Tourné par Murnau la même année que son "Nosferatu", en plein âge d'or du cinéma allemand, "Phantom" n'a pas grand chose à voir avec le fantastique contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre. Certes, nous y trouvons quelques séquences de fantasmes et d'hallucinations ouvrant les portes à l'imaginaire et aux expérimentations de toutes sortes. Mais il s'agit avant tout d'un mélodrame très classique.

Le fantôme après lequel court Lorenz, c'est le fantôme du grand amour, d'une passion absolue que ce rêveur bien innocent rattache à une jeune femme inaccessible, qu'il ne connaît que de vue. Il y a aussi le fantôme d'une gloire inaccessible, d'une réussite rapide et sans effort à laquelle il va naïvement croire. Durant tout le film, Lorenz va se laisser mener par des illusions sans chair, des images sortis de son imaginaire, des rêves absurdes qui vont l'entraîner dans la spirale du malheur, loin du vraie bonheur auquel il pourrait pourtant accéder en acceptant de regarder la réalité telle qu'elle est.
S'il n'ose pas autant l'innovation que "Le dernier des hommes" ou "L'aurore", s'il ne renoue pas avec le poésie romantique de "Nosferatu", "Phantom" n'en est pas moins un très solide mélodrame, un peu trop balisé dans son déroulement, mais réalisé de main de maître par un grand metteur en scène au sommet de ses moyens, signant un modèle de mise en scène de son époque.

Longtemps réputé perdu, "Phantom" a refait surface en 2003 à l'occasion d'une prestigieuse restauration, puis est sorti dans divers pays en dvd ; comme aux USA, notamment, chez Flicker Alley. Cette restauration a été diffusée sur Arte ce vendredi soir dans son indispensable programmation mensuelle dédiée au cinéma muet, et repasse ce lundi soir sur la même chaîne à 3h00 du matin... Très bonne copie environ 1.3, noir et blanc teinté. Petits soucis sur la bande musicale (enregistrée en 2003 pourtant), avec pleurages répétés et friture numérique...