Fushigi no Umi no Nadia TV (1990) – Hideaki Anno
[ Nadia of the Mysterious Seas ] / a.k.a. The Secret of Blue Water
En 1889, deux adolescents poursuivis par un trio de voyous vont se retrouver pris dans un guerre secrete que se livre un homme et son equipage contre une sinistre organisation qui a des visees mondiales…
Produit par la Nihon Hosokyoku (NHK) ou chaine publique japonaise, et realise par le (legendaire) studio d’animation Gainax ( Oritsu Uchugun – Honneamise no Tsubasa / The Royal Space Force – Wings of Honneamise (1987), Top o nerae! Gunbuster / Aim for the Top – Gunsbuster OVA (1998), Otaku no Video OVA (1991) ), FnUnN a connu une genese assez “tordue”, car presentant un cas assez extreme d’”inceste creatif”.
En effet, a la base de la production se trouve un projet que Hayao Miyazaki avait commence a developper pour la meme NHK dans les annees 70s, mais qui a l’epoque ne vit jamais le jour.
En fin de compte, Miyazaki repris certaines idees et les recycla pour Tenku no Shiro: Laputa / Laputa: Castle in the Sky (1986), tandis que apres la sortie de TnS:L, la NHK, qui elle, avait toujours a sa disposition le projet et les travaux preparatifs originaux, finit par re-activer ce dernier pour (enfin) le lancer.
Ceci resultant en la situation assez etonnante ou le projet “initial” (de la NHK) sortira apres la version “remaniee” (de Miyazaki), et ou paradoxalement les elements du recit initial ont ete “empruntes(!)” par leur propre createur…
Si a l’arrivee, et si FnUnN semble avoir “recopie” TnS:L”, paradoxalement, Miyazaki se serait “egalement vole” lui-meme…
Au final, et comme les deux oeuvres ont ete produites par deux societes (Toho pour Nadia vs Tokuma Shoten pour Laputa), animees par deux studios (Gainax vs Ghibli) et realisees par deux personnes differentes (Anno vs Miyazaki) et que leurs univers restent assez differents (eau / mer vs air / ciel), le mieux sera sans doute de les considerer comme des oeuvres a part, dont juste certains details tendent a se croiser (assez mechamment, quand meme

).
Au-dela des considerations quant aux similitudes, FnUnN a beaucoup pour plaire.
Cote “inspiration”, l’on retrouve de nombreux elements de la bibliographie de Jules Verne, et ce, au-dela du simple 20,000 Lieues sous les Mers, roman qui formait le postulat de base de la production que desirait la NHK.
L’on retrouve ainsi des elements disparates (cela va du concept a des details narratifs ou allusions parfois TRES secondaires) de Deux Ans de Vacances, ou L’ile a Helice en passant par Le Maitre du Monde, L’ile Mysterieuse et encore bien d’autres, le tout matine d’un suspense estampille “batailles de sous-marins” teinte de science-fiction hardcore et de considerations philosophiques pas piquees des hannetons.
Cote narration et visuels, pour ceux qui penseront qu’avec Honneamise (1987) FnUnN est le produit le plus “serieux” de la Gainax—studio repute pour son “otakisme” (ou geekness) revendique, ils se trompent…
Narrativement et visuellement, l’on retrouve des elements de Tenku no Shiro Laputa (1986) (bien sur!), un trio de voyous ressemblant a celui de la serie d’animation TV Time-Bokan (8 series TV de 1975 a 2000)—dont Yatterman (2009), la version “live” fait partie—trio d’ailleurs tout aussi (peu) “efficace”.
Les vaisseaux cherchent leur inspiration dans Uchu Senkan Yamato / Space Battleship Yamato (1974 - 2010), les batailles du cote de Uchu Kaizoku Captain Harlock / Space Pirate Captain Harlock TV (1978) et les combats navals sans doute du cote de Uchu Kubo Blue Noah / Space Carrier Blue Noah TV (1978), serie egalement referencee via la “Red Noah” de FnUnN!
Pour rehausser le tout, la Gainax soupoudrera le tout d’elements mystiques et religieux (dans des normes nettement plus acceptables que dans leur Shinseki Evangelion / Neon Genesis Evangelion TV (1997) ), parleront de chatiments divins, de racisme et d’eugenisme, mais aussi de tolerance et d’acceptation, re-interpreteront la legende de la Tour de Babel, re-placeront geographiquement l’Atlantide, se permettront de citer (Hermes) Trismegiste, se refereront a Rousseau, opposeront pacifisme a belligerence, carnivores a vegetariens, ou encore--paradoxalement—remettront en place l’optimisme et la confiance (parfois quelque peu deplaces) de—justement—Verne en une science et un progres qui a coups de revolution industrielle menera quand meme a plusieurs conflits regionaux voire mondiaux. Bref, du lourd, du tres lourd.
Les moyens narratifs mis en oeuvres pour y arriver seront varies et–apparement—assez antinomiques…
FnUnN est ainsi tour-a-tour; comique (jusqu’au loufoque voire l’hysterique!

), optimiste, dramatique, sombre (jusqu’au desespoir), epique violent, introspectif (jusqu’au dechirement) ou simplement…tendre.
Sous les auspices d’une veritable auberge espagnole (comme beaucoup d’animes, d’ailleurs), et miraculeusement(!?), la Gainax reussi son pari et livre une serie qui parvient a rester…fidele a l’oeuvre de Verne, tout en l’emmenant dans des territoires beaucoup plus insoupconnes, car (parfois) TRES sombres.
Paradoxalement, Gainax reussi egalement, la ou Verne ne reussissait pas (toujours) a tranformer ses essais.
Ainsi, les enfants / adolescents dans FnUnN ressemblent effectivement a des enfants / adolescents, et suscitent autant la tendresse…qu’une certaine irritation (alors que les bambins sages comme des images d’Epinal des romans de l’auteur laissent souvent plutot dubitatif quant a leur angelisme).
La sympathie suscitee par les personnages doit egalement beaucoup au character-desgin de Sadamoto Yoshiyuki (Robot Carnival (1991), .hack//roots TV (2006), Toki o kakeru Shojo / The Girl who leaped through Time (2006) ).
Parmi le casting, l’on retrouve ainsi:
Nadia; forte et courageuse, vegetarienne et protectrice envers la nature et les animaux, mais egalement: tetue, colerique et d’un caractere passablement…epouvantable. Son (mauvais) caractere peut essentiellement etre mis sur le compte de son enfance difficile et ses (mauvaises) experiences procurees par la race humaine.
Jean Roque Raltigue: d’un optimisme inebranlable, genie en avance sur son temps et veritable “renaissance man / kid” de l’invention, il n’en est pas moins courageux et forme un pendant plus “calme” (et equilibre) a son amie Nadia.
Marie: orpheline a cause de Neo Atlantis, elle sera sauvee par Nadia et Jean. Enfant turbulente, elle trouvera en King un compagnon de jeu…et un souffre-douleur…
King: lionceau compagnon de Nadia, il est avec la pierre du “Blue Water”, le seul lien avec le passé de sa maitresse. Accessoirement, souffre-douleur de Marie aussi, donc…
Grandis Granva: femme-chef de bande, son but initial est de s’emparer du Blue Water, le bijou de Nadia. Ses projets, en plus d’etre contrecarres par les evenements, changeront du tout-au-tout.
Sanson (Samson?); mais doue d’une force herculeenne et conducteur du Gratan. Serviteur devoue a Grandis Granva. Seducteur assez imbu de lui-meme, mais cachant sous sa carapace de cynique un personnage assez “realiste”, car ayant connu de nombreux tourments.
Hanson (Handsome?); mais ingenieur du genie et createur du Gratan. Egalement serviteur devoue a Grandis Granva. Ami d’enfance de Sanson, il tend neanmoins a rester plus positiviste que ce dernier.
Nemo; capitaine du Nautilus. Un homme mysterieux et visiblement hante par le passé. Il mene un combat personnel contre la resurgence de Neo Atlantis. Il semble egalement lie a Nadia d’une facon encore a eclaircir.
Electra: commandant en second du Nautilus. Devouee au capitaine Nemo et
a son combat contre Neo Atlantis. Son passé reste lie aux drames que vecut Nemo.
Gargoyle: maitre de Neo Atlantis. Ses dessins sont aussi sombre que sa haine de la race humaine.
A l’arrivee FnUnN est malgre toutes ses qualites, ou justement a cause(!) de celles-ci, une serie assez ”bancale”, et ce, de part bien des aspects…
A la base, la NHK voulait une adaptation de 20,000 Lieues sous les Mers, tandis que ce que la Gainax (sur base des travaux preparatoires de Miyazaki!) realisera, sera plus une “re-invention” du recit de Verne.
“Ce” que la chaine publique voulait (et ”ceux” que la chaine visait), etait une serie destinee a un public majoritairement compose d’enfants, alors que ce que la Gainax livrera, est une serie qui, comme les deux protagonistes qu’elle met en scene, vise plutot les jeunes adolescents.
En fait, aussi intelligente la serie soit-elle, elle n’est paradoxalement pas reellement adaptee a un public trop jeune, car tres complexe dans son intrigue, et parfois (sans doute) assez effrayante / violente dans sa mise en image. (Si l’on sent souvent l’implication d’Anno derriere la serie, l’on est pourtant encore tres loin des extremes d’un SSE (1997) ).
Ainsi, entre la ”vision” (plus mure) de la Gainax et le cahier des charges (plus enfantin) de la NHK, l’on retrouvera de nombreuses scenes qui semblent vouloir tisser un lien entre les deux concepts, mais qui au final “detonnent” pour le moins.
Ces scenes, generalement comiques se centrant surtout sur Marie, King et la relation qu’ils tissent avec les adultes autour d’eux. Rafraichissantes, certes; droles, sans doutes, mais aussi un tantinet hors de propos, voire “too much” selon les cas.
De plus, la Gainax,--connue pour son humour visuels, ses inside-jokes et son…”fan-service”―caressera le fan dans le sens du poil, rajoutons egalement de-ci, de-la quelques scenes parfois incongrues (frequemment excisees de la version europeenne, car mettant―souvent―en valeur la “plastique” des protagonistes feminines

), donc, rajoutant un peu dans le cote “brouillon” de la serie

et accessoirement, fesant (a l’epoque) sans doute un peu “tache” dans la programmation de la (tres) conservatrice NHK…
Cote realisation, la serie reste dans le niveau de la fin des annees 80s / debut des annees 90s, periode-charniere, ou après l’eclatement de la bulle speculative japonaise, l’animation (japonaise) est de plus en plus “outsourcee” a l’etranger (dans un premier temps la Coree (annees 90s), puis la Chine / Taiwan (jusqu’aux annees 2000s), et de nos jours…le Vietnam).
A noter, que paradoxalement, l’industrie connaitra une veritable “fuite en avant”, car produisant un nombre assez mirifique de series TV sur l’annee pendant cette meme decennie 90s.
Ceci, ajoute a l”enthousiasme” de la NHK (la serie reste a ce jour tres populaire et connue et d’ailleurs un film—jouissant d’une mauvaise reputation—assez meritee d’ailleurs—a ete realise dans la foulee; Fushigi no Umi no Nadia ; Gekijoban (1991) ), qui decida d’augmenter la commande (initiale) d’une vingtaine a…trente-neuf episodes, doublant ainsi la mise, et etranglant au passage les capacites de production de la societe d’animation. (Hideaki Anno d’ailleurs, ecrase par le travail, qui confiera la production d’une partie de la serie a un collegue de la Gainax pour se concentrer sur les cinq derniers episodes de la serie).
En resulta d’abord des errements narratifs dans la serie (le fameux chapitre “insulaire”), et des variations, parfois assez “violentes” dans la qualite du dessin, de l’animation, voire des deux, sans compter ses errements narratifs.
La rumeur publique affirmera d’ailleurs a ce titre, qu’a un moment, la Gainax se serait (au conditionnel!) rendue compte qu’elle ne savait plus qui (vraissemblablement entre le Japon et la Coree) controlait la production, portait la casquette de realisateur et prenait les decisions (scenario y compris…!!

)
Anno regrettra ainsi le “chapitre” insulaire, et livrera d’ailleurs son propre (re-)montage par la suite.
Pour tracer un parallele avec une serie aussi connue et au sujet similaire (une aventure dans le passé, mais mettant en presence d’une supra-science ou super-civilisation); Taiyo no Ko [ Child of the Sun: Esteban ] / Les Mysterieuses Cites d’Or (1982), serie egalement co-produite sous les auspices de la NHK.
TnKE est beaucoup plus equilibree au niveau du dessin et de l’animation, beaucoup plus “serre” au niveau narratif (aucun reel episode “inutile”) et trouve une voie “mediane”, permettant de s’adresser a un public large, allant des plus jeunes aux moins jeunes. FnUnN de son cote, joue souvent au “funambule” et peine a trouver l’equilibre en matiere de qualite d’animation, dillue souvent son propos dans des episodes aux tenants / aboutissants parfois TRES annexes a la serie et a sans doute (et non pas seulement selon les “episodes” dans la serie, mais parfois selon les “scenes” dans un meme episode) du mal a cerner son “public”.
En fait, FnUnN est sans doute une serie a l’egale de sa compagnie de production; ambitieuse & enthousiaste, jeune & decomplexee et (par moment)…incroyablement bordelique…
Ce qui pourrait facilement preter le flanc aux critiques (sport tres prise en matiere d’animation nipponne―en tous cas, a l’epoque de la diffusion originale sur La5), ne le fait pourtant pas, car justement, et comme un funambule, la serie parvient toujours a se rattraper, gardant en haleine le telespectateur, et continuant sans cesse de l’entrainer dans une aventure des plus vivifiantes, restant ainsi dans les memoires de ceux qui l’auront decouverte a la television a l’epoque, comme l’un de leurs plus beaux souvenirs…
Une serie a (re-)voir, a decouvrir ou a partager (quelques bemols quant aux plus jeunes spectateurs cependant). Et surtout; une serie a consommer sans moderation, aucune!
FnUnN: 4.75 / 5
En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.