
Constatons d’abord la récurrence tant littéraire que cinématographique d’un motif quasi obsessionnel: l’Absence du Père, celle qui dès l’Antiquité (“L’Odyssée”) ne cesse de générer fantasmes, tristesses et craintes afin de susciter chez maintes rejetons l’envie de retrouver un géniteur, figure emblématique des Origines.
Moins enclins à se lancer dans l’aventure (les exceptions telles “La Secte sans nom” et “Abandonnée” confirment la règle), les garçonnets et petites filles de l’Épouvante tendent au contraire à consacrer une disparition perçue comme nécessaire à la “mythique” fusion Mère/Enfant. Éjecté dans les méandres d’un monde parallèle (“Silent Hill”) ou d’une mémoire fort lacunaire (“Baby Blood”), les pères s’effacent devant l’extrême violence d’une passion qui, bien souvent, s’avère destructrice (“Psychose”, “Le Cercle infernal”). Réelle ou fantasmée (de multiples veufs appréhendent spontanément la perte des êtres aimés comme “Une” - “The Changeling”; “Obsession”), cette assimilation des femmes à leur progéniture singularise l’évanescente présence d’un “étalon” dorénavant considéré comme l’Étranger. Victime de ces terribles petits Oedipes, le père s’accommodera plus ou moins bien de la situation. Rendre la pareille (dans “Rosmary’s baby”, Guy tente symboliquement de se débarrasser du môme) ou s’éclipser (attitude la plus courante: “La Mauvaise graine”, “Carrie”, “L’Exorciste”, “L’Échine du Diable”, “Les Griffes de la nuit”...), l’homme ne peut même pas bénéficier des conséquences a priori valorisantes induites par l’injustice de l’éviction originelle. De martyre biologique, notre malheureux protagoniste devient Bourreau, voire “Père fouettard” (“Shining”, “La Sentinelle des maudits”, père adoptive du “Labyrinthe de Pan”, “La Secte sans nom”). Dur, Dur... Et pourtant, messieurs, pourtant, vos homologues sur pellicule restent pour moi les personnages les plus intéressants et émouvants du genre. Donner la vie sans être capable de la porter; voilà une damnation qui certainement explique la magnifique conclusion de “La Malédiction”. Comme Rosmary, le papa ne peut ici se décider à accomplir l’infanticide qu’il sait pourtant être juste. Toujours irrationnel, l’amour (certes conjugué à la censure des producteurs) prime sur la raison, quitte à lui sacrifier sa vie (chose que Rosemary ne fait pas). Instinct maternel vs Amour paternel; ma sensibilité me porte à estimer peut-être davantage le deuxième terme, celui à l’origine de deux sublimes oeuvres du genre: “Ne vous retournez pas” et “The Changeling”.