Il est clair que oui il y a un énorme effet de mode sur le cinéma asiatique pas seulement en France mais dans le monde. Et c'est tant mieux, aujourd'hui certain ne se rende pas compte en achetant des super DVD de bonne qualité de film qu'à l'époque on était super heureux déjà de l'avoir trouvé et ensuite de le regarder en vcd tout pourri recadré. Mais en même temps le public n'est pas con, quand on a voulu lui refourger du born to fight en le vendant comme du ong bak ça s'est cassé la gueule et la politique d'asian star de sortir des titres en masses mais en etant négligeant sur la qualité des dvd et le choix des titres ne porte pas tellement ses fruits, ils sont pas en super bonne posture.
A propos de ce phénomène de mode y a 2 ans déjà alors que le boom s'était déjà amorcé, Gilles Boulenger donnait son avis sur la question que je trouve interessant même si je ne suis pas d'accord avec lui sur tout :
En septembre 2003, pour replacer un peu le contexte à l'époque Dionnet était encore chez Studio Canal et Wild Side venait à peine de sortir les coffrets Fukasaku :
Qu’est ce que vous pensez de l’engouement du cinéma asiatique en France ?
Je ne sais pas, on peut toujours considérer que nous en sommes un tout petit peu porteur. C’est à dire que nous avons aussi amené à ce qu’il y ait une sorte d’accroissement de l’intérêt pour le cinéma asiatique. Maintenant, c’est très difficile de parler de tendance en l’état. A priori, il y a des secteurs dans le cinéma japonais qui tendent à trouver un public particulier. L’animation est un cas particulier, mais qu’il faut mettre en avant dans le sens où, c’est vrai, il y a un véritable public qui a envie de découvrir ce genre de films en salle. Le problème c’est qu’on ne leur offre finalement pas cette possibilité. Il y a très peu de films d’animation qui sortent en salle, à l’exception des films de Miyazaki (ce n’est pas une critique, mais c’est vrai que essentiellement c’est Studio Ghibli comme Disney à une certaine époque, il n’y a plus que ça). Donc en même temps, il y a une richesse qui existe, y compris sur des œuvres qui pourraient très bien être représentées en salle et qui ne trouvent pas justement de biais sauf à travers la vidéo, puisque l’on considère que c’est un marché pour des gens qui vont forcément consommer de la vidéo. Ca c’est un point qui était important et c’est un engouement particulier. De là à parler de manière globale d’engouement pour le cinéma japonais, c’est extrêmement risqué. Pourquoi ? parce que en fait ça se fait sur certains cinéastes, présentés ou non à l’Etrange Festival, qui se retrouvent à avoir une certaine côte auprès d’une certaine intelligentsia et d’une certaine presse (comme par exemple Kyoshi Kurosawa). Mais, on ne peut pas réellement pas parler d’engouement, de développement. Je suis très dubitatif, parce que finalement si on regarde le nombre de films japonais qui sortent sur nos écrans, on remarque qu’il est restreint. Une quinzaine de films japonais qui sort dans l’année, ce n’est pas un engouement.
Par contre il y a certainement un engouement d’une certaine population à découvrir ces films dans le cadre de festivals comme le notre, celui de Panasia (Deauville) ou un festival d’animation qui a lieu aussi ici au Forum des Images. Il y a des déplacements de population qui existent vis à vis du passage de ces films en festival, mais ce n’est pas concrétisé par une continuité en salle. Vous le remarquez bien, vous n’avez pas tant de films cinéma que ça à critiquer ou dont vous pouvez parler sur votre site.
- Oui en effet, nous faisons essentiellement des critiques de films sortis en dvd ou vcd.
Bah voilà, donc moi je ne peux pas parler d’engouement, parce que pour moi la salle c’est quand même un moteur extrêmement important. C’est a dire que c’est pour moi le moteur du 1er visionnage d’un film. Audition a été montré à l’Etrange Festival, et il n’est sorti que 2 ans plus tard en salle. Les films de Takashi Miike, il y en a un par an qui sort en salle donc c’est forcément restreint. C’est très bien comme ça aussi, ça évite de se fatiguer d’un metteur en scène, mais ce que je veux dire par là, c’est que après, tout ce qui se passe autour (c’est à dire le marché de la vidéo essentiellement, puisqu’en télévision les diffusions de films japonais sont très restreintes pour des raisons simplement liées à des problèmes de quotas), c’est vrai qu’on peut dire que le marché de la vidéo a pris le relais des manquement de la diffusion en salle, mais est ce que c’est pour le meilleur ? Je n’en suis pas certain. C’est à dire qu’après on est en état de surconsommation. On a une tranche de public qui ne consomme que ça or ce n’est pas plus intéressant qu’autre chose, c’est un ghetto comme un autre. C’est très bien de consommer des films en vidéo, d’avoir une véritable volonté de les voir, les visionner et même de voir les films en très grande avant première, mais je suis pas sur que cette effervescence soit capitale, ou en tout cas amène les gens a réellement apprécier le cinéma asiatique dans son ensemble.
Il y a eu une vague énorme et une déferlante énorme dans les années 80 sur Hong Kong, aujourd’hui il n’en reste rien parce que la production là bas s’est complètement écrasée (parce qu’il n’y a plus de producteurs, ou alors un ou deux producteurs phares). Parce que finalement on en est réduit là 10 ans plus tard, on peut vraiment constater de ce qui c’est produit : plus de producteurs phares qui produisent des films intéressants et au bout du compte finalement on a eu le droit qu’à un feu de paille. Alors ce feu de paille a peut être amené un metteur en scène comme John Woo à être reconnu, ou un metteur en scène et producteur comme Tsui Hark à devenir relativement important, mais ces deux personnes à part, finalement tout ce qui s’est passé autour à un moment a été perçu comme artificiel. En fait il y a eu une trop grosse effervescence sur un tout petit nombre de films et après il y a eu la déferlante dans les années 80 en vidéo de tous les films qui pouvaient être les films de genre. Comme par exemple dès qu’il y avait Chow Yun Fat dans un film, on nous le sortait en vidéo avec des éditeurs qui n’ont fait que ça pendant 2 ans et qui finalement ont asphyxiés le marché en ne choisissant pas les œuvres qui étaient importantes de montrer, mais simplement en profitant du fait que l’on allait pouvoir vendre ou placer en vidéoclub 2000 à 3000 exemplaires d’un titre et que ça allait suffire à lui même. Alors que ça a été l’effet inverse, c’est à dire tout ce qui ne devait pas sortir. Parce que finalement c’est comme nous dans n’importe quels pays, les films français ne sortent pas tous à l’étranger et bien à l’identique on a des raisons aussi pour certains de faire des choix.
C’est aussi ce qui est en train de se dérouler à l’heure actuelle sur un certain cinéma japonais, comme l’animation, qui est un cas de figure très fort mais aussi pour un certain cinéma de fiction du genre Yakusa, pour lesquels il y a une sorte d’effervescence totale alors qu’il faut se calmer. Il y a plein de films qui ne sont pas montrés, qui sont beaucoup plus anciens, qui ont beaucoup plus d’intérêt et qui finalement mériterais petit à petit d’être sorti. Mais la boulimie qui est celle de tout fan « d’un certain cinéma » fait qu’il y a une sorte d’accroissement mais qui à rebours va en fait ni plus ni moins déboucher que sur : que reste t’il de ces années là ? Donc il faut être très prudent.
C’est pour cela qu’à travers la démarche de l’Etrange Festival, justement, il y a cette prudence par rapport à ce qui peut être un engouement général avec des gens qui disent : « oui mais pourquoi vous présentez pas encore plus de films japonais ? ». C’est l’asphyxie, les gens n’ont pas envie de voir que des films japonais sur le principe que il y a l’écran des gens qui sont en train de s’entretuer avec des flingues et des sabres, pour être très caricatural. Hélas, le marché est dans cette tendance là, et puis aussi simplement parce que le marché de la vidéo au Japon est tellement énorme et que la production est tellement colossale que d’une manière ou d’une autre il y a forcement une envie en France de dire : « ah ouais ! on va tout découvrir, on va tout voir ». Il est temps que les horizons s’ouvrent, le Japon est une cinématographie qui est très riche il y a encore plein de choses à découvrir, particulièrement plus dans son passé que dans son présent (puisque le cinéma japonais est en crise et qu’il y a très peu de cinéastes aujourd’hui qui soit en mesure de pouvoir faire des œuvres très intéressantes).
Il faut être clair. C’est un truc qu’il est important de souligner et pour autant, il y a une effervescence disproportionnée. On met beaucoup de temps à découvrir un cinéaste car quand on a des cinéastes qui ont fait plus de 100 films, je crois qu’il faut du temps pour digérer. Sur les 100 films il y en a certainement 90 % qui ne sont pas très intéressant mais peut être qu’il faut déjà découvrir ceux là, voir un peu comment chacun se relie et à quel moment on peut dire celui là est important, celui là ne l’est pas. Là, c’est la disproportion qu’on a connu sur le cinéma de Hong-Kong il y a peu de temps. Et on va avoir très bientôt la déferlante thai qui est en train de se profiler à l’horizon. On est parti pour et avec le même registre, c’est à dire qu’il n’y a plus de discernement. Ce manque de discernement est une véritable problématique qui doit être posée y compris par les gens qui exploitent ce genre de films. C’est pour ça qu’il faut faire attention, parce que sans vouloir faire de reproches particuliers, c’est vrai qu’on a du mal à anticiper qu’un film comme Bangkok Dangerous puisse trouver son chemin en salle alors qu’en fait The Eye avait plus de raison de le trouver. Parce que Bangkok Dangerous est loin d’être à la hauteur du suivant et que le suivant, il était important de le construire lui seul parce qu’il avait son authenticité. Bangkok Dangerous c’est peut être un double programme en DVD, mais c’est pas forcement une sortie en salles. Enfin à mon point vue. Ce que je veux dire par là, c’est que à mon avis ça a joué un peu contre The Eye par exemple.
- C’est vrai que, personnellement, je suis allé voir Bangkok Dangerous en salle et après la déception que j’ai eu, ça m’a freiné pour aller voir The Eye.
Oui mais c’est un vrai problème parce qu’il faut être rationnel. Mais cela est lié à d’autres problèmes qui sont totalement là aussi liés à un problème de distribution. On a des films qui on été repris sur des catalogues qui avaient été achetés un moment et le but profond de la chose c’était de dire : voilà, on va créer une sorte d’évènement autour d’un metteur en scène. Si il y a un film réussi pour l’instant à tout point de vue, avec ses défauts et ses qualités, ne sortons que celui là, mais ne sortons pas l’autre dont on sait qu’il a beaucoup plus de faiblesses et qui peut causer du tort plutôt qu’autre chose, et c’est le cas de figure, c’est à mon avis c’est ce qui c’est un petit peu passé. C’est un peu dommage.