Mort de Suzanne Flon, une grande comédienne à l'éclat sans apprêt
PARIS (AFP) - Suzanne Flon qui vient de mourir brutalement à 87 ans à Paris, fut au long d'une carrière de quelque soixante ans surtout au théâtre, mais aussi au cinéma, une comédienne d'une finesse naturelle qui lui assurait un éclat sans apprêt.
Alors qu'elle n'avait pas suivi d'études traditionnelles d'art dramatique, c'était, aux dires de ses camarades une artiste authentique dans la mesure où elle était, au cours des répétitions, longtemps insatisfaite et peinait à trouver son personnage, afin de donner une réalité à l'image idéale qu'elle s'en faisait. Le résultat était un jeu tout de franchise, simple et fort.
Suzanne Flon était née le 28 janvier 1918 au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), dans un milieu modeste où l'on ne songeait pas au théâtre, mais une institutrice lui apprit à bien dire les vers et lui donna surtout le goût de les réciter.
Il lui fallut, après des tentatives malheureuses, une expérience d'interprète d'anglais au magasin du Printemps, attendre ses 20 ans pour tenter sa chance et entrer dans le monde du spectacle. Elle devint la secrétaire d'Edith Piaf, puis speakerine de music-hall hall et notamment présenta à l'Etoile à Paris une revue dont Mistinguett était la vedette. Cette meneuse de revue, racontait-elle, me faisait passer dans les tableaux et me disait : "ça t'apprendra à marcher".
C'est en tournée qu'elle commença vraiment une carrière de comédienne dans des sketches de variétés auprès de Dandy. "Je chantais aussi, ajoutait-elle, faux et j'avais à dire un poème contre la guerre et j'y mettais tout mon coeur". D'autres expériences suivirent après la rencontre qui fut capitale pour sa formation de comédienne avec Raymond Rouleau en 1943 pour "Le survivant" de Jean-François Noël à la Comédie des Champs-Elysées.
La liste est ensuite impressionnante des pièces aux registres les plus divers auxquelles elle attacha son nom, certaines étant considérées comme des réussites.
Le théâtre alors triomphant de Jean Anouilh à la fin des années 40 et dans les années 50, lui doit beaucoup. Elle créa ainsi Ismène de son "Antigone", son "Roméo et Jeannette", son "Alouette", longtemps son rôle préféré avec celui du "Mal court" d'Audiberti dès 1947. La même année, elle avait joué aussi "La petite hutte", la comédie d'André Roussin. En 1960, elle surprenait dans "De doux dingues", une comédie burlesque de Michel André dont l'interprétation était "tuante" racontait-elle, "parce que le genre réclame non seulement de la vitrosité, mais aussi de la sincérité".
Suzanne ne dédaigna pas non plus les auteurs du répertoire Shakespeare, Tchekhov, Pirandello, Musset au TNP mis en scène par René Clair en 1959. A un âge plus avancé, elle était redevenue curieuse du théâtre de son temps, créant des pièces de son amie Loleh Bellon dont "j'aime, confessait-elle, les qualités de lucidité, de tendresse et d'humour". Elle a repris aussi des textes de Marguerite Duras comme "L'amante anglaise" ou "Savannah bay" avec laquelle elle devait faire une nouvelle rentrée sur les planches en septembre 2005.
Dans la vie privée, accessible, joyeuse et sans chichis, ses succès au cinéma, en femme de tête ou en écervelée charmante ou encore en grand-mère idéale - sous la conduite de John Huston, Roger Vadim, Henri Verneuil, Claude Chabrol, Pierre Granier-Deferre, Jean Becker etc...-, ne lui ont pas fait plus tourner la tête que ses deux Molières de la meilleure comédiennes reçus en 1987 et 1995.
Meme si ce n'est pas vraiment une surprise, une grande comedienne nous quitte. Et je suis triste.
