
"Lauuuuuuuuura, y a tant d'hommes que je ne suis pas..."

BREF !
Monument du film noir américain, de la filmographie du grand Otto Preminger, de celle de la grande Gene Tierney, du grand cinéma hollywoodien des années 40 (oui, c'est les soldes, tout est "grand" ce soir !), "Laura" reste aujourd'hui encore une petite pepite merveilleusement ciselée, qu'on regarde à la fois avec l'oeil admiratif devant un cinéma qu'on ne fait plus et un regard d'une nouvelle génération, dont l'emerveillement eclate face à l'intemporalité d'un chef d'oeuvre.
Je ne m'etendrai pas trop sur le scenario, car je pense que cela serait enlever une partie du plaisir à ceux qui n'ont pas encore vu le film. Disons juste que le film commence aux cotés de l'inspecteur Mc Pherson, qui enquête sur la mort de la jeune et belle Laura, et qui va rencontrer au fil de son enquête tous ses proches, amis, famille, fiancé. Et les pistes et contradictions n'auront dès lors de cesse de s'accumuler !
Sur un pitch à priori classique, Preminger nous dresse donc un pur film noir, avec ce que cela comporte de flics en imper qui fument leurs clopes, de femmes sublimes, et de mensonges à la pelle. Mais si l'enquête est captivante de bout en bout grace aux nombreux rebondissements et fausses pistes, deux ingrédients permettent au film de rester parmi les classiques du genre.
Tout d'abord : Laura. Gene Tierney. Plus belle que jamais. Personnage insaisissable, à la fois belle et intelligente, ambitieuse et pleine de caractères, pure mais pas trop, si "Laura" est encore aujourd'hui dans toutes les mémoires, il le doit sans doute beaucoup à la femme merveilleuse qui a incarnée cette "héroine".
Ensuite, et c'est principalement ce qui permet au film de sortir du lot, les relations entre Laura et les hommes. Bien sur, c'est le propre de ce type de femme d'être aimée ou désirée de tous, mais là, c'est la richesse et l'ambiguité des relations qu'elle entretient avec les différents protagonistes qui fait toute la saveur de l'enquête. Les voir ainsi se tirer tous dans les pattes constitue une jubilation de tous les instants, et on sent bien que vivante ou morte, Laura n'aura de cesse de les hanter. D'autres pistes se développent et meriteraient quelques mots, mais là aussi, cela serait trop en dire sur l'histoire, donc passons...
Aux cotés de Laura, on trouve une pleiade d'acteurs brillants, mais si Dana Andrews s'en sort bien dans le role du flic, et Vincent Price dans celui du fiancé opportuniste, c'est bel et bien Clifton Webb qui brille de mille feux dans le role complexe d'ami / Pygmalion / Amoureux malheureux de Waldo. Role qui lui vaudra une nomination aux Oscars, alors qu'à la base, le producteur du film, Darryl F. Zanuck, ne voulait pas entendre parler de lui pour le rôle, en raison de son homosexualité déclarée.
Inutile de vous préciser que tout cela est emballé avec la maitrise visuelle et technique du cinéma hollywoodien de cet âge d'or, c'est donc visuellement magnifique de bout en bout (Oscar de la meilleure lumière au passage), le moindre meuble est à sa place, les acteurs sont tous mis en valeur, et pour peu qu'on ne soit pas rebuté par cet aspect parfois un peu "factice", le film est un régal des sens !
Voilà, je ne vais pas m'apesantir plus que cela. Beaucoup ont parlé de "Laura" avant moi, surement en mieux, beaucoup en parleront encore. Je ne peux que vous conseillez de jeter un oeil sur cette petite perle. Si dans le registre du film noir pur et dur, on peut trouver mieux ("Assurance sur la mort" pour n'en citer qu'un), et qu'on peut dire de même dans le drame pur et dur ("La comtesse aux pieds nus" par exemple), "Laura" représente une sorte de synthèse des deux, symbiose assez magistrale, symbole d'un temps révolu mais qu'on ne se lasse pas de revisiter.


