
"j'ai besoin de l'amour qui est dans ton sang"
Les histoires d'amour finissent mal mon Général. Tôt ou tard, les corps se séparent, que leurs propriétaires le veulent ou non. Quand la mort s'invite, toisant de sa haute stature les prétentieux convaincus de l'immortalité de l'amour qu'ils s'échangent telle une monnaie, il n'y a rien à dire. Mais quand la mort est convoquée par celui ou celle qu'on aime, il est légitime d'offrir à son bourreau, avant l'utime soupir, un regard débordant d'effroi. Pre coïtum crocodile triste.
Il ne faut pas trop en dire. La beauté de La sagesse des crocodiles est fragile, autant que peut l'être celle du séducteur dont on suit le déclin. On pense au remarquable film Les Prédateurs et à David Bowie. Il y a en effet chez Jude Law ce même angélisme juvénile, androgyne et éphémère qu'on peut au choix admirer ou jalouser. Un charme éclatant et inquiétant qui trouve un écho saisissant dans ce conte clair-obscur où le grand méchant loup n'est au fond qu'un petit chaperon rouge qui ne veut pas mourir. L'Adonis Steven Grslcz aide systématiquement son prochain mais il n'a parfois d'autre choix que de se nourrir de l'amour que celui-ci lui offre en retour. Ou pour être exact de l'amour contenu dans son sang. Question de survie. Quand l'amour s'en mêle, la mort chausse ses guêtres et la jeune femme rayonnante devient dans le regard de l'autre un repas salvateur. Mais le jour où le crocodile tombe sincèrement amoureux, il tombe avant tout dans les limbes.
Aux frontières du film de genre, du conte morbide, de l'histoire d'amour tragique et du drame aux ambitions auteurisantes, La sagesse des crocodiles navigue en eaux troubles et fait perdre pied au spectateur susceptible de se noyer dans des océans d'ambiguité, s'approchant ainsi dangereusement d'autres frontières, celles de l'aube.

Pour résumer : Pas mal ce film fantastique "réaliste".