Vu hier lors d'une rétrospective Murnau au ciné Carné de Saint-Michel-sur-Orge (région Parisienne) qui diffusait donc "Le dernier des hommes", "Nosferatu" (version colorée, pas content) et "l'aurore"...
Il s'agissait d'une copie 16mm diffusée dans des conditions assez précaire (la courroie a cassé plusieurs fois et la bande a brûlé) mais ça n'a fait qu'ajouter du charme à la scéance. Le film peut toutefois être découvert en DVD au éditions MK2 bien entendu.
L'histoire
Le portier de l'Atlantic hôtel (Emil Jannings) autrefois connu pour son professionnalisme et sa vigueur, se fait aujourd'hui vieillissant et peine a porter les valises. Surpris en train d'accepter un verre d'eau, le vieil homme se voit rétrogradé par son superieur à un rang bien moins glorieux: Celui d'homme de ménage dans les toilettes de l'hôtel. Fini l'uniforme qui a fait de lui un homme respectable, fini la reconnaissance de ses voisins, c'est maintenant une descente aux enfers qui commence pour le vieux portier...
Ce que j'en dis très humblement
Je n'ai pas le potentiel pour donner un point de vu éclairé sur le cinéma de Murnau puisque je ne connait de lui que 2 films. Celui-ci et bien sûr Nosferatu.
Donc je vais me contenter de parler du film et de mentionner ce que j'y ai vu ou cru y voir.
Tout d'abord pour nos amis les glands qui n'aurait pas vu l'année de réalisation, il s'agit d'un film muet. En plus d'être muet, il est pratiquement dénué de textes écrits. Cependant, force est de constater que le film ne peine à aucun moment pour faire passer et l'histoire, et les émotions grâce entre autre à son interprète principal exceptionnel et à la mise en scène réellement impressionnante.
Le film nous raconte donc la malheureuse histoire d'un portier vieilissant et incapable de tenir son poste plus longtemps. S'en suit une chute rude et éprouvante pour l'homme d'un autre temps. Autre temps car il semble que d'un point de vue historique (on parle de l'Allemagne), Murnau nous peigne à sa manière la chute d'un régime (le vieux portier barbu) et la naissance d'un nouveau (un jeune homme droit comme un "i" et aux cheveux rasés) qui n'est autre qu'une pseudo démocratie imposée de force après la première guerre mondiale. Un nouvel ordre établit dans lequel l'ancien n'a plus sa place et se voit "éjecté" au profit de valeurs plus "carrées". N'ayant pas moi-même les connaissances historiques suffisantes, j'invite ceux qui les ont à se manifester...
Mais au delà d'un scénario évidemment très simple, Murnau nous enchante avant tout par sa mise en scène époustoufflante dans laquelle chaque plan semble avoir été pensé comme une photo ou une peinture tout en sachant tirer partie de ce que lui offre le cinéma.
Ainsi, la lumière joue t'elle un rôle principal dans le film. En effet, au début, le vieux portier est un homme vivant dans des immeubles ouvriers. Les lumières sont allumées sur son passage (matin et soir) et il aime à avancer dans son bel uniforme grace auquel il est reconnu dans son quartier. L'homme "parade" donc dans la lumière, sans aucune prétention mais avec le sentiment d'être reconnu comme celui qui va travailler pour le grand monde... Au fur et à mesure de sa chute, la lumière se fait moins présente et le vieil homme fini par la fuir totalement. Le film se terminera (je parle de la première fin: nous verrons plus loin) dans l'obscurité totale, avec un homme litteralement appeuré par une simple torche...
Je parlais du grand monde et c'est aussi quelque chose d'important dans le film. Nous avons d'un côté le cadre de vie du portier, plutôt simple, ouvrier, en opposition total avec le monde dans lequel il travaille: Le gratin de la société Allemande, les clients de l'hotel. Le vieil homme est donc un "transfuge", un ouvrier "infiltré" dans le haut monde. C'est se qui lui permet d'être reconnu chez lui (sa famille, ses voisins) mais c'est aussi ce qui causera son rejet lorsqu'il sera retrogradé (ses voisins se moquent de lui et sa famille lui tourne le dos alors qu'ils auraient sans doute eut une réaction plus modérée s'il avait lui aussi été un ouvrier). La séparation entre ces 2 mondes est magnifiquement symbolisée par la porte à tambour de l'hotel. Celle-ci tourne non-stop en début de film, évoquant magnifiquement le temps qui passe, jusqu'à ce qu'elle se stoppe à jamais. Elle sera arrété au moment précis où le patron de l'hôtel verra l'homme accepter un verre d'eau, synonyme de sa fin. A cet instant donc, le temps se fige, l'homme "a fait son temps" et pour lui, la porte ne tournera plus...
Dernier point sur lequel je vais m'arréter pour l'instant : La fin. Le film en possède 2. La première fin, qui est celle voulue par Murnau et qui voit la fin de l'homme, sa mort sociale, son retour à l'état initial de foetus. Puis, après cette fin, un panneau apparait et Murnau nous apprend qui a dû ajouter une fin plus heureuse. Cette seconde fin voit le vieil hériter d'un riche homme d'affaire qui meurt dans ses bras aux toilettes! On voit ensuite le vieux portier diner copieusement dans l'hotel même où il a travaillé. Tout y est extravagant, ridicule, féérique (à contrario du film encré dans une dure réalité). Il semble que l'Allemagne de l'époque considérait qu'un film qui se termine mal est un mauvais film. Pour la forme et sans doute pour dénoncer cette idée stupide, Murnau ajoute donc une fin assez grotesque et décallée qui rend bien compte du ridicule d'une telle "règle". Il s'agit donc là de quelque chose de très anecdotique mais aussi réellement savoureux et original. A voir pour comprendre.
Tant de chose à dire que je pense que j'y reviendrai pour évoquer entre autres l'uniforme, le bruit de la porte tambours qui est exactement le même que celui des femmes ouvrières qui battent le linge, la scène de fin magnifique durant laquelle un gardien de nuit caresse la tête du vieil homme en position d'absolue faiblesse, tout comme le vieil homme caressait la tête d'un enfant dans la même situation en début de film (le film agit comme un miroir) etc...
Bref, une oeuvre magnifique qui méritait bien un thread et, je l'espère, un dialogue.
Der Letzte Mann - Le dernier des hommes (1924) F.W. Murnau
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Modifié en dernier par MadXav le lun. déc. 12, 2005 3:23 pm, modifié 2 fois.
Pour Nosferatu, c'est normal qu'il soit teinté. Les copies étaient tirées comme cela dès l'époque du muet, pour restituer, par exemple, s'il fait jour ou nuit, etc...
J'ai un très bon souvenir du Murnau, plus pour son incroyable mise en scène, parfaite du début à la fin, et l'interprétation d'Emil Jannings, que pour son récit social toutefois.
J'ai un très bon souvenir du Murnau, plus pour son incroyable mise en scène, parfaite du début à la fin, et l'interprétation d'Emil Jannings, que pour son récit social toutefois.
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Comme prévu, j'y reviens un peu pour aborder un truc qu'il n'a aussi pas mal "surpris" lors de ma vision du film : Les travelings.
De toute évidence, Murnau use de caméra sur rails ou sur roulettes et nous propose dans son films de vrais séquences de fou avec notament l'introduction qui voit la caméra descendre verticalement puis avancer horizontalement vers la porte à tambours. Ce n'était peut pas la première fois qu'une telle technique était utilisée, mais si ce n'est pas le cas, elle n'était sans doute pas courante à l'époque.
Ce mouvement de caméra à l'intro permet à lui seul d'exprimer (encore une fois, c'est mon sentiment) l'échelle sociale d'un rang élevée qui se trouve dans l'hotel, en contradiction avec le niveau bas qui se trouve à l'exterieur (la caméra est tout en bas lorsqu'elle arrive à la porte). De plus, cela permet de voir la porte à tambours d'une position haute avec ses battants qui font réellement penser aux aiguilles d'une pendule et donc au temps qui passe.
Un plan qui peut paraitre assez simple mais qui au final sent plutôt bon la perfection.
Nota: Je me prends un peu la tête mais le passage Prism / Murnau n'a pas été facile à négocier !
De toute évidence, Murnau use de caméra sur rails ou sur roulettes et nous propose dans son films de vrais séquences de fou avec notament l'introduction qui voit la caméra descendre verticalement puis avancer horizontalement vers la porte à tambours. Ce n'était peut pas la première fois qu'une telle technique était utilisée, mais si ce n'est pas le cas, elle n'était sans doute pas courante à l'époque.
Ce mouvement de caméra à l'intro permet à lui seul d'exprimer (encore une fois, c'est mon sentiment) l'échelle sociale d'un rang élevée qui se trouve dans l'hotel, en contradiction avec le niveau bas qui se trouve à l'exterieur (la caméra est tout en bas lorsqu'elle arrive à la porte). De plus, cela permet de voir la porte à tambours d'une position haute avec ses battants qui font réellement penser aux aiguilles d'une pendule et donc au temps qui passe.
Un plan qui peut paraitre assez simple mais qui au final sent plutôt bon la perfection.
Nota: Je me prends un peu la tête mais le passage Prism / Murnau n'a pas été facile à négocier !