Je précise que je n'avais pas aimé "Diary of the Dead", j'avais été très allergique au côté amateur/bricolage de la chose.
Avec "Survival of the Dead", on revient à un vrai film de cinéma. Je suis d'accord pour constater que le scope est bien utilisé, que le filmage numérique est bien fait, avec de belles captations d'espace, des cadrages posés, mais efficaces. Les acteurs sont bons, avec une mention spéciale à Kenneth Welsh qui apporte beaucoup de peps au métrage. L'ambiance rurale est réussie. Le rythme est posé, lent - mais n'est-ce pas le cas dans pratiquement tous les films de Romero - à part le montage Argento de "Zombie" (merci Dario) et "Land of the Dead" qui est son seul vrai film d'action.
Les scènes avec les zombies sont tournées vers l'humour macabre, mais c'était déjà présent dans "Zombie" avec son hare krishna et les tartes à la crème ; ou "Land of the Dead". C'est l'esprit EC Comics qu'a toujours revendiqué Romero, en particulier avec "Creepshow" comme le relève justement anthropophagous plus haut. Toutefois, Romero semble ne plus être très inspiré par ses zombies en terme d'idées gore, de mise en scène, il nous sort des choses déjà vu (le personnage déchiré en deux comme dans "La jour des morts vivants"), sans beaucoup de pèche.
Heureusement, Romero a encore des choses à dire, pose la question de la cohabitation avec les zombies, comment penser l'avenir dans ce monde absurde. Cobayes traités avec inhumanité ("Le jour des morts vivants"), sous-humanité dont on se coupe en l'ignorant (dans "Zombie" ou "Land of the dead")...
Ici, on se propose de la traiter humainement, comme des membres d'une famille qu'on veut "réhabiliter", parfois de façon absurde, au nom de principes humanistes, religieux, anthropomorphiques. Si L'homme a été créé à l'image de Dieu, alors le zombie ne l'est-il pas aussi ?
Des personnages comme Muldoon ou Janet vont projeter sur les zombies une humanité et une conscience dont ils sont vidés (à moins que ?). La façon de chacun traite et approche le zombie reflète sa vision de la cohabitation avec la mort, une énigme sur laquelle chacun projette ce qu'il a en lui : si les morts reviennent à la vie, ça ne peut être que la volonté de Dieu, nous sommes supposés traités bien les morts par devoir de conscience, etc...
On trouve aussi la notion de famille ou celle de territorialité. Les deux vieillards sont à la tête de sa famille, chacun pensant agir pour le bien des siens, selon sa conception de la survie. Mais cette différence de point de vue sur la mort - et donc la vie - conduit à un conflit fratricide : c'est la hantise très américaine de la guerre civile, de la guerre de sécession même si on se place dans le point de vue western. La question n'est pas l'approche des esclaves, mais celle des zombies, qui mène à une lutte fratricide, dérisoire. Comme toujours chez Romero, ce n'est pas tant le zombie qui est l'ennemi, que les tensions et les failles internes aux groupes de survivants.
Bref, un film qui apporte toujours du grain à moudre, creuse ses sillons thématiques, refuse la répétition dans la série. Je rejoins certaines réserves sur un scénario parfois brouillon, un manque de scènes fortes ou marquantes. Mais l'ensemble reste sympathique et pertinent. Ce n'est plus le temps des chefs d'oeuvre, mais cela reste un film pertinent.
Vu sur le bluray français opening, avec une belle copie HD 2.35, une très bonne définition, avec des plans d'ensemble vraiment très affutés et réussis. On peut repérer des plans un peu bruité, un rendu du filmage numérique un peu stérile, mais c'est quand même d'un très bon niveau pour une production modeste. A nouveau, quand on lit que c'est filmé comme un téléfilm syfy channel ou du Mattei...
