Tout d'abord, pour reprendre la notion de "trollage" de Pitchblack, je dirais au contraire qu'il s'agit de rééquilibrer la balance : ce film est présenté comme un chef-d'oeuvre par la très large majorité des gens sur ce forum avec une verve insolente (des trolls "positifs"

). Je ne partage pas cet avis (mais est-ce bien utile de le préciser ?) ; et je tiens à le signaler en apportant des arguments.
Teurk le Sicaire a écrit :Ce qui me surprend, c'est que pour quelqu'un qui a une formation en psychologie et qui a priori travaille au contact de gens en souffrance (une situation semblable à une société en souffrance), tu assènes avec une telle assurance ta conception de la façon dont doivent réagir des personnes confrontées à la douleur ou à leur propre fin. Etant moi-même dans ce milieu professionnel, j'ai constaté que les gens avaient tendance à accélérer leur propre destruction, de manière insidieuse voire directe par suicide.
Une des approches d'une telle situation hypothèse que face à une souffrance inévitable, l'angoisse ne réside pas tant dans les conséquences de cette souffrance que dans la passivité et la soumission dans laquelle elle nous plonge. La seule façon de réagir tout en contenant son angoisse est et de se donner le sentiment de contrôle en provoquant soi-même le processus de destruction.
De fait, la société au bord de l'extinction décrite dans CoM me semble présenter un comportement des plus réalistes.
Premièrement, je suis Psychologue du travail ; donc, les gens en souffrance, je m'en fiche comme de l'an 40

.
Deuxièmement, les gens ne sont pas "en souffrance" dans Children of Men, à moins de la provoquer eux-mêmes (ils ne sont pas malades ; ils sont juste vieux... bon, d'accord, c'est une tare, mais pas autant que s'ils avaient la lèpre quand même

). De plus, les quarantenaires ne sont pas confrontés à une fin imminente, mais à celle de l'Humanité (et ne dit-on pas que nous vivons dans un monde individualiste où l'intérêt personnel est primordial).
Ceci étant dit, j'ai quand même plus que de simples notions en psychologie clinique pour pouvoir affirmer que le cas que tu cites, qui est clairement établi, fait figure d'exception - un cas isolé qui résulterait d'un processus insidieux de résignation acquise devant lequel tout le monde (loin s'en faut) n'est pas logé à la même enseigne. Aussi surprenant que cela puisse paraître, certaines personnes ne baissent pas les bras face à l'adversité (des fous, sûrement ; la folie étant par essence minoritaire dans une société

). Et dire que je pensais être cynique

.
Donc je persiste à affirmer que ce processus plutôt marginal appliqué à l'échelle de toute une société - voire du monde - rend le film très peu plausible.
Pitchblack a écrit :Maintenant est ce que ce film ne serait que démago, un avatar de la pensée unique (ho la belle expression fourre-tout) qui empêcherait ou surtout galvauderait une quelconque réflexion ? Il ne me semble pas. Il ne me semble pas non plus que montrer un récit avec une résolution "classique" empêche l'élaboration d'une réflexion personnelle plus innovante. J'aurais même tendance à dire l'inverse, et à copier sur la rédaction de Hannah Arendt a coté de moi, à savoir que c'est à partir d'un contenu classique que nous, individu, pouvons maitriser un sujet et proposer une réflexion innovante.
Le terme de "pensée unique" a au moins le mérite d'être clair : il s'agit de la pensée largement répandue dans une société - une pensée automatique, en quelque sorte.
Je ne suis pas convaincu par ton point de vue mais je le respecte ; maintenant, je serais curieux de savoir à quelle réflexion innovante t'aurait conduit le film.
Je ne ferais donc pas le procès d'un film qui n'existe pas , ou qui aurait du être comme-ci ou çà (la comparaison avec le débat sur Traffic tape dans le mille à mon avis). Le film de Cuaron, n'innove pas sur le fond, mais il constate, évoque un sujet avec force, et ouvre des pistes de réflexions / recherches / interrogations. Il ne propose pas... mais je ne le lui demande pas (et je ne lui demande pas de faire le café non plus).
Pas mal
Mais encore une fois : quelle piste de réflexions / recherches / interrogations qui n'ait déjà été rabâchée 10E15 fois Children of Men ouvre-t-il ?
La crédibilité de ce récit et de cet univers ? Mon avis est moi, c'est que j'adhère.
Pour exemple, le réchauffement planétaire est scientifiquement considéré comme irréversible : ce qui veut dire qu'avant 2050, on aura des problèmes énormes... je ne vois pas l'humanité se fédérer, je ne note pas de grands programmes communs et volontaristes avec un impact énorme sur mon quotidien, etc. On m'informe que les guerres continuent, que l'industrialisation se perpétue, etc. Tout se passe par petites touches à notre échelle de quidam, en bien comme en mal.
Je ne nie pas que le monde va mal ; je tiens juste à mettre en garde contre le sensationnalisme véhiculé par les médias : on préfère largement montrer ce qui va mal.
Les épidémies ont toujours existé (peste, choléra, etc.), et ce n'est pas pour autant que l'Humanité s'est éteinte ; elle s'est adaptée à chaque fois et en est ressortie grandie selon le principe très darwinien selon lequel "ce qui ne me tue pas me rend plus fort". La race humaine n'a jamais été, n'est et ne sera pas avant très longtemps menacée d'extinction car elle réagit et s'adapte très vite.
Children of Men mise exclusivement sur l'alarmisme très largement relayé par les masses médias sans s'intéresser aux remèdes.
Quant à l'histoire du nouveau-né sur le champ de bataille, j'ai déjà dit ce que j'en pensais ; je vais néanmoins en faire un résumé : un croyant (et qui le prouve) mettrait dieu et ses représentants au-dessus de tout ; en fait non, un simple coup de feu lointain, balaye toutes ses convictions en une fraction de seconde.
Je ne préfère pas Sunshine à Children of Men ; je trouve Sunshine dantesque alors que Children of Men m'écoeure. Il y aurait bien d'autres films qui mériteraient d'être défendus sur ce forum, mais étant donné qu'il me faut répondre sur ce sujet et que j'ai aussi une vie sociale, je me cantonne à apporter ma modeste contribution à la critique du film d'Alfonso Cuarón, critique qui me semble prioritaire étant donné que je suis le seul à la porter.
