Gallipoli - Peter Weir (1981)

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Art Core
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Gallipoli - Peter Weir (1981)

Message par Art Core »

SPOILERS DANS LA REVIEW


Je viens de découvrir le film de "guerre" de Peter Weir qui raconte l'histoire des soldats australiens volontaires qui, en 1915, ont affrontés les Turques à Gallipoli dans une bataille qui se révélera une véritable hécatombe pour les soldats australiens et néo-zélandais à cause d'inégalités des forces en question et d'un commandement aberrant.

Cependant le film ne narre cette fameuse histoire de la bataille de Gallipoli que sur son dernier tiers et même pour ce qui est de la bataille à proprement parlé que sur les dix dernières minutes. Donc pour les spectateurs à la recherche de hauts faits d'armes et d'actes héroïques, passez votre chemin mais si par contre une profonde amitié entre deux jeunes athlètes australiens (Mel Gibson, qui enchaïne le film juste après le succés du premier Mad Max et Mar Lee, comédien qui par contre n'a jamais retrouvé le succés et qui est tombé dans les des productions TV et vidéo) qui s'engagent dans l'armée et qui affrontent ensemble l'armée et la guerre le film est pour vous. Donc ce n'est pas un film de guerre dans le sens strict du terme mais plus un film d'aventures et de voyage initiatique comme aime le définir Weir. Les héros traversent les lacs salés et les deserts d'Australie puis partent d'entraîner au Caire et finissent leur voyage en Turquie au seuil de la guerre.

Peter Weir, un cinéaste que j'aime particulièrement, adopte une mise en scène classieuse et qui arrive à inscrire sur pellicule des scènes qui marquent longuement la rétine. Cette scène sous-marine, par exemple, où les jeunes soldats, nus (scène qui valut au film un statut d'oeuvre gay), nagent dans les eaux turquoises de l'océan alors que des balles et des morceaux d'obus tombent tout autour d'eux. Et cette autre scène qui m'a rappelé Edgar Allan Poe où les jeunes soldats avancent de nuit sur des petites barques dans une brume épaisse vers le bateau qui les aménera en Turquie sur l'Adagio en G d'Albinoni (une musique à tomber par terre de beauté et de tristesse) . Dans ces scènes (et d'autres encore, ou seulement des moments sporadiques, des plans) Weir atteint clairement au sublime. Sublime accentué par une scène de fin tétanisante (aidé par un montage parallèle très vif) et surtout un dernier plan magnifiquement sinistre d'une brutalité à pleurer. Ce dernier plan reprend La Célèbre photo de Henri-Cartier Bresson, Mort d'un Soldat Républicain qui montre un soldat en chemise blanche touché par une balle et figé dans l'instant même de sa mort (photo dont, pour la petite histoire, la véracité est aujourd'hui contesté). Ailleurs le film se fait classieux et simplement beau. Toutefois on note quelques fautes de goût comme ce gimmick de secouer la caméra pour faire croire à une explosion (à l'aide du son) qui très honnêtement ne fonctionne pas très bien ou l'utilisation plus que discutable de Jean-Michel Jarre dans la bande sonore dont les synthétiseurs, censés probablement moderniser le film, ont plutôt mal vieillis. Ces quelques reserves mises à part, Peter Weir livre un travail exceptionnel.

Là où le film m'a un peu déçu c'est au niveau de la narration et du rythme. Le film est assez court (110 minutes) et l'on se prend à rêver (une fois n'est pas coutume) à un film plus long, qui prend plus le temps de s'installer, de développer la relation entre les deux hommes. On ressort du film un peu frustré d'avoir assisté à des scènes plutôt dispensables (l'errance des jeunes soldats au Caire entre les marchés et les prostituées qui bien évidemment reflètent le désir de Weir de parler du simple soldat et de sa vie quotidienne en garnison) alors qu'on aurait aimé plus de choses à côté de ça. Et la fin qui est on ne peut plus juste et forte (la mort de Lee, le hurlement de Gibson) est d'une sécheresse et d'une brieveté à l'image du film. A l'image d'une jeunesse brûlée par la guerre, dont le séjour parmi les vivants a été trop rapide et frustrant. Je crois qu'alors que ce qui m'a gêné dans le film est tout à fait voulu par le cinéaste et n'est qu'un effet rétro-actif de son discours. Le film est à revoir certainement pour mieux en saisir l'essence et les palpations de la vie et de la jeunesse qui crépitent à l'écran.

Bien que ce ne soit pas un film de guerre, Gallipoli est un très grand film sur la guerre qui laisse sans voix, les yeux ouverts, rougis, cramés par ce qui n'aurait jamais dû exister. Un grand film, définitivement.
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Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

Film diffusé il y a 2-3 ans sur CinéFaz (à l'époque) et bien sûr je l'ai loupé!
Haribo
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Message par Haribo »

Bienvenue Mr Almendros, j'adorais votre travail.
Pour le film de Weir, il existe un dvd Z2 édité par Paramount.
Très belle oeuvre, dramatiquement très chargée avec quelques écarts stylistiques intéressants. Je ne suis pas trop fan par contre de l'utilisation un peu trop facile qui est faite de l'Adagio d'Albino, mais la beauté du geste est là.
XX
Manolito
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Message par Manolito »

Une nouvelle édition spéciale se prépare en zone 1, laquelle proposera un nouveau "making of" en 6 parties (les précédentes éditions proposaient seulement une interview de Peter Weir). Sinon, les specs techniques sont globalement les mêmes :

http://www.dvdanswers.com/index.php?r=0 ... &n=1&burl=
Maxcrom
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Message par Maxcrom »

Belle oeuvre de Peter Weir, mais pas transendental tout même. Evocation à la fois poétique et réaliste d'une bataille charniére dans l'histoire de l'Australie vu au travers de 2 persos. La mise en scéne est superbe , Weir ouvre son scope sur les grands espaces désertiques, mais n'ouble jamais ses persos en route.Par contre le rythme est un poil trop lancinant et il faut bien 50 minutes pour que se profile les plus gros enjeux de l'histoire. Ca sens un peu trop le film "A messages" aussi, qui se cherche une légitimité "oscarisable".Sinon, la musique est indigeste, genre à la Vangelis mal digérée. Voilà, un film classieux, un peu mou dans l'aventure qui force tout de même l'admiration de par sa belle mise en scéne.
rusty james
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Message par rusty james »

Marrant ils en parlaient tout à l'heure... on sait que çà a été une vrai boucherie mais on a en fait très peu de détails concrets sur cette bataille... hors un film documentaire d'époque vient d'être retrouvé. Du pain béni pour les historiens !
Voilà c'était la minutes indispensable de Mr rusty james :arrow:
peter wonkley
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Message par peter wonkley »

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Manolito
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Gallipoli - 1981 - Peter Weir

Message par Manolito »

En 1915, au cours de la première guerre mondiale, deux jeunes australiens s'engagent volontairement dans l'armée du commonwealth. Il sont envoyés en Turquie où l'armée britannique tente de se frayer un chemin jusqu'à Istanbul...

Avec "Gallipoli", l'australien Peter Weir tourne le dos au genre fantastique sur lequel il avait jusqu'alors construit sa carrière. Il s'agit d'un film de guerre, d'une fresque historique revenant sur l'engagement australien, par le jeu démoniaque des alliances internationales, dans un premier conflit mondial aux origines nébuleuses.

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"Gallipoli" est clairement découpé en trois parties. La première suit l'existence de deux jeunes australiens en 1915 : leurs trajets, leurs destins, la vision de leur futur, leurs rapports ambigue à leur "patrie", l'australie, et avec la grande bretagne. S'il ne s'agit pas du segment le plus spectaculaire de "Gallipoli", il en est pourtant le plus intéressant et les plus original, offrant un regard assez inédit sur l'histoire de l'australie et la première guerre mondiale.

La seconde partie nous montre l'entrainement des soldats australien en égypte. On est alors dans une ambiance "drôle de guerre", où les jeunes soldats vivent dans l'insouciance, dans un monde où la guerre - dont on leur parle tant et qu'on leur apprend à faire - n'a pas encore montré son visage.

Enfin, la dernière partie nous montre la vie sur le front ensoleillé de Gallipoli. S'il s'agit de la partie la plus explosive du métrage, c'est aussi, quelque part, la plus classique. Nous ne verrons pas ici autre chose que ce que nous avons déjà vu dans d'autres films du même style. "Gallipoli" est un film fort, solide, mais c'est aussi un film assez académique dans la forme. On retrouve le regard doux et feutré de Peter Weir, mais on le sent un peu corseté par ce projet de grande envergure. Un bon film de guerre, certes, mais pas un des meilleurs Peter Weir...

Vu sur le dvd belge qu'on trouve à prix très raisonnable et propose l'équivalent de l'édition spéciale américaine (image restaurée, mais pas parfaite ; bon mixage 5.1 ; et making of récent en 6 parties). A noter une utilisation dans la BO de thèmes extraits de l'album "Oxygène" de Jean-Michel Jarre qui font un effet un peu... :shock: )8
Haribo
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Re: Gallipoli - 1981 - Peter Weir

Message par Haribo »

A la limite j'ai plus été gêné par Albinoni que par Jean-Michel Jarre, ce qui n'est pas rien.
La locomotive de ce film bien écrit, très classique, cela reste tout de même Mel Gibson, juste parfait içi.
Un très beau film sur la jeunesse naïve envoyée à la grande broyeuse, ce n'est pas nouveau dans le discours même si le sujet lui-même n'a pas été surtraité, mais c'est suffisamment élégamment mis en scène pour retenir l'attention. Un film plein de désespérance et de ressentiment, dont la dernière image reste gravée.
Julien Davenne
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Re: Gallipoli - 1981 - Peter Weir

Message par Julien Davenne »

Oui, Weir va plutôt se tourner vers le père Jarre par la suite, heureusement je dirais...
Le film m'a quelque peu déçu mais j'en attendais peut-être trop. Le sentiment de voir une grosse production inscrivant une page très importante de la jeune histoire du peuple australien, ce qui bride la capacité créative à l'œuvre dans les films précédents du réalisateur. Le film semble chercher à être à la fois une grande œuvre épique et mémorielle, sorte d'évènement national, tout en conservant l'esprit critique et très libre de la nouvelle vague de ce cinéma dans les seventies. L'équilibre est parfois limite du coup. On enfile des personnages secondaires assez clichés et une série de péripéties parfois assez artificielles, où la forme a du mal à se trouver (académisme pas loin pour dire un gros mot). Il n'en reste pas moins que les deux acteurs principaux sont très bons et que l'idée de la course à pied comme "petite lorgnette" est bien vue en soit, donnant lieu d'ailleurs à un final d'anthologie qui prend à la gorge.
Machet
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Re: Gallipoli - 1981 - Peter Weir

Message par Machet »

Vous avez déjà dit beaucoup de choses.
Bien aimé pour ma part. Il y a des moments un peu en suspend, mais ça redémarre rapidement derrière.
Le début et l'histoire autour de la course à pied sont assez originales en effet, et rendent la fin d'autant plus dramatique et saisissante. J'imagine que le film fait plus "riche" qu'il ne l'est réellement, Weir semble avoir su tirer profit des décors et des figurants pour hisser son film, le rendre plus vaste encore.
La musique (et son utilisation) est étonnante, remet le film dans son époque, et participe à l'aspect original, même si pas forcément évidente. Au générique on note que Brian May a participé à la musique additionnelle.
Bref, belle découverte, Weir a le sens du grand cinéma, et une ambition débordante, qu'il saura davantage mettre à profit par la suite. Enfin Mel Gibson est charismatique au possible.
Il y a un p'tit détail qui me chiffonne
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