
Tiré d'un poème épique de Ludovico Ariosto, Orlando furioso, qui est à l'Italie ce qu'est notre chanson de Roland ici, Le choix des seigneurs est un enchantement visuel de tout instant, Battiato s'étant surtout et avant tout attacher à illustrer la légende dans toute sa féerie et son irréalité d'où une quasi absence de scénario et de repères espace-temps qui pourra déranger certaines âmes chagrines.
Le fait est qu'ici cette absence n'est guère génante tant du début à la fin le spectateur est pris par la féerie des images et l'aura de mystère qu'elles dégagent.
Nous sommes au temps des Maures combattant les Chrétiens dans les terres sauvages chevauchées par des chevaliers en armures rutilantes. L'armure est ici plus qu'une protection, elle est symbolique et révélatrice des personnalités.
Elle est vivante, ne faisant qu'un avec celui qui l'habite si toutefois quelqu'un l'habite, l'invisibilité étant de mise. Elle est aussi l'une des plus terribles representations guerrières. Les heaumes sont de pures oeuvres d'art prenant l'apparence des visages qu'ils recouvrent: bestial, poétique ou feroce, superbes dans leurs moindre détails.
A cette rutilance métallique se marie l'esthétisme des images et la photogénie des décors et des impressionnants costumes.
Tourné dans les sublimes montagnes désertiques de l'Italie, I paladini baigne sans cesse dans ces nappes de brumes qui ne semblent jamais se dissiper donnant au film cet air d'irréalité au même titre que ces cieux semblant en feu sur lesquels se découpent les silhouettes, ces étendues verdoyantes ou ses cascades cristallines où on se bat férocement dans de superbes ralentis qui ajoutent encore plus au coté onirique du film.
Battiato a su recréer toute la force des grands combats, le tout prenant parfois des allures hallucinantes. Il a réussi avec peu de moyens et une équipe d'acteurs plutôt réduite- on se concentre ici sur quatre chevaliers- à retranscrire toute l'ambiance de la mythologie et des légendes.
Ceci est d'autant plus à saluer que Le choix des seigneurs est loin des grandes fresques à la Excalibur. Battiato par la simple suggestion d'une atmosphère quasi onirique chargée de beauté, de magie et de sang confère à son oeuvre toute la dimension et la force de ces grandes épopées. I paladini contient quelques scènes de batailles d'une violence brutale particulièrement sanglantes où têtes et membres sont tranchés et les corps transpercés.
A toute cette beauté s'ajoutent celle des comédiens car Le choix de seigneurs se doit d'être également vu comme une ode à la beauté. Ici, point de visages hirsutes et sale. Le scintillement des armures et l'esthetisme des décors n'a d'égal que le visage des chevaliers, perfection physique comme dans les contes de fées ce qu'est finalement I paladini, un conte de fée baroque.
Les chevaliers ont des visages d'ange au brushing impeccable et inaltérable que les ralentis subliminient lors des combats, une esthetique tres clippesque certes mais qui ici se marie parfaitement bien au film.
Derrière sa cruauté et la froideur de ses décors, I paladini donne pourtant à son film un coté chaleureux et fougueux. L'amour, ici véritable sortilège que vont affronter les quatre chevaliers, est le moteur du film.
La femme n'est plus ici une pauvre éplorée se lamentant dans son chateau mais elle est forte, vaillante, inacessible. Ici au nombre de trois, elles se font téméraires et passionées luttant avec ardeur et determination pour atteindre leurs objectifs et ce jusque dans la mort.
I paladini a le charme solaire de nos épopées medievales. C'est tout l'aspect aventureux et romantique des guerres mauresques qu'explore ici Battiato.
L'ultime touche de magie est apportée par la BO, lancinante et planante, nappes de synthés conférant au tout un incessant et étrange climat de rêve.
On peut regretter parfois un humour un peu décalé s'integrant assez mal à ce monde de magie enchanteresse et de fracas, un humour venant surtout des scènes où apparait Atlante, le sorcier farfadet, sorte de trublion peu crédible.
On retrouvera Barbara De Rossi et son fessier tout rond non avare de ses charmes, les yeux bleus océan de Tanya Roberts sous une immense perruque rousse.
A leurs cotés, rivalisent eux aussi en beauté, Leigh Mc Closkey sorti d'Inferno, le tenebreux Ron Moss et le blond Rick Edwards.




Le choix des seigneurs n'a aujourd'hui rien perdu de sa magie et demeure un film spectaculaire qui a mis en exergue le langage universel de l'image en y mélant la tradition d'un certain théatre populaire de marionettes. Les paladins, titre original du film, ne sont pas loin!!
Le chevalier corbeau!!