
Is-Slottet / Ice palace: Moi Siss, 12 ans, ait fait l'amour à ma meilleure amie.
C'est de Norvège que nous vient Is-slottet dont le scénario une fois de plus traite d'amours nubiles, une relation amoureuse entre deux fillettes de douze ans quelque part dans un village de montagne au coeur de la Norvège des années 40.
Si La maladolescenza de Pier G. Mulargia traitait de l'éveil des sens et de la sexualité entre enfant et adolescent, Is-slottet s'attache cette fois à une relation homosexuelle entre deux petites filles, l'une étant irresistiblement attirée par l'autre.
Si jadis Mulargia caressait impudique la nudité de ses enfants, se laissant aller à quelques belles scénes d'urophilie et d'humiliations, ouvrant la porte à tous les scandales par le biais d'Eva Ionesco qui du haut de ses 11 ans s'offrait un cuni avant de chevaucher allegrement le divin Martin Loeb, Per Blom joue plutot la carte de la pudeur.
Si on excepte l'ouverture du film où Siss et Unn, les deux fillettes, se déshabillent, contemplent avec timidité et crainte leurs corps nus que la caméra nous dévoile quant à elle sans timidité aucune, dévoilant leur poitrine naissante, la main de Siss s'approchant craintivement du sexe d'Unn, Is-slottet s'attache plus sur le refoulement, les questions et la peur de ces sentiments coupables qu'on n'ose avouer et s'avouer à cet âge. De ces craintes nait alors une profonde émotion, une séquence supposée choquante pouvant alors émouvoir.
Per Blom délivre un film sur l'enfance et l'innocence ébranlée par l'éveil des sens, plein d'allégories et de symboles, de questions existentielles dictées par la religion et l'éducation. Les portes du Paradis s'ouvriront elles à Siss malgré ses désirs coupables et interdits?
Outre une scéne de bain où un fois encore Blom s'attarde sur le corps d'Unn, il n'y aura plus de nudité par la suite.
Is-slottet se transforme alors en une sorte de conte, une féerie polaire presque irréelle au pays du Père Noël, un enchantement de tout instant qui deviendrait presque fascinant.
Aux étendues champêtres et verdoyantes de La maladolescenza repondent ici les étendues enneigés et glaciales du Pole, ses forêts et cavernes de glace, ses petits chalets perdus au milieu de ces déserts blancs où virevoltent les flocons de neige quand le soleil de glace ne se reflète pas en milles étoiles de cristal sur ces landes immaculées.
A la férocité sexuelle gloutonne des enfants de Mulargia répond ici l'introversion des sentiments et de sa sexualité, Siss et Unn ont peur, une peur qui les fait souffrir. Les larmes roulent en silence, secretement, seules le soir au fond leur lit, telles ces rivières qui se creusent sous la glace à la veille du printemps tout proche, comme celle qui se forme autour des coeurs toute prêtes à fondre et laissait jaillir l'amour.
Et c'est le drame. Incapable de surmonter cette peur et de briser la glace malgré la chaleur de leurs sentiments, Siss s'enfuit, s'égarant dans ces infinies plaines blanches avant de tomber au fond d'une grotte de glace.
Is-slottet se transforme alors en une véritable féerie, caressant les limites du rêve.
La fillette erre dans ces labyrinthes de cristal etincelant de bleu et de blanc tel un palais de verre où chaque nouvelle ouverture semble déboucher sur un autre monde, un monde où apparaitrait Unn dont elle ne cesse de murmurer le nom, pensant la voir se materialiser tel un ange.
Blom filme ces instants avec une telle intensité qu'il parvient à nous communiquer les peurs et délires de Siss, son amie semblant nous apparaitre au coin de notre téléviseur, ses murmures nous emplissant l'esprit, étrange sensation quasi hypnotique.
Ice palace caresse les limites du fantastique, franchit les limites de l'onirisme, devient presque aussi magique qu'une aurore boréale. Siss n'a t'elle pas trouvé ce Paradis qu'elle pensait lui être interdit?
Le froid intense, la douleur d'un coeur qui saigne l'épuisement auront raison de Siss qui s'effondrera dans une flaque d'eau la transformant lentement en poupée de verre, le sourire figée comme heureuse dans cet Eden de glace.
Les recherches resteront vaines et ne restera que la douleur de Unn hantée par le souvenir de son amie et le remord d'avoir refusé de se donner à elle.
C'est pour elle le début de la pire des souffrances, celle causée par ce remord, celle d'un amour perdu à jamais qui n'aura pu s'éclore, celle peut être aussi de s'être tu volontairement afin qu'on ne retrouve pas le corps, échappant ainsi à ce dont on ne peut faire face. N'est ce pas la fillette qui retrouvera sans peine le cadavre figé dans la glace, petit visage fixant l'Eternité derrière son cercueil de cristal...
Rarement avait on atteint un tel degré d'émotion dans un film à l'aura de départ si sulfureuse, d'autant plus remarquable qu'il n'y a presqu'aucun dialogue.
Tout passe par les regards, les silences et le jeu parfait et si naturel des deux fillettes, véritables petits lutins polaires au nez rougi, aidé par la féerie des paysages norvégiens, véritables petites cartes de Noël tandis que la musique buccolique de La maladolescenza laisse place aux violons tragiques et aux symphonies hivernales.
Is-slottet est un exemple de parfaite réussite dans un genre cinématographique difficile et pas forcément accessible, un incontestable petit chef d'oeuvre du cinéma norvégien passé outre l'indécence et l'audace du propos qui parvient ici à quasiment épouser le fantastqiue.
Per Blom a su éviter les écueils de la facilité et de l'obscéne d'une histoire qui pouvait s'y preter en nous offrant une oeuvre allégorique tout en pudeur d'une intensité emotionelle étonnante. Voilà ce qui differencie Blom de ses confrères italiens... Hmm Dommage pour Eric


Le corbeau qui adore sucer des glaces!
