Dans le royaume d'Europe centrale du Montblanco, le beau prince Danilo s'éprend d'une danseuse venue des Etats Unis. Mais celle-ci est aussi convoitée par des personnages moins ragoutants, comme le richissime baron Sajoda ou le prince héritier Mirko...
Après "Les rapaces", sorti largement mutilé, Erich Von Stroheim réalise son second film pour la MGM, "La veuve joyeuse", a priori sur un sujet léger. Cela aurait dû limité les excentricités de l'acteur-réalisateur, lesquelles terrifiaient les dirigeants de cette compagnie, et en particulier Irving Thalberg qui sera toujours vu comme l'adversaire de Von Stroheim, un de ceux qui parviendra à couler sa carrière brillante à la fin des années 20. Parmi les longs métrages hollywoodiens de Von Stroheim, "La veuve joyeuse" est un de ceux qui a apparemment connu le moins de casse. Von Stroheim a pu rester jusqu'à la fin du tournage et proposer son propre montage au public, ce qui n'était pas le cas pour les autres titres de cette période : "Folies de femmes", "Les rapaces", "La symphonie nuptiale" ou "Queen Kelly" seront largement remontés dans son dos !
Dès les premières images, pas de doute, nous sommes bien chez Von Stroheim. Si nous devrions nous retrouver dans une principauté d'opérette, en pleine europe centrale, tout ici respire un luxe insensé et une corruption intense. Milliardaire fétichiste et monstrueux, prince héritier aussi taré que méchant... Ce freak show se vautre alors dans toutes les perversions possibles et imaginables, la décadence la plus totale, parfois par désespoir, parfois par vice pur et simple !
Nous sommes clairement dans l'hollywood pré-code Hays, et ici, toutes les situations scabreuses, tous les sens-entendus fumeux sont permis pour cette grande fresque, ce mélo où s'entremêle érotisme et mélodrame. La mise en scène et le travail artistique baignent dans une luxe insensé, tandis que le récit révèle une intelligence très adulte. Le sens du drame et de l'image forte, le gout du décor extravagant, l'intensité des acteurs dont certains ont des visages absolument halllucinants, tout cela fait de "La veuve joyeuse" un très grand film, intense, très libre dans son propos. J'avoue que je le préfère même aux "Rapaces" (qui m'avait déçu) ou "Folies de femmes", pourtant plus réputés, mais qui ont quand même été très abimés et me paraissent moins cohérents et captivants...
Pas de DVD pour l'instant, ce qui est quand même scandaleux. Il est passé ce dimanche dans une belle restauration, au cinéma de minuit de France 3. Encore merci, monsieur Brion !