'ai vu plus fin, plus personnel et plus ambitieux dans le genre, et qu'à l'époque de sa sortie ça devait déjà faire un peu poussif, mais on ne peut pas reprocher au film de faire miteux et j'ai trouvé que ça se laissait fort bien regarder.
mercredi
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Message par mercredi »

[quote="BrazilmanConcernant les tactiques représentées à l'écran c'est du nawak total.
Les Spartiates utilisaient lors des batailles la formation dit de "la phalange grecque".
Cette dernière est une formation de soldats reposant sur des files en profondeur et non en rang frontaux comme on le voit dans le film.
Les spartiates avaient les cheveux long et la barbe: tout le contraire du film où il sont imberbes et cheveux courts.

Les spartiates tenaient leurs lances aux niveau de la tête et non au niveau de la taille, leurs boucliers se chevauchant les uns les autres pour former une sorte de carapace protégeant l'ensemble de la phalange et en faisant un bloc compact.
D'ailleurs leurs boucliers étaient à cet effet plus large que ceux vus dans le film.
De plus, les spartiates n'avançaient pas sur leur adversaire en silence comme dans le film, mais en musique (flutes etc..) et en chantant!

Les armes des soldats spartiates étaient toujours transportées par des valets ou Ilotes.
On ne voit jamais ces individus dans le film qui pourtant participaient aux affrontements en tant qu'archers ou lanceurs de javelots pour appuyer les spartiates. Ils transportaient aussi les armes de rechanges pour les spartiates ainsi que leur matériel.
En effet, ledit matériel porté par les spartiates (casque, bouclier, thorax, jambières) etait tellement lourd (plus de 35 kg, sans parler des armes) qu'ils l'enfilaient au dernier moment (juste avant le combat). Normalement, le reste du temps ce sont les Ilotes qui transporte le tout. Dans le film les spartiates portent tout ça tranquille et en quasi-permanence comme si de rien n'était!!! :lol:
[/quote]
Postes très intéressants sur un film qui m'a enchanté petite. Constatée quelques années plus tard, la métaphore politique n'a pas entravé mon plaisir. En ce qui concerne l'invraisemblance historique; le relevé de Brazilman est instructif, non simplement en tant que tel, mais également parcequ'il met en évidence les grands traits d'un imaginaire (occidental) encore présent de nos jours:
Depuis l'Antiquité, les concepts de "Force" (et par élagissement de "virilité"), de Courage, voire de Puissance, déterminent quelques stéréotypes particulièrement influants. L'HARMONIE stricte (physiologique entre autres) consacre la perfection présumée du corps et de l'âme (et ce, malgré les théories romantiques). De fait, les soldats se voient retirer les attributs signalant une présence EXCESSIVE (donc une primauté, aussi infime soit-elle) du Corps sur l'Esprit. Plus de barbe, cheveux courts, la mesure, la pondérance (paradoxales, ici) expliquent leur silence et l'absence de valets est si éloquente qu'il serait ridicule de s'y attarder. En ce qui concerne le dénie des "Phalanges grecques" (cela m'a également marquée), outres un parti pris esthétique évident, la perspective implique toujours un sentiment de durée (le regard s'enfffonnnce dans) inadéquate lorsqu'on prétend mettre en image une "fORCE atemporelle". La plupart des points soulevés par Brazilman trouvent, selon moi, une explication, non pas tant idéologique ou inhérente à l'ignorance du réalisateur, mais révèlant plutôt la permanence d'un imaginaire auquel nous (vraiment?) demeurons sensibles. Néanmoins, le XXI siècle semble manifester un regain d'intérêt pour l'esthétique baroque (Apocalypto en est l'exemple type) et le prochain et très attendu (par moi, en tout cas) film portant sur le sujet devrait répondre à notre attente. Mise en valeur des corps et des passions dans ce qu'ils possèdent d'excessif, voilà très certainement les nouveaux adversaires du vraisemblable historique et, en cela, les grands amis de L'Art;
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Message par Manolito »

La réprésentation guerrière est surtout plus proche de canons d'identification du cinéma américain des années 50 : personnage imberbe, vivant dans un système social égalitaire et démocratique (les esclavagistes ne peuvent être que les perses, etc...). La barbe du péplum américain, c'est pour : les vieux sages (philosophe, vieux rois, prophètes), les méchants, les héros très sales et fatigués... et bien sur le Chrsit et ses apotres ! Il y a des exceptions, bien sur, mais le guerrier jeune et viril, on pourrait presque dire le "GI" reste la référence visuelle...
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Message par mercredi »

Manolito a écrit :La réprésentation guerrière est surtout plus proche de canons d'identification du cinéma américain des années 50 : personnage imberbe, vivant dans un système social égalitaire et démocratique (les esclavagistes ne peuvent être que les perses, etc...). La barbe du péplum américain, c'est pour : les vieux sages (philosophe, vieux rois, prophètes), les méchants, les héros très sales et fatigués... et bien sur le Chrsit et ses apotres ! Il y a des exceptions, bien sur, mais le guerrier jeune et viril, on pourrait presque dire le "GI" reste la référence visuelle...
C'est vrai, mais ces canons esthétiques s'expliquent par des influences tout de même plus anciennes. L'intérêt du sujet consisterait à déterminer les critères qui ont présidé, dans ces fameuses années 50, aux choix des archétypes greco-latin (et non germains, scandinaves et, par élargissement, anglo-saxons...). Les motifs de la barbe (sagesse), de la saleté (méchants - c'est-à-dire barbares, étrangers) ou sourcils fournis (ruse) demeurent certes des constantes du genre (à cette époque) et révèlent un état d'esprit (plus culturel qu'idéologique, à mon avis). Ce qui est intéressant ici (dans quelques semaines), c'est justement de comparer le traitement (donc l'interprétation) historique entre ce film et le prochain. Si le réalisateur reste fidèle à la bd (très bien d'ailleurs), nous aurons le droit à la vision baroque de l'épisode. Pourquoi un tel regain d'intérêt pour la Disproportion (absolument nul dans les années 80, par exemple) ? Le métrage apportera peut-être la réponse comme "Apocalypto" en a posé les premiers jalons. Patience
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Message par Manolito »

Les années 80 ont proposé des films très "baroque" au sens où tu sembles l'entendre : Conan le barbare, Legend, etc... Le style de Ridley Scott, typique des 80s, est "baroque" par excellence, si je comptrends bien où tu veux en venir...

Je mets baroque entre guillemets parce que je n'aime pas du tout l'emploi de termes liés à l'histoire de l'art dans des discussions sur le cinéma. Ce sont des termes qui ont des significations précises à certaines périodes dans l'histoire de l'Art et qui sont souvent repris de façon généraliste et confuse dans des discussions sur le cinéma. Un autre grand classique étant le terme "maniériste" employé n'importe comment, souvent dans le même sens que "baroque" alors que les deux termes sont normalement le contraire l'un de l'autre !

Tout ça pour dire : qu'entends-tu exactement par baroque ici : plus porté sur l'ornementation, le détail archéologique, etc. ?
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Manolito a écrit :Les années 80 ont proposé des films très "baroque" au sens où tu sembles l'entendre : Conan le barbare, Legend, etc... Le style de Ridley Scott, typique des 80s, est "baroque" par excellence, si je comptrends bien où tu veux en venir...

Je mets baroque entre guillemets parce que je n'aime pas du tout l'emploi de termes liés à l'histoire de l'art dans des discussions sur le cinéma. Ce sont des termes qui ont des significations précises à certaines périodes dans l'histoire de l'Art et qui sont souvent repris de façon généraliste et confuse dans des discussions sur le cinéma. Un autre grand classique étant le terme "maniériste" employé n'importe comment, souvent dans le même sens que "baroque" alors que les deux termes sont normalement le contraire l'un de l'autre !

Tout ça pour dire : qu'entends-tu exactement par baroque ici : plus porté sur l'ornementation, le détail archéologique, etc. ?
Le "baroque", pour moi, n'est pas un terme exclusivement utilisé pour qualifié un courant pictural mais une mimèsis particulière. Certes, la peinture, l'architecture et la sculpture (d'abord italiennes) ont consacré cette esthétique comme "courant" (puis est venu le "maniérisme") mais ce n'est pas forcément à cela que je me réfère. La littérature offre d'ailleurs de très beaux textes "baroques" (La Vie est un songe, de Caldéron, la plupart des oeuvres de Shakespeare, ...). Si je me rappelle de mes cours de fac (très très lointains), "baroque" (baroco) signifie "perle irrégulière. Pour moi, qualifier de baroque une oeuvre revient à mettre en exergue une esthétique de la disproportion (sous plusieurs formes: grotesque, maniérisme, gothique...) érigée en Règle de vraisemblable. Evidemment, cette définition demeure floue et embrasse de nombreuses oeuvres (d'où son intérêt). Est baroque tout ce qui évoque la démesure, la rencontre (et non l'opposition) des contraires, un système de forces (vitales ou non) exprimables mais non définissables; Cette esthétique implique évidemment une conception particulière de l'existence et donc des thème précis (le songe, le masque).
Non, le maniérisme ne s'oppose pas au Baroque mais en constitue un prolongement (fixation de certains motifs - exubérance portée à l'extrême, esthétique de la profusion, dominante (en peinture) de la courbe).
Partant de cette brève "définition", le terme trouve sa place au cinéma (et bien); Les années 80, pour moi, ont réfuté la primauté de cette mimèsis pour offrir des oeuvres "harmonieuses" , homogènes (la forme ne dépasse jamais le contenu) ex: Legend;
Le cas de Scott (et encore pas tous les films) demeure une exeption (pour moi).
désolé d'avoir tardé à répondre mais je surveille des collés :D
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Message par Manolito »

Et bien justement, le baroque, ce n'est pas ça du tout - à mon sens de personnes ayant une fomation d'Histoire . Ce dont tu parles, c'est "plutôt" le maniérisme. L'art baroque a été créé et imposé dans les églises et les pays catholiques par Rome, en réaction au Maniérisme et à son art intello, bizarre et difficile à décrypter. Le baroque français, par exemple, c'est Versailles, c'est l'ordre, l'équilibre, la lisibilité, la clarté, le réalisme... Ce qui n'exclut pas le faste ou le gout de l'ornement, mais tout en restant dans l'équilibre et le réalisme. C'est cette notion même d'équilibre qui définit le baroque face au maniérisme qui, lui, est déséquilibré par excellence... C'est une définition historique précise. A ce titre, "La bataille des Termopyles" paraît ainsi plus baroque que ce que l'on connaît de "300" !

Donc, voilà, comme quoi, je me méfie beaucoup de l'usage de ce genre de termes quand les gens parlent de cinéma. C'est trop souvent employé de façon fumeuse, dans des articles qui veulent se donner une contenance culturelle en invoquant un passé culturel par ailleurs mal maitrisé, ce qui crée plus de confusion que de raisonnements rigoureux. On est dans des langages de l'image (la peinture et le cinéma), cela peut être pertinent, avoir un sens, mais souvent, ce n'est pas le cas... Là où ça colle le mieux, c'est quand le cinéma est contemporain du mouvement artistique en lui-même - oui, il y a un cinéma expressionniste qui correspond - sans s'y identifier totalement - au mouvement expresionniste de la littérature et de la peinture par exemple...

Par ailleurs, pour les années 80, il y a tout un courant visuel très fort qu'on peut rattacher à ton idée du "baroque", c'est celui issu des vidéo-clips, très présent dans les films de Mulcahy ou de Michael Mann par exemple....
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Manolito a écrit :Et bien justement, le baroque, ce n'est pas ça du tout - à mon sens de personnes ayant une fomation d'Histoire . Ce dont tu parles, c'est "plutôt" le maniérisme. L'art baroque a été créé et imposé dans les églises et les pays catholiques par Rome, en réaction au Maniérisme et à son art intello, bizarre et difficile à décrypter. Le baroque français, par exemple, c'est Versailles, c'est l'ordre, l'équilibre, la lisibilité, la clarté, le réalisme... Ce qui n'exclut pas le faste ou le gout de l'ornement, mais tout en restant dans l'équilibre et le réalisme. C'est cette notion même d'équilibre qui définit le baroque face au maniérisme qui, lui, est déséquilibré par excellence... C'est une définition historique précise. A ce titre, "La bataille des Termopyles" paraît ainsi plus baroque que ce que l'on connaît de "300" !

Donc, voilà, comme quoi, je me méfie beaucoup de l'usage de ce genre de termes quand les gens parlent de cinéma. C'est trop souvent employé de façon fumeuse, dans des articles qui veulent se donner une contenance culturelle en invoquant un passé culturel par ailleurs mal maitrisé, ce qui crée plus de confusion que de raisonnements rigoureux. On est dans des langages de l'image (la peinture et le cinéma), cela peut être pertinent, avoir un sens, mais souvent, ce n'est pas le cas... Là où ça colle le mieux, c'est quand le cinéma est contemporain du mouvement artistique en lui-même - oui, il y a un cinéma expressionniste qui correspond - sans s'y identifier totalement - au mouvement expresionniste de la littérature et de la peinture par exemple...

Par ailleurs, pour les années 80, il y a tout un courant visuel très fort qu'on peut rattacher à ton idée du "baroque", c'est celui issu des vidéo-clips, très présent dans les films de Mulcahy ou de Michael Mann par exemple....
Tes remarques sont vexantes. J'utilise le terme baroque pour exprimer un sentiment global qui, de manière générale, reste compris par le quidam (c'est le but). J'ai quelques notions d'histoires (certes "fumeuses") et connaît la contre-réforme mais utilise le terme au sens large. Ce n'est d'ailleurs pas très grave et je ne me vois pas ressortir mes cours de première année... Bon, je n'utiliserai plus de termes techniques, promis :)
En revanche, je ne crois pas qu'apprécier le cinéma en rupture avec des formes d'art plus anciennes (peinture, littérature ou autre) soit cohérent. Réduire son analyse comparatiste aux formes d'expression contemporaines me paraît complètement absurde :shock:
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