Carl Johnson a écrit :ok...je disais juste que tous les films épiques après Gladiator ne sont que de pauvres copies de la magie de Ridley Scott...
C'est ton opinion. Mais que penserais-tu si je disais "marre des films d'action" ou "marre des films de zombies"?
T'es pas obligé de les voir, ces films d'époque, en plus.
T'as vraiment l'air drôlement immature, dis donc.
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Merci...
Ouais bah ces films épiques, c'est du blé facile en poche: quelques batailles..des persos qu'ont de la gueule..une meuf..et hop!....j'te fais des entrées en masse en salle...
"Quand il n'y a plus de place en enfer...les morts reviennent sur Terre..."
« Kingdom of Heaven », c’est un peu une forme de film somme, l’apothéose des œuvres plus où moins malades où ratées livrées par l’auteur depuis « Blade Runner »… C’est ainsi sans doute son film le plus dense et accompli depuis, un aboutissement qui compile avec beaucoup d'élégance et de constance des images et des figures déjà brassées dans « Legend », « 1492 », « Gladiator », « Hannibal », « La Chute du Faucon noire », etc.. Ridley Scott y retrouve tous ses thèmes de prédilection : la solitude de l’homme seul face à l’univers, la confrontation aux utopies, la noblesse d’esprit et ce qui définit le comportement humain. Si ce « Kingdom of Heaven » n’atteint pas encore une totale fluidité (charcuté qu’il a été au montage, il est victime de quelques trous et d’une mise en bouche assez hasardeuse…mais on nous promet un DVD réparateur) il s’installe tout de même brillamment dans un rythme alliant contemplation, images élégiaques (comme au meilleur des début du metteur en scène), avec un réel sens de l’épique et du spectacle. La photo de Mathieson n’a peut être jamais été aussi belle, et c’est avec plaisir que l’on ne voit pas le tout envahis comme récemment par un tout numérique. Au contraire ici contrairement à « Gladiator », toute l’esthétique cherche vraiment à l’éviter.
Tout va de l’intimiste à la totalité dans un monde que l’homme contemple et doit gérer sans Dieu. C’est la première et seule leçon qu’apprennent ici ces croisés en rédemption, Ridley Scott se montrant très sévère à l’égard des religions… Ses images sont portées par une mélancolie où l’univers prend une dimension qui se définit à partir du cœur humain, de ses espoirs, ses valeurs et ses faiblesses qui s’affrontent continuellement. Le bon Roi monstrueux, atteint de lèpres et dissimulé derrière son masque, c’est comme l’esthétisation d’où jaillit les profondeurs de l’humain, et de la beauté : une voix, des yeux qui parlent de l’intérieur de l’habit. Dans « Hannibal », on jouait comme ici de l’acteur star méconnaissable et défiguré qui doit s’imposer de son être intérieur. Gary Oldman a le droit au masque du monstre qui est celui de son réel statut, il a perdu son humanité…Au contraire du Roi joué par Norton dont la monstruosité doit être dissimulé par ce masque d’argent, idéal abstrait sans expression.
Toujours hante dans tout les films de Ridley Scott ces poupées de porcelaines réplicantes, elles sont l’essence de ce qui définit son cinéma et sa singularité, sa beauté esthétique, poétique. Ce qui est lisse est obsédant : tout champ de bataille n’étant que chaos, mouvement, tremblement, instabilité, à cette furie de l’obturateur succède les dormeurs du Val, séries de cadavres endormis de têtes tranchées qui semblent rêver. Le film de Scott pourra être interprété comme un produit policé dans un moment de tension, on est à l’évidence à mille lieux de ce qu’aurait fait un Verhoeven sur le même sujet. Il se « contente » de rêver à l’utopie d’un monde où les hommes pourraient vivre en paix et en harmonie, une utopie au fond de tous… Mais rappeler cette humanité même, et en la confrontant à ce qui fait notre situation moderne donne à l’artiste et à son conte une porté plus ample peut-être que le politique direct.
Enfin le plus grand gage d’une œuvre qui transcende, c’est ce qu’elle parvient à faire d’un acteur constemment fade et mou jusqu’ici. Ridley Scott fait de sa star une présence, une incarnation de la force et de la vulnérabilité qu’il aime tant allier : on a presque au sortir de là le sentiment qu’Orlando Bloom ne sera qu’à lui, dans son son « heaven » ou « paradise ».