Sonate d'automne - Ingmar Bergman (1978)

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Superwonderscope
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Sonate d'automne - Ingmar Bergman (1978)

Message par Superwonderscope »

Revu sur un enregistrement lors de la diffusion du 11/10/1996 de Ciné Cinémas. VOst . 1.85:1. 1H29. (avec le logo CIC d'époque au début du générique!)

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Charlotte (Ingrid Bergman) est une pianiste célèbre qui parcourt le monde. A la mort de son ami, elle est invitée par sa fille Eva(Liv Ullman) à venir se reposer dans sa maison, un presbytère où elle habite avec son époux(Halvar Bjork), et garde sa soeur malade. Elles ne se sont pas vues depuis 7 ans. L'excitation des retrouvailles va se muer en règlement de compte.

Pour qui connait Bergman, on est en terrain connu. Même avec ce point fait, je suis resté assez impressionné par le film, porté à bout de bras par les deux interprètes, au sommet de leur art. Le seul protagoniste masculin au role parlant est le mari d'Eva, parlant audébut face à la caméra, comme pour annoncer le drame, avant de s'éclipser de la narration. Les autres acteurs (Erland Jepherson, Gunnar Bjornstrand) ont eux aussi des rôles muets.

Une mise en scène d'une richesse infinie. Précise, cadrée, aux plans fixes transfigurés par une photo automnale de Sven Nikvist absolument remarquable.

Un jeu sur les flash backs non pas pour expliquer certains dialogues, mais de jouer avec la passé comme moteur du récit. Des fondus enchainés qui ont un rôle narratif, et non pas le simple fait de passer d'une scène à l'autre. Des plans à priori simples, mais à la composition d'une rigueur qui force le respect. Des deux côtés de l'écran : des portes ouvertes/fermés, qui donnent usur une pièce illuminée de manière jaune/orangée. Une table, ou un canapé, une fenêtre au fond et des persoannges cote à cote/face à face. Des jeux de lumières comme pour éclairer le discours de chacun des protagonistes.

Des scènes parfois insupportables. Comme celui où la mère et la fille se jettent leur haine à la figure. Liv Ullman, à la voix qui se casse à force de cracher sa haine enfouie, le visage empourpré de douleur et de colère, vomissant des reproches d'une dureté implacable "tu es une invalide du sentiment". Une Ingrid Bergman au visage ravagé par l'incompréhension, la douleur. Cette scène frise l'apoplexie. Et pouyrtant, pas d'effet de manche, pas de cadrage inutile. Une direction d'acteurs au millimètre et une caméra face au destin qui se tisse, sans fiorirture. Le métier et la génie d'un cinéaste.

Puis encore Lena, la soeur malade, que l'on devine avec une atrophie mmusculaire entrainant la paralysie. Sa voix que personne ne comprend -hormis sa soeur-, avec son impossibilité d'articuler. Sa sortie de lit et son corps se contortionnant à terre. Une mère qui a refusé de s'en occuper, et que l'on sent être responsable de son état. Un enfant mort trop tôt... tout ces non-dits qui ressurgissent de manière inattendue, que le spectateur reçoit en pleine figure.

Des relations familiales passées au peigne fin et surtout, d'une richesse insoupçonnée. Notamment lors de la montée en puissance de cet affrontement, par petites touches quasi impressionistes. Un reproche masqué, des souvenirs qui reviennent par fragments.

La grande réussite est de rendre non seulement Eva comme une victime d'errements maternels, mais de ne pas montrer Charlotte comme un monstre d'insensibilité. Bergman va au delà de ce simple décryptage. La confusion des sentiments règne en maître.

La photographie aux teintes chaudes tente de venir en contrepoint d'une froideur de la description des sentiments qui fusent. D'une évolution implacable du relationnel et de la solitude que cela engendre. Un côté immuable de la haine, si proche de l'amour. Une incommunicabilité que la peur de l'autre et que des attentes trop fortes engendrent.

La projection s'est achevée, comme à l'habitude chez Bergman, de manière brutale. Sans solution, où chacun retourne à son quotidien, les blessures plus ouvertes.

J'ai eu le sentiment d'assister à un grand film, qui m'apprend plus qu'ailleurs que le cinéma est un tout (technique, narration, direction d 'acteur) malléable à merci, à géométrie variable, qui ne sert que lorsqu'on veut bien s'en donner la peine. Qui n'a pas besoin d'effets gratuits pour toucher son but. Et qui n'a pas peur de rendre le spectateur incomfortable à sa vision.

Mais bon, rien ne sert de gloser sur Bergman, beaucoup a déjà été écrit et beaucoup le sera encore, beaucoup mieux que je ne puis le faire!
Oh really? Well then I'm sure you wouldn't mind giving us a detailed account of exactly how you concocted this miracle glue, would you ?
Manolito
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Sonate d'automne - 1978 - Ingmar Bergman

Message par Manolito »

Titre suédois : Höstsonaten

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Une pianiste virtuose vieillissante vient passer quelques temps chez sa fille, avec laquelle elle n'a plus de contact depuis des années...

Après sa grosse production Dino De Laurentiis "L'oeuf du serpent", Ingmar Bergman, alors en délicatesse avec le fisc suédois, se rend en Norvège pour tourner "Sonate d'automne". Le monstre sacré de la mise en scène scandinave y fait tourner un autre monstre sacrée : l'actrice Ingrid Bergman dont ce sera le dernier film. Elle incarne une musicienne égocentrique dévoré par son art et sa passion, incapable d'aimer sa famille normalement. Elle en paie le prix dans un affrontement à couteaux tirés avec sa fille interprétée par Liv Ullmann.

Bergman signe alors un bon film, imparfait par certains côtés (des banalités et des naïvetés se baladent dans les dialogues ; Liv Ullmann cède à la tentation de l'hystérie, un travers pourtant souvent évité par Bergman), mais avec aussi ses forces, en particulier une interprétation en tous points magistrale d'Ingrid Bergman. Pas le plus inévitable des Bergman, mais un bon titre dans sa filmographie.

Vu au 3 Luxembourg où il repasse cet été dans un cycle sur le cinéma scandinave (en numérique).

Dispo en dvd et bluray français chez studiocanal.

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