Intégrale "La femme scorpion" (1972-77)

[Filou]

Je remonte ce thread car j'ai regardé le troisième volet récemment (la tanière de la bête donc) et j'ai pris une méchante claque

Le point de départ du film, qui est le plus racoleur des trois, n'est vraiement pas représentatif de ce qui va suivre. Le film est le plus abstrait des trois premiers, le rythme est également plus posé, laissant l'intrigue quelque peu en suspens. Par contre, le film regorge de plans magnifique et d'idées de mise en scène totalement folles et poétiques. J'ai cru comprendre que la Toei avait moyennement apprécié le résultat et c'est pourquoi le quatrième opus n'a pas été tourné par Ito (une catastrophe soit dit en passant).

J'avais déjà acheté à l'époque les deux premiers volets de la série des Sasori et j'ai pris le coffret rien que pour le troisième volet. Je vais zapper les deux autres métrages sans Kaji Meiko par contre Je suis très content de mon achat mais j'aimerais quand même noter : la qualité de la copie du premier est inférieure à celle proposée par le DVD HK Video aujourd'hui épuisé. Par contre, le second est meilleure, surtout la compression.

[Shinji]

Interview du dernier numéro des Cahiers du Cinéma lisible ici :
https://www.cahiersducinema.com/2021/08 ... meiko-kaji

[fiend41]

par le fiston ? piston ? du papounet rauger

[Shinji]

par le fiston ? piston ? du papounet rauger

Je n'avais pas fait le rapprochement ; en tout cas, vu qu'il est installé au Japon (le veinard), c'est fort possible.

[fiend41]

récente diffusion du 1er opus & interview du réalisateur @tokyo laputa asagaya

https://x.com/nonomurax/status/18602198 ... 35/photo/4

[Shinji]

récente diffusion du 1er opus & interview du réalisateur @tokyo laputa asagaya

D'autres films à conseiller d'ailleurs de Shun'ya Itō ? Déjà je n'ai toujours pas vu Curse of the Dog God (1977).

[fiend41]

pas encore vu non plus, mais avec "Yukai hodo /To trap a kidnapper" ce sont en effet ses films les plus cités hors la saga scorpion,

ce bloggeur a regardé pas mal de films, et pourtant ce n'est que récemment qu'il l'a vu justement,
https://windowsonworlds.com/tag/shunya-ito/

faudrait retrouver une intro de jean-pierre dionnet de cinema de quartier c+ quand ils ont diffusé 701, je présume qu'il a du faire un topo du réalisateur

[Teurk le Sicaire]

La Femme Scorpion

La Femme Scorpion, ou pourquoi j'adore le cinéma bis japonais des 70's. A partir d'un canevas d'exploitation rodé, le film de prison de femmes (ou WIP), dont il respecte le cahier des charges crapoteux (nudité féminine, violence, sadisme des gardiens, saphisme, évasion), Shun'ya Ito laisse libre cours à sa puissance créatrice avec le côté pop du manga adapté, des éclairages expressionnistes et des scènes fantasmagoriques (l'affrontement sous la douche) qui le sortent immédiatement de la simple itération de ce genre cinématographique. Il en assume d'ailleurs la violence en la décuplant, dépeint la tyrannie absurde de jusqu'au boutisme de l'administration pénitentiaire, montre les rapports de force constants entre les groupes sociaux et au sein de ceux-ci, fait des parallèles étonnants entre le drapeau japonais et la perte de virginité, et, sans être féministe, prouve une conscience aiguë des dynamiques patriarcales en dépeignant une femme victime des hommes et des systèmes institutionnels de domination organisés par ceux-ci.

La résistance de son héroïne à l'oppression leur est d'ailleurs insupportable et tous s'associent pour tenter de la briser. Mais tel le numéro 6 du Village, c'est un personnage qui s'affirme et se construit dans l'adversité, roc inaltérable de volonté et de résilience, prête à souffrir tous les supplices pour atteindre son objectif : la vengeance envers un homme, envers les hommes. Dans le rôle de Nami/Sasori, l'iconique Meiko Kaji qui grave là sa légende : qui mieux qu'elle pour incarner cette puissance dans un simple regard si perforant ? Si Shun'ya Ito apporte un savoir-faire technique indispensable, c'est bien le charisme magnétique de Kaji, et sa voix avec le désormais célèbre titre Urami Bushi, qui amène la Femme Scorpion au firmament du genre.

Je me faisais la remarque que refaire un même film de nos jours entrainerait sans doute une levée de bouclier de tous nos réactionnaires (quelle attaque insupportable contre le drapeau et nos valeurs !), voire un dépôt de plainte du ministre de la Justice.

[Teurk le Sicaire]

Elle s'appelait Scorpion

Retour en prison pour femmes où les sévices n'ont décidément jamais de fin, mais pas pour longtemps car cette suite se consacre à la cavale d'un groupe de prisonnière, comprenant la désormais légendaire Sasori. Le film grimpe d'un cran dans le fantastique onirique, illustrant le parcours criminel de chaque protagoniste par des scènes théâtrales et chantées aux éclairages toujours dingos, ou lors de cette rencontre surréaliste avec une vieille femme armée d'un couteau et n'ayant que le mot "tuer" à la bouche.

Lady Scorpion 2 choisit de montrer la face la moins photogénique du Japon, peu de nature, des montagnes désertiques, des villages en ruine, des routes au milieu de nulle part, des décharges. Et toujours ce focus sur les rapports de domination et la violence qui les irrigue, que ce soit au sein de la société entre les classes et entre les genres (les criminelles concentrent ces deux champs) et même au cœur du groupe de femmes où la sororité n'est jamais une évidence tant elles sont elles-mêmes traversées par les représentations culturelles (le lynchage de Sasori pour avoir été violée, transformant la victime en coupable). Ces anti-héroïnes, rebuts de la société sans rédemption possible, ne font ainsi que répéter le cycle de la violence jusqu'à un final sacrificiel. Le nihilisme étouffe tout espoir, même les enfants et les chiens prennent cher.

Au milieu de ce marasme, Meiko Kaji incarne un personnage de plus en plus éthéré, quasi-fantomatique, témoin muet de toutes ces exactions qu'elle parait juger sans toutefois intervenir pour ramener un peu de justice, mais toujours actrice de sa propre vengeance. Les autres actrices sont également très bien, mention spéciale à Kayoko Shiraishi qui incarne parfaitement la folie meurtrière teintée de désespoir (et me fait penser physiquement à Chiyoko dans Akira). La réalisation de Shunya Ito est toujours aussi folle, favorisant souvent l'esthétisme du plan à tout le reste. J'adore.