Brokeback Mountain - Ang Lee (2005)

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Machet
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Message par Machet »

Enfin vu. Décidemment Ang Lee se pose en observateur attentif et discret. Le film prend le temps de racconter son histoire, les psychologies se tissent doucement, subtilement, loin de tous clichés. Le lyrisme s'installe par petites touches successives, naturellement. Le tout reste sous les bannières d'une réalité crue, frustrante. J'imagine tout à fait le final de ce film par Robert Redford par exemple, avec le versement des cendres sur fond de coucher de soleil à Brokeback Mountain. Ang Lee laisse la beauté s'installer dans la banalité, sans emphase, sans forcer. Dans le recoin d'une penderie par exemple.

Très grand cineaste (Hulk, chef d'oeuvre total, sera revu à la hausse au fil des années), très grand film. 8))
Il y a un p'tit détail qui me chiffonne
Haribo
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Message par Haribo »

Revu ce soir... bon définitivement emballé.

J'adore la scène des retrouvailles après les 4 années d'absence.
Au début il se serre dans les bras en tout bien tout honneur...genre les potes jacky tuning made in Papayou... et la transition brillante qui s'opère quand ils finissent par se rouler de grosses galoches... j'ai mal pour sa femme! Ce baiser contient tant de douleurs. C'est déchirant. C'est la preuve que c'est réussi pour moi.

Visuellement une splendeur, le film est superbe avec des décors à faire pleurer un SS, une histoire d'amour de MALADE et une fin absolument bouleversante ... avec ce goût d'infini des grandes histoires. Dur, dur de pas y aller de son kleenex!
rusty james
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Message par rusty james »

Dur, dur de pas y aller de son kleenex!
Si j'osais je dirais dans quelle sens faut-il prendre cette phrase :lol:

J'avais pas tilté mais le titre est assez osé quand même nan ? La montagne des culs pétés :D :oops: :arrow:
Stilleben
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Message par Stilleben »

Vu ce soir et... oserai-je dire qu'il m'a un peu sapé le moral...
Superwonderscope a écrit :J'ai trouvé le film éloigné de tout cliché américain que l'on rencontre habituellement. A savoir blamer la société US en cas de malheur rencontré. ici, c'est le refus (ou le dénis?) d'Ennis qui sert de détonateur à l'histoire, pas la société qui les forcent à vivre cachés. Ceci dit, vivre un tel amour dans la Wyoming en 1963 jusqu'au début des années 80 devait tenir du grand art. C'est là où le film est en fait plutôt universel dans son approche, comme le faisiat Eastwood dans Madison Coutny.
Je ne suis pas vraiment d'accord.
La société a bien à voir avec le déni d'Ennis qui, rappelons-le, a été marqué dans son enfance par la vision du corps d'un gay qu'on a conduit à une mort atroce, spectacle auquel l'a conduit son cher papa (qu'il envisage d'ailleurs d'être l'auteur du meurtre). Marqué donc par une telle vision du sort réservé à un homosexuel, il ne peut donc que, naturellement, tout faire pour éviter d'y être assimilé. Je dirais donc que c'est bien la société qui fait que cette relation ne sera qu'épisodique. On voit bien qu'Ennis en souffre, qu'il ne cesse de lutter contre lui-même, contre les pulsions qui l'amèneraient à se jeter dans les bras de Jack - ce qu'il fait, quatre ans après l'épisode de Brokeback, la tension étant plus forte que la maîtrise qu'il peut en avoir.

Ce qui me gêne un peu là-dedans, c'est que c'est une nouvelle fois le mélodrame de l'homosexualité qu'on nous joue. Une passion inaboutie, une fin malheureuse, voilà mesdames et messieurs toute la tragédie homosexuelle.
Ils s'aiment mais l'un des deux ne s'assume pas - tu m'étonnes - alors ils vont se couler - littéralement comme au sens figuré - dans le moule (oserai-je un autre jeu de mots...) de la société, ils vont se trahir et trahir leurs proches d'une certaine façon, les couples hétérosexuels qu'ils ont formé ne pouvant qu'être voués à l'échec, et passer à côté de leur vie.

Maintenant, si ça permet de faire réfléchir certaines bonnes consciences... mais j'en doute.

Bref, un bon film, mais qui m'a plombé ma soirée.
ZombiGirl
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Message par ZombiGirl »

Je rejoins les défenseurs du film - quelle beauté, quelle déprime :?

Ayant lu la nouvelle et adoré p.ex. ICE STORM, je n'appréhendais pas du tout le fait qu'Ang Lee soit derrière la caméra. Le scénario suit scrupuleusement le texte avec ses moments d'émotions extrêmes entre de longs moments de silences ou de souffrances impossibles à exprimer.

Heath Ledger et Jake Gyllenhaal sont tous deux incroyables dans leurs rôles respectifs et nous font entièrement ressentir leur parcours. Plus de vingt ans à s'aimer 2-3 fois/an... Et malgré cet épisode de l'enfance d'Ennis où son père le force à voir le cadavre d'un homosexuel, je n'ai pas eu le sentiment que c'était la seule raison de ses réticences. C'est un homme qui illustre le mot "introverti" qui n'a trouvé aucun autre moyen que la violence pour exprimer ses sentiments ou plutôt, pour combattre ce qu'il ne peut accepter : lui-même. C'est évident dans plusieurs scènes en particulier lorsqu'ils quittent Brokeback Mountain où Ennis fout une raclée à Jack alors qu'il ne ressent aucune haine mais que de l'amour. Il est lui-même surpris par la force de ses émotions qu'il pensait certainement ne jamais devoir affronter. Et il se cache derrière les mensonges sauf que l'on ne peut pas vivre comme ça. Il n'a pourtant pas la force d'aller au bout de lui-même mais à la fin, c'est trop tard. Quel moment grandiose quand il le réalise... :? Avec pas grand chose (le mot "deceased" sur une carte postale revenue) on s'en prend plein la face. A partir de là, j'ai versé ma larme ou deux jusqu'à la fin :(

Magnifique.
Superwonderscope
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Message par Superwonderscope »

Stilleben a écrit :
Ce qui me gêne un peu là-dedans, c'est que c'est une nouvelle fois le mélodrame de l'homosexualité qu'on nous joue. Une passion inaboutie, une fin malheureuse, voilà mesdames et messieurs toute la tragédie homosexuelle.
Ils s'aiment mais l'un des deux ne s'assume pas - tu m'étonnes - alors ils vont se couler - littéralement comme au sens figuré - dans le moule (oserai-je un autre jeu de mots...) de la société, ils vont se trahir et trahir leurs proches d'une certaine façon, les couples hétérosexuels qu'ils ont formé ne pouvant qu'être voués à l'échec, et passer à côté de leur vie.

.
Il ne faut pas oublier l'époque et le lieu où l'action se situe. Ce qui imprime ce côté tragédie. C'est certes un certain cinéma américian qui a longtemps traîné cette image de tragédie à toute histoire faisant référence à l'amour homosexuel. Car Wyoming, amour gay et 1963 ne font pas bon ménage. Remplace Wyomong par New York ou L.A et ça a pu éventuellement marché.

Cette représentation tragique est quand même bien finie depuis une vingtaine d'années chez les majors US (depuis, je crois, Making Love d'Arthur Hiller, premier film de major traitant du sujet de manière non tragique ni négative), et dans le cinéma indépendant depuis environ 35 ans ( A very natural thing en 1972, il me semble).

Comme tu le notes, les couples hétérosexuels sont en statut d'échec par la même manière. C'estune des raisons quim'a poussé à indiquer que le disocurs du film était justement universel sur les amours contrariées.

L'explication de "c'est la faute à la société" ne tient pas vraiment la route à mon sens. Je ne souscris pas à cette explication chère à beaucoup de cinéastes....quelqu'un comme Oliver Stone, par exemple. Nous sommes à des lieues de ce cinéma démonstratif et accusateur. Ang Lee situe son récit à un niveau plus personnel, plus intime.

Si cela avait vraiment été le cas, Ennis serait resté dans le placard, comme nombre d'hommes mariés en pleine campagne, qu'elle soit US ou autre, au début des années 60. Comme le personnage de Shirley mcLaine dans la Rumeur où elle se suicide en se traitant de sale car elle est amoureuse d'Audrey Hepburn sans l'avouer (car à l'époque, aucinéma comme dans la réalité, on "avouait" son homosexualité telle une faute!).
La pression sociale aurait été trop forte. Et l'histoire reste centrée sur leur relation et le manque de sincérité et d'acceptation des propres sentiments d'Ennis.

Je ne pense pas non plus qu'ils se "coulent" dans le moule de la société de l'époque. Au contraire, ils échappent à leur contraintes sociales, chacun à leur manière. Je ne pense pas qu'il faille décoder le film avec notre prisme du 21e siècle et des valeurs qui existent. Maintenant, pouvons-nous réellement dire qu'ils sont passés àcôté de leur vie? Je n'aipas d'avis tranché sur la question. Difficile de dire aujourd'hui si les années 60 et le Wyoming pouvait offrir à un couple d'hommes une vie amoureuse équilibrée et heureuse. Ils ont aussi peut etre profité du meilleur qui s'offraient à eux? On peut difficilement juger!

Le fait qu'il s'agisse d'un couple homosexuel ne change à mon avis pas grand chose dans la donne. Il s'agit d'une représentation propre d'un couple en crise. C'est le côté universel que je défendais comme Sur la Route de Madison voyant un couple se former et se défaire au gré des choix personnels de chacun.
Oh really? Well then I'm sure you wouldn't mind giving us a detailed account of exactly how you concocted this miracle glue, would you ?
Dragonball
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Re: Brokeback Mountain - Ang Lee (2005)

Message par Dragonball »

«Brokeback Mountain»
censuré : mea culpa de la RAI


Lors de la diffusion du western, lundi soir, deux scènes ont été coupées, dont celle du baiser entre les deux héros. Les associations homosexuelles italiennes crient au puritanisme. La Rai met en avant un problème de copie.
La suite de l'article ici :

http://www.lefigaro.fr/cinema/2008/12/1 ... a-rai-.php
Manolito
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Re: Brokeback Mountain - Ang Lee (2005)

Message par Manolito »

Je rejoins à mon tour le camps des défenseurs. Et pourtant, lorsque j'ai glissé le dvd dans le lecteur, j'avais assez peur du film académique, trop long (plus de deux heures !) et balisé. Si le propos et le récit ne sont pas d'une folle originalité, Ang Lee marque ses points par la mise en scène de ses personnages toute en retenue. Car, si "Brockeback Mountain" est bien, au fond, un mélo hollywoodien, c'est un un mélo extrêment digne, qui refuse l'émotion facile et les grosses ficelles "qui ont fait leurs preuves". "Le secret de Brokeback Mountain" ne cherche jamais à déclencher la grosse crise de larme, ne lance pas de grandes accusations frontales et dramatique lui assurant de mettre le public dans sa poche, et il joue toujours la retenue et le minimalisme. Certes, c'est long quand même, la seconde moitié du métrage souffre de redondances certaines. Mais au-delà du sujet premier de l'homosexualité vécu comme un "amour interdit", "Le secret de Brokeback Moutain" trouve son universalité finale en tant que méditation sur le passage du temps et les opportunités gachées de bonheur...

SPOILERS
Sur le débat "c'est la faute de la société", la mort de Jack, juste un an après qu'il a commencé à vivre son homosexualité au grand jour, nous montre quand même que les appréhensions d'Ennis étaient malheureusement fondées. Quelque part, c'est lui qui "avait raison" - mais aussi qui avait tort, car Jack a peut-être été plus heureux durant cette année que Ennis ne l'aura jamais été. Il est indéniable qu'il y a un écart entre les deux personnalités, une plus grande disposition au bonheur chez Jack que chez Ennis.
Heavy Mental
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Re: Brokeback Mountain - Ang Lee (2005)

Message par Heavy Mental »

Vu hier soir à la tivi, après tout le monde (comme d'hab, quoi...) et, vraiment, en ce moment, je ferais mieux pour mon équilibre de m'en tenir aux zombies de Romero...

Ce film est magnifique, bouleversant, qui parle des liaisons tourmentées, difficiles mais si belles dans leur violence et leur impossibilité à se dérouler dans un quotidien (un tant soit peu) apaisé, sur fond de solitude, de difficulté à être, de vieillissement... J'en suis sorti complètement retourné, je suis vraiment con de regarder des trucs pareils à ce moment de ma vie...
fantomas 2
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Re: Brokeback Mountain - Ang Lee (2005)

Message par fantomas 2 »

Citation: "Difficile de dire aujourd'hui si les années 60 et le Wyoming pouvait offrir à un couple d'hommes une vie amoureuse équilibrée et heureuse."

C'est une blague? le Wyoming... alors que même dans des villes comme Paris et Londres, à moins de faire partie d'un cercle restreint (acteurs, musiciens, peintres, écrivains...) la vie d'un couple d'hommes dans les années 60 était tout bonnement impossible, en tout cas dangereuse, je peux en témoigner. Le mieux à faire, c'était de "faire semblant" d'être hétéro. Et je ne parle même pas des petites villes et des villages. Penser qu'un couple de cow boys aurait pu avoir une vie normale dans les années soixante, c'est prendre le Wyoming pour le pays des Bisounours.

Celà dit, le film est un chef-d'oeuvre absolu.
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