Directeur d’une entreprise de couture, Geremia (Giacomo Rizzo) parvient à s’enrichir parallèlement en exerçant la détestable profession d’usurier. Pourvu des caractéristiques que l’Occident octroie généralement au personnage - saleté, perfidie, médiocrité et perversité - l’ignoble bonhomme partage son temps entre le “nettoyage” d’une maman grabataire et les remarques, voire même menaces, fielleuses qui agrémentent les rendez-vous d’affaire. La perspective de gagner une forte somme d’argent doublée d’une rencontre sentimentale semblent modifier le cours des choses.
Tout à la fois apparenté au cinéma “classique” (Ettore Scola, “Affreux, sales et méchants”) ainsi qu’aux oeuvres plus “expérimentales” (Gus Van Sant; Lars Von Triers), “L’Ami de la famille” s’avère fort original. Souvent très efficaces, l’ironie corrosive et le comique de situation se trouvent contrebalancés par le formalisme strict d’une mise en scène ici chargée de refléter l’inhumanité du monde. Ce dernier accuse d’ailleurs une froideur presque irréelle. Ville et résidence quasi désertes traversées de temps à autres par un gamin à bicyclette, deux femmes à la démarche militaire (...) et bien entendu par notre vieillard toujours courbé, caractérisent un univers urbain qui fait parfois penser aux anonymes banlieues américaines dépeintes dans les métrages estampillés Sundance. À cela s’ajoute l’antagonisme symbolique entre les vastes mouvements de caméra (fluidité: plans larges) et l’étroitesse réelle, si ce n’est éthique, définissant le quotidien de Geremia. Au-delà de partis pris formels peut-être opportunistes, Sorrentino nous livre une réflexion sincère sur la vieillesse; ses rêves, aspirations, désirs, fantasmes, désillusions; en bref son indéniable, irrémédiable et effrayante solitude.
À découvrir cette semaine au cinéma
