Alors, le cas "300"... Par quoi commencer ?
Allez, par les choses qui fachent... D'abord l'"idéologie" (je mets le terme entre guillemets, parce qu'au fond, je ne pense pas que le film ait vraiment d'idéologie...) Alors, c'est simple, vous ne serez jamais perdus :
Blanc, hétéro qui crie très fort et fait jouir sa femme 5 fois en une nuit : chef des gentils
Blanc, hétéro qui rit très fort aux blagues du chef : gentil
Blanc soupçonné d'être efféminé : gentil mais nul
Laid : traitre
Foncé (noir, arabe, perse, au choix) : méchant
Foncé, laid : gros méchant
Foncé et transexuel : uberméchant !
Bref, une belle "carte du coeur" d'un simplisme total, mais néanmoins rassurante pour le public visé, à savoir des garçons ados pas encore très en confiance avec leur héterosexualité !

Il y a quand même un personnage qui casse ce schéma, ne soyons pas vache...
Personnellement, plus que de l'idéologie, j'y vois surtout de la pose, des facilités pour recevoir l'adhésion du plus grand nombre au niveau de l'identification. Pour poursuivre la polémique sur les "boy lovers" athéniens, rappelons que l'éducation militaire grecque en général (et pas seulement à Athènes) encourageait l'homosexualité entre jeunes soldats, y compris à Sparte ! Bref, là-dessus "300" est totalement anti-historique, mais cela permet à nouveau de faciliter l'adhésion du plus grand nombre. Contrairement à ce qu'a fait Stone dans "Alexandre" par exemple... Soit dit en passant, je ne vois pas en quoi "surhomme nitzchéen = gros biscotos et super hétéro". C'est simpliste comme approche... Ensuite l'imagerie du film pour les Spartes est elle-même assez ambigue : corps imberbe et musclé, slip de cuir noir (les guerriers de l'époque était théoriquement en cuirasse ! Peut-être une influence du célèbre "Léonidas aux Thermopyles" de David, accroché au Louvre, où les spartiates ne potent que leurs casques, leurs armes et leurs capes...). Et que dire de la fin de la bataille qui se vautre dans une imagerie pour le moins très "Saint-Sébastien" ! Bref, simplisme et ambiguité sont de mises,ce qui donne un côté paradoxal à cette approche de la bataille des Thermopyles... On peut parler d'un axe répulsion-attraction en l'occurence...
Plus cinématographiquement : après un début assez remarquable, quand la bataille commence - au bout de trente minutes - le film tend à manquer d'unité. On 'est plus en présence d'une suite de vignettes collées les unes derrière les autres que d'un film porté par une impulsion narrative forte et homogène. Le rythme est répétitif, on passe souvent du coq à l'âne, on subit une voix off pénible qui tente de lier tout ça, on peine se fixer dans le temps (combien de temps dure la bataille ? 3 jours, je sais, mais c'est difficile à comprendre en voyant le métrage). Surtout le film reste froid, non pas vraiment par sa forme, mais par son traitement des personnages qui peinent à exister : les scènes de dialogues sont rares, pas toujours réussies. Les seuls passages prenant un peu de chair sont ceux avec Gorgo restée à Sparte (absents de la BD si je me souviens bien)... On en vient même à se dire que les spartiates étaient un peu des gros cons sans intérêt. Pour un film censé leur rendre hommage, c'est raté! Il me semble que sur ces points, le film des années 60, loin d'être parfait, était plus réussi. On comprenait les motivations des combattants, ils avaient une âme... Ici, c'est nettement moins le cas... Il faut aussi dire que l'interprétation est moyenne (à part pour le bossu, le seul qui se défend). Les spartes ont l'air d'avoir pris des cours dramatiques sur un ring de catch, Xerxes est plus ridicule que terrifiant...
Historiquement, soyons clairs, c'est le zéro pointé ! Rôle des alliés grecs réduits à néant, motivations des spartiates très floues, ambiguité entretenus sur les termes "hommes libres" et "démocratie" (comme le film des années 60 d'ailleurs) prêtant à des analogies inexactes...
MAIS, je trouve justement que ce parti-pris anti-historique fait l'intérêt du film et est parfaitement assumé. OK, le côté "hommes libres" est merdique, mais que ce soit l'imagerie recourant au fantastique ou l'ambiance déréalisée, "300" propose un univers inédit, piochant ce qui l'arrange dans diverses mythologies pour se constituer son univers propre. Le film ne triche pas là-dessus : les méchants sont des vampires, les oracles se sont échappés de dessins de Frazetta... Il faut vraiment être naïf pour y voir un film historique, ou tenant un discours construit ur un évènement historique... Ce qui compte, c'est l'effet, le souffle, le spectale et le dépaysement historico-fantastique...
Et là-dessus, "300" marque des points. D'abord, la forme est très réussie. On ne remarque vraiment qu'une ou deux incrustations un peu vaseuses, et la réussite technique reste impressionnante. L'univers totalement artificiel, totalement "Fantasy", est très réussi aussi, impressionnant. On reproche déjà à "300" d'être un film de "directeur artistique", comme si c'était une honte que l'équipe talentueuse d'un film ait aussi bien fait son travail ! Un reproche bien français en tous cas...
Les séquences de bataille sont dans l'ensemble réussies. Certes, mises bout à bout, elles forement un ensemble disjoint, comme je l'ai dit plus haut, mais dans l'ensemble, la créativité visuelle, le spectacle et l'efficacité sont toujours au rendez-vous. On ne s'ennuie pas, l'intérêt est sollicité par l'apparition de nouveaux monstres, méchants, etc. régulièrement. La mise en scène reste toujours efficace, assez variée, carrée. Un peu désincarnée, mais ça fonctionne ; du Zack Snyder, quoi ! ll y a sans doute un peu trop de ralentis, mais pour certains un peu saoulants, il y en a quand même qui fonctionnent du feu de Zeus : l'arrivée de l'émissaire perse à Sparte, ou le premier combat aux Thermopyles par exemple.
Bref, un bilan partagé. Non, ce n'est pas la grande fresque emportée par un souffle barbare et épique qu'on voudrait parfois nous vendre. Le film, fait bizarrement plus "petit" que ça. c'est difficile à expliquer, mais je ne pense pas qu'il fasse partie des films dont un visionnage sur méga-écran apportera forcément beaucoup plus (contrairement à "Alexandre", "Kingdom of Heaven" ou "le retour du Rio")... J'irais quand même le revoir dans une bonne salle pour vérifier, mais bon...
Donc, pour clore mon avis sur ce film qui provoque chez moi des sentiments partagés, je dirais quand c'est quand même une réussite, un film original et efficace. Voilà. Mais n'en attendez pas plus... On l'a beaucoup comparé à "Conan" : mais, les dernières images de "300" sont très loins de provoquer l'émotion de celles de "Conan"...
Mais bon, un bon film quand même...
