Vu Hellboy, avec un métro de retard... pour moi c'est un régal. Il répond à ce que tout divertissement qui se respecte devrait être : deux heures de bonheur pour une réussite esthétique indéniable, un sens du rythme affirmé et une superbe réalisation sans tape à l'oeil. Il est clair que pour Del Toro, l'adaptation de comics est un espace de liberté ; partant d'un matériau existant il insuffle sa propre énergie, sa propre personnalité et intègre Hellboy à son propre univers. Vous me direz que c'est un peu ce qu'on attend de n'importe quel cinéaste digne de ce nom, mais le plus souvent je trouve que les blockbusters nous laissent de plus en plus une sensation d'esthétique purement technique d'élèves ayant conçu - au mieux - un bon produit, bien calibré, bien fini, mais sans âme. (C'est un peu ce que je pense des X-Men

). Parce que ce qu'il y a de fabuleux chez Del Toro c'est son enthousiasme communicatif. Ici, pas de "je remplis mon cahier des charges et c'est tout", mais un plaisir à filmer constant, et visiblement un amour de môme pour son personnage. Parfaite fusion des mythologies US de culture populaire et d'une mythologie fantastique gothique plus littéraire (monstre tourmenté, vampires, cimetières..) il nous plonge dans un univers qui tient au moins autant du conte de fée et de Lovecraft que de la BD. Pas assez noir et indicible pour être ceux de Lovecraft, ses monstres sont néanmoins totalement cthulhuesques et on se dit qu'il peut se permettre de les montrer ! C'est du pur plaisir que de voir ces marionnettes s'agiter et l'on se croirait revenu au temps des monstres de latex, temps où ils étaient palpables et non des hologrammes... Hellboy est un véritable hommage à la culture de l'imaginaire.
Etonnant de trouver au milieu de cette intrigue totalement délirante de nazis automates et de Raspoutines tentaculaires un monde poétique qui rappellerait à la fois Maurice Renard et Hoffmann ... De plus le personnage d'Hellboy monstre des abîmes au service du bien n'est rien d'autre que la version comics des héros de romans noirs du 19è comme Melmoth, tourmenté par ses origines infernales. Donc à mon sens, c'est parce qu'il est sans prétention et totalement sincère qu'il est quasiment parfait et qu'il donne autant la sensation d'un rêve réalisé. Finalement le cinéma de Del Toro c'est tout le contraire de Shyamalan : à la parabole biblique, à la fable catho, il préfère la victoire de l'imagination et du mythe fantastique. A la différence du "Village", qui se révèle strictement incapable de distraire sans idée derrière la tête, sans calculer, et sans moralisme lourdingue, le cinéma de Del Toro rime avec sensation et plaisir pur. En se contentant de dévoiler ton son amour pour le cinéma fantastique d'antan, pour les freaks et les mythes fantastiques, il élève la distraction au rang d'oeuvre d'art. Il ne faut pas chercher dans Hellboy une quelconque profondeur insoupçonnée, juste se laisser porter par deux heures de satisfaction ludique.