Quelle déception ! Quelle énorme déception !
Aja aime le cinéma et ça se sent. Mais quand un type se relève après un coup de fusil en pleine face, je me demande s'il aime l'amateur de film d'horreur ! Grandiloquent, le film ne l'est pas tellement, c'est vrai. Feutré, il l'est, c'est sûr : on sent les nombreuses influences, notamment des traces de western tant dans la façon de filmer les décors désertiques que dans la composition musicale. Aja ne dénature pas le film de Craven pendant une heure. Sa patte intervient ensuite par une surenchère d'effets gore, saisissants oui, mais s'avérant inutiles... pour moi en tt cas. Le côté crasseux est respecté, le côté suintant aussi. Les acteurs sont meilleurs ici, par rapport à l'original qui, de toute façon, méritait un remake. Que dire si ce n'est que pour faire peur, Aja se trouve réduit à étaler le sang qui tache, à utiliser le répugnant comme seule alternative ? Voilà un procédé qui me désole, quand on sait qu'avec
Haute Tension (ça y est, la comparaison tombe déjà

), le réalisateur cultivait la peur avec sagesse : le gore n'était qu'un prétexte psychique... expliqué par la folie, rendant ainsi tout le sel à ce chef-d’œuvre.
Alors... pourquoi
La colline a des yeux ne fait-il pas peur ? Ce n'est sans doute pas à cause des personnages qui jouent tous justement. Ce n'est pas non plus à cause des animaux qui nous faisaient bien sourire dans l'original. Non, ici, l'approche de l'horreur est différente : des mecs consanguins qui n'étaient pas là au bon moment, s'en prennent à une famille américaine de base votant républicain haut le fusil. Est-ce donc pour cela que le film a eu du succès aux States ? On étale les clichés politiques comme du beurre : le démocrate est une tapette, la mère prie Dieu, et les Texans ont tjrs des couilles, même quand ils n'en ont plus (allez savoir). Une famille américaine type qui n'était pas là elle aussi au bon moment. Dans ce cas : survival. Ok, admettons. Survival, le film est un survival, faut pas chercher à comprendre 107 ans : on va jouer à "survit ou crève".
Mais là où
Calvaire foutait les pétoches, c'était lorsqu'on voyait l'excellent Berroyer qui croyait, mais qui croyait
vraimentque sa Gloria était là... Bref,
Calvaire, le survival qui cultivait une haute tension (bon, mea culpa) jusqu'au bout !
The Descent, le survival étouffant, claustrophobique, où on est face à l'inexplicable, à l'extraordinaire, halluciné par la maîtrise de Marshall concernant l'impact mental (une allégorie de la caverne revisitée ? J'suis cynique là, j'avoue). Ici, on est ni "dans" la colline, ni trop dans le désert, et on est face à l'explicable style Tchernobyl en suivant la déchéance d'une p'tite famille où le gendre craque... pas comme on l'aurait voulu. Crédible le gendre ? Assurément. Pourtant, quelque chose cloche. Votre femme crève, votre bébé est enlevé : comment réagir ? J'en sais rien en fait. Est-ce qu'on pleure, est-ce qu'on crie ? Le film nous donne la réponse ; mais pas la bonne à mon avis. Peut-être pour cela que la sauce ne prend plus et qu'on a du mal à avaler. On connaît. On a déjà vu un
Massacre à la tronçonneuse avec ses dégénérés dans la crasse, on a déjà vu un
Halloween où le Mal avait du style. Alors, là, on a du mal à tolérer peut-être. Dure dure, la vie des remakes. Dans
La colline a des yeux, il faut bien comprendre que le survival s'accommode d'un scénario, déjà simpliste (de toute façon, on s'en tape un peu le coquillard, on a dit que c'était un survival !), mais que sa démarche devant la peur est aussi rocailleuse que ses montagnes désertiques. On sent qu'Aja ne souhaite pas filmer la peur en sombrant dans la facilité, malgré les hésitations du début : PAF ! un chien qui gueule, on change de plan, et PAF ! Musique stridente et le spectateur respire à nouveau. C'est peut-être pour cette raison que, ne voulant pas (je l'espère !) que son film fasse peur, il aurait voulu s'orienter vers une sorte de survival-western délirant de chaleur et qui s'enfermerait peu à peu dans le poisseux, le gore, le gore et encore le gore. Hélas, si les effets sont à saluer, si les amateurs de la bonne époque pourront trouver le procédé exaltant, force est de constater qu'ils n'ont guère d'impact... dans le cheminement de l'histoire aussi. Un bébé est kidnappé, on se demande vraiment pourquoi. Parce qu'il est je cite "bien gras" ? Dans ce cas, faudra qu'on m'explique pourquoi on bouffe de la viande de républicain (dont les prières ne sont visiblement pas exaucées, tiens tiens : Dieu serait-il démocrate ?) à l'instinct. Tout d'un coup, nos amis les attardés ont décidé de piquer le bébé comme des mexicos pour donner de la consistance au scénario. Ce n'est pas de la faute d'Aja. Il a déjà surpassé pour des millénaires le petit film de Craven qui porte décidément trop bien son nom. Parce qu'Aja maîtrise totalement sa réalisation, nous gratifiant d'une photographie impeccable, et qu'il introduit une certaine épaisseur à une intrigue banale. Alors, pitié, fais-nous un film avec un scénario potable, bien sûr, on ne refuse pas un Craven, même quand c'est un film médiocre, mais surtout, Alexandre, la prochaine fois : fais-nous
peur !
9/20