Ah bah mais pourquoi je n'ai pas vu ça plutôt...
Bravo Eric pour ce Top à l'un de mes groupes les plus fétiches.
Pour ma part l'histoire commence en 1984...
Si des fans des Smiths venaient à la maison je pourrais les faire pleurer vu le nombres de vinyles, CD, flexis, vidéos... Bref...
Permets moi d'apporter quelques précisions zet rectifications.
La première : C'est Steven Patrick Morrissey (et non pas l'inverse Ian Vega

C'est en tous cas Steven Morrissey qui est retenu par l'intéressé)
eric draven a écrit :se caracterisant par des titres courts n'excédant que rarement les 3 minutes.
Disons plutôt que les singles Smithiens retrouvaient effectivement l'idée de ce que doit être un single pop. Rapide, efficace, catchy, rapide. Du coup oui, entre « William It Was Really Nothing » (02'09), et « Shakespeare's Siste »r (02'08 ) jusqu'au paroxysme « Please PLease Please Let Me Get What I Want » (dont le titre est plus long à lire qu’à écouter (01'50)), les singles (Please etc.. n'en est pas un mais bon) furent souvent brefs et concis.
Mais les morceaux des Smiths qui dépassent allègrement les 3 minutes sont légion et même largement plus nombreux. Des exemples ? "Reel Around The Fountain" (05'56), "How Soon is Now" (06'46), voir même "Barbarism Begins At Home" (6'57), on est loin des moins de trois minutes.
D'ailleurs sur le premier album, seule une chanson sur les 11 fait moins de 3 minutes, les autres allant jusqu'aux 05'56 de Reel Around The Fountain.
C'est a peu près pareil sur tous les albums. C'est du pinaillage, je sais, mais bon...
eric draven a écrit :Le groupe sort alors son 1er single HAND IN GLOVE, traitant de l'homosexualité. Le sujet épineux en fait vite un succés dans les milieux underground anglais.
En fait Hand In Glove ne traite pas directement en ses termes de l'homosexualité. C'est la grande force de l'écriture de Morrissey, la faculté qu'il a à être suffisamment lucide et lettré pour que ses paroles soient très compréhensibles sans jamais être didactiques et donc appropriables par tous.
« Hand In Glove » parle d'un amour atypique, de quelqu'un qui se promène au bras de quelque chose avec qui il n'est pas supposé être. Rien ne laisse entendre que c'est un homme. Ca pourrait aussi bien être une naine, un enfant (sujet délicat auquel Morrissey s'est parfois frotté), un pingouin. C’est un morceau sur la différence, un « fuck you » adressé au conformisme. Ca s’adresse à tous les ados de la terre quoi…
Mais en jouant sur l'expression "hand in glove", qui ne signifie rien d'autre que sa traduction française de "ça me va comme un gant" mais qui est aussi assimilable à des pratiques SM gay, il crée l'ambiguïté voulue. Même la phrase "So stay on my arms, you little charmer" est vicelarde. Car même si c'est improbable dans la vie de tous les jours, on pourrait grammaticalement qualifier une nana de "charmer".
"Handsome Devil", la face B de "Hand In Glove", enfonce par contre beaucoup plus le clou. On est cette fois à première vue dans le thème homosexuel, parce que même si « devil » peut être féminin, et que « mammary glands » s’y rapporte aussi dans l’inconscient, « handsome » est totalement masculin. Et pour couronner l’ambiguité, Steven Patrick nous assène un « I crack the whip, and you skip, but you deserve it, you deserve it, deserve it, deserve it” Sadien en diable assortit d’un « And when we're in your scholarly room, who will swallow whom ? You handsome devil” alors que bien sur dans le cas présent, “swallow” ne veut pas forcément dire ce qu’il semble vouloir dire, même s’il pourrait vouloir dire ça quand même. Suis-je clair ?
Là ou le bat a blessé (et ce bien avant « Reel Around The Fountain ») dans la presse et les esprits britons c’est quand il évoque le fameux « A boy in the bush is worth two in the hand ». A Boy… Donc un garçon mais pas très vieux… Un ado au maximum. Steven se frotte durement à la critique même si la phrase est en soit une blague qui détourne l’adage anglais « A bird in the hand is worth two in the bush » (en gros, mieux vaut se contenter de ce qu’on a même si c’est pas terrible, plutôt que de convoiter ce qui nous semble magnifique sans jamais être sur de l’avoir. « Un tien vaut mieux que deux tu l’auras » me semble la traduction française la plus logique). Donc si on s’en tient au premier degré, on est face à un morceau qui parle d’un ado qui veut fouetter un autre ado pour lui apprendre que les livres c’est bien mais qu’être ensemble au lit c’est mieux… C’est beaucoup plus évocateur que « Hand In Glove », tout en restant très cynique, drôle, et compréhensible de plusieurs façons, même les pires. Et certainement tou sauf "premier degré".
La corde raide sur laquelle va tituber Morrissey par la suite démarre ici même.
Il va en profiter, il va aussi en pâtir.
En tous cas un grand groupe pop vient de faire son entrée fracassante dans l'histoire des incontournables.
eric draven a écrit :THIS CHARMING MAN, le 2eme single, entretient cette aura un rien sulfureuse.
Ah ça c’est clair !!
Mais une fois de plus (on va pas analyser tous les morceaux parce que sinon on est parti pour 200 pages de thread) les paroles sont 1) surtout très drôles 2) ambigument cyniques 3) monstrueusement senties 4) de génie 5) de l’extrêmement bonne littérature.
Que ce type ait pu finir en écrivant « Everyday Is Like Sunday » me dépasse totalement.
This Charming Man (outre les 4 versions connues parce que les Smiths ne pouvaient pas se décider sur la meilleure) est l’un des rares singles dont les faces B ne se sont pas retrouvées sur des compiles dans tous les sens et à tout va.
« Jeane » (sur lequel on reviendra), morceau hétérosexuel de toute beauté. A moins qu’il ne parle juste que d’une relation amicale ou de colocataires…
« Wonderful Woman » autre morceau hétérosexuel, il semblerait, à la phrase définitive « I’m starved of myrth. Let's go and trip a dwarf ». Peter Jackson et Jesus apprécieront.
Plus une version pop-mix de “Accept Yourself”.
Pourquoi ces trois morceaux ont longtemps été oubliés ? Mystère…
eric draven a écrit :REEL AROUND FOUNTAIN est en effet mal interprété par le public, le texte de Morrisey étant à double tranchant. Le public y voit un titre sur la pédophilie.
Faut dire que Steevy Patou en rajoute des tonnes dans la provoque à partir de là.
« It's time the tale were told of how you took a child and you made him old”… Ca semble trop simple comme analyse. Un bon bâton tendu pour se faire battre ?
Sauf que quand on écoute vraiment ce qui se dit, le morceau évolue et la situation se retourne. Ca n’est pas de la pédophilie dont-il s’agit mais bien d’une démarche aussi radicale, une version masculine de Lolita. Un jeune homme d’age indéterminé reproche à quelqu’un de plus vieux son manque d’intérêt sexuel (« I dreamt about you last night and I fell out of bed twice, you can pin and mount me like a butterfly, but "take me to the haven of your bed” was something that you never said”). En fait le « child » qui devient « old » n’est qu’une image pour parler probablement de la première expérience sexuelle, voulue, attendue, qui offre au morceau une charge sexuelle énorme, encore un truc d’ado. Il faut savoir aussi que « Reel around the fountain » est un terme imagé pour parler de la fellation et de son aboutissement. Toujours cet humour pincé, toujours cette écriture brillante. Donc bien qu’il faille écouter les choses en entier avant de dire des conneries, le morceau a fait tressaillir les anglais à l’époque, c’est bien fait pour leurs gueules maintenant ils ont Big Brother sur Channel 4.
Pour finir, ce « Reel » n’a jamais été un single.
eric draven a écrit :Smiths qui sortent leur 1er album éponyme THE SMITHS en 1984 porté par le titre Heaven knows I'm miserable now et sa trés controversée face B Suffer little children tiré d'un tragique fait divers.
Malheureusement, ce premier album, bien que commercialement positif, n’a pas bénéficié de la meilleure production possible. John Porter (bassiste ayant joué avec Roxy Music et producteur de Japan ou Billy Bragg entre autre) donne un son très froid et linéaire aux compositions de Johnny Marr. Si vous pouvez, et vous pourrez, procurez vous la version produite précédemment par Troy Tate (ex guitariste des Teardrop Explodes) qui rend plus justice à la composition brute des Smiths du début.
« Heaven Knows I’m Miserable Now » ne fait pas partie de l’album. Il fait partie de ces singles sortis entre les albums. Il contient aussi son lot de phrases magnifiquement drôles : « I was looking for a job, and then I found a job. And heaven knows I'm miserable now” ou le sublime (et qui place encore Morrissey dans l’ambiguïté sexuelle) : « What she asked of me at the end of the day, Caligula would have blushed. "You've been in the house too long" she said
And I (naturally) fled” MON DIEU UNE FEMME

! Le titre du single est un hommage à une chanson de Sandie Shaw (sur laquelle nous allons revenir) « Heaven Knows I'm Missing Him Now ». ah oui au fait, « Miserable » est un faux ami et signifie « ne pas avoir le moral, être malheureux » et non pas « misérable ».
eric draven a écrit :Si le groupe cartonne au UK, l'Amerique les boude, les Smiths n'ayant encore jamais tourné chez l'Oncle Sam. Ils sortent le single How soon is now qui cette fois est un échec en Angleterre, le groupe jouant peut être un peu trop sur la controverse.
« How Soon Is Now » (06’44 donc) apparaît en fait en face B de l’EP de « William it was really nothing »
Une fois de plus Morrissey y étale sa timidité soi-disant maladive (« I am the son
and the heir of a shyness that is criminally vulgar »), sa force de frappe chez les ados. Le morceau atteint son apogée avec ma phrase préféré des Smiths « There’s a club if you’d like to go, you could meet somebody who really loves you. So you go and you stand on your own, and you leave on your own and you go home and you cry and you want to die”. Tout ça est encore une fois évidemment à prendre au second degré.
Le single du morceau ne sortira que bien plus tard et ne sera pas vraiment un échec en Angleterre puisqu’il atteindra la 24e place des charts (c’est pas terrible pour les Smiths mais c’est pas non plus honteux), alors qu’il fera un mega flop aux USA.
Toujours en 1984 Morrissey, qui avait donc détourné le titre d’un morceau de Sandie Shaw avec « Heaven Knows », aborde cette dernière pour lui demander d’enregistrer sa propre version de « Hand In Glove ». Elle accepte avec joie (Morrissey c’est le Benjamin Biolay anglais). Le single sera donc produit avec les Smiths au grand complet. « Hand in Glove » en face A et « I Don’t Owe You Anything » et « Jeane » en face B du EP. Pour l’anecdote rigolote, le visuel du single est tout a fait dans le ton des visuels Smithiens mais avec une photo prise par Jim French, fondateur de Colt Studios, bien connu des gays. Une pierre de plus à l’édifice du brouillage de pistes orchestré par le Moz.
eric draven a écrit :Sort alors une compil' HATFUL OF HOLLOW collection de face B et de singles non inclus sur le 1er album.
Mieux que ça ! « Hatful » est pour beaucoup le VRAI premier album des Smiths. Celui qui rend enfin compte de leur son et de leur puissance. Il est non seulement composé de singles et de face B mais aussi des Peel Sessions, de Jensen Sessions. A la réécoute récente c’est un album qui ne prend aucune ride, qui a une vraie unité. UNE TUERIE !
eric draven a écrit :avant l'arrivée en 1985 du 2eme album
MEAT IS MURDER qui déboule directement N°1 en Angleterre.
Une fois de plus, Morrissey crée le scandale en critiquant ouvertement le gouvernement Thatcher mais en combattant aussi pour le vegetarisme accusant les carnivores d'être des assassins!! IDIOT!
Morrisey se déclare vegetarien tout comme les autres membres du groupe mais cela n'est pourtant que duperie, Morrissey aimant jouer et provoquer..
Oui il y critique aussi (blasphème !!!!) le système éducatif anglais et ses punitions corporelles, les « bullies » désoeuvrés du nord de l’Angleterre et ses fête foraines chargées de violence, la violence domestique et, sort son premier skud contre la Reine « I’d like to drop my trousers to the Queen. Every sensible child will know what this means. The poor and the needy are selfish and greedy on her terms”.
C’est aussi l’album de l’arrivée fracassante du petit Stephen Street, beau gosse et ingé son de talent que Morrissey a du pervertir illico.
Et pour une fois qu’il ne raconte pas n’importe quoi il est bon de souligner que Morrissey est vraiment végétarien.
C'est pour annoncer la sortie de cet album que le single de "How Soon Is Now" fut fait. Parce que le morceau apparait sur les versions américaines de l'album.
A la sortie de "Meat Is Murder" j‘étais très dubitatif. Depuis je chérie cet album avec tous les capteurs sensoriels de mon corps. Les paroles sortent enfin du créneau « ado qui se cherche, ah la la c’est trop dur la vie » pour attaquer plus vivement, tout en gardant le cynisme et la brillance de l’écriture.
Je passe sur « The Queen is Dead » dont tu parles très bien et qui reste leur plus bel album. Je rajoute juste l’info que Alain Delon s’est dit à l’époque « très flatté » que Morrissey l’ait choisi pour la photo de la pochette. C'est aussi l'album sur lequel Morrissey "chante" le mieux.
eric draven a écrit :En 1988 ils nous offrent une compil' THE WORLD WON'T LISTEN rebaptisé aux USA LOUDER THAN BOMBS.
Ah non ce sont deux compiles totalement différentes. En fait « The World Won’t Listen » a été perçu à l’époque comme un projet purement pécuniaire puisque tous les titres étaient déjà connus et dans les collecs des fans. A part « You Just Haven’t Earned It Yet Baby » et une version mixée différemment de “Stretch Out And Wait”.
Par contre “Louder Than Bombs” (à l’origine effectivement destiné au marché américain) contient des Peel Sessions jusque là non éditées, et un nouveau mix de « You Just Haven’t Earned It Yet Baby ». Bref il faut posséder les deux si on est hardcore, sinon « Louder » suffit largement. C’est pour cet album la seule fois que j’ai volé dans un magasin… A la FNAC « Louder » était vendu 200 francs, j’avais donc mis l’étiquette de « Hatful of Hollow » à la place (90 francs)… Pis je me suis fait chopé comme une grosse buse… Bref

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eric draven a écrit :Mais les frictions entre Marr et Morrissey s'amplifient. Morrissey reproche à Marr son implication trop poussée vis a vis d'autres artistes dont l'ex-dandy Bryan Ferry et Marr reproche à son collègue ses orientations trop 60s tant et si bien que Marr quitte le groupe alors que Morrissey dissout les Smiths en 1988.
Marr va alors rejoindre le New order Bernard Sumner pour former Electronics et Morrissey va voguer à une carrière solo fructifiante.
Sortira fin 88 un ultime album, le live RANK. ]
MAIS ENFIN ERIC !!!!!
Je passerai sur « Rank » qui est un bien mauvais live, mais tu oublies quand même le dernier album…
« Strangeways, Here We Come » (Stangeways est la prison de Manchester pour ceux qui ne savent pas)
Enregistré début 87 et sorti en septembre de la même année. C’est un album étonnant. Une sorte de virage puisqu’on y trouve des machines, des cuivres, des sons bizarres. Si la magie est toujours là, force est de reconnaître que les années qui passent ne bonifient pas l’ouvrage. Ca aurait pu être un album transitoire sympa, en l’état c’est un triste testament et ce malgré quelques morceaux vertigineux.
Autre erreur, ce n’est pas Morrissey qui a splitté le groupe mais c’est bien Johnny Marr qui en août 2007 a annoncé qu’il quittait les Smiths. Je pense que Steven ne s’en est jamais remis et que sa plus que médiocre (j’allais dire risible) carrière solo est directement liée à cette unique fois ou il n’a plus eu le contrôle.
Pour finir parce que je ne voulait gonfler personne et que ça prend des proportions étonnantes. Je tiens à HURLER que les Smiths n’auraient JAMAIS été les Smiths sans le génie de Andy Rourke et les étonnants placements de batterie de Mike Joyce. On ne parle jamais d’eux, c’est pourtant une des sections rythmiques les plus imposantes de la pop brittonne.
Not only does God play dice, but... he sometimes throws them where they cannot be seen - Stephen Hawking