L'an 01 (1973) J. Doillon, J. Rouch, A. Resnais et Gébé

[MadXav]

L’évocation récente de l'anarchie au rabais sur le thread de Matrix me donne envie de causer quelque peu de L’AN 01, film pour le moins étrange et engagé…

L’AN 01, c’est avant tout une bande dessinée de Gébé créée en 1970 et publiée en « Politique hebdo » avant de l’être dans « Charlie Mensuel ». Cette BD évoque de manière amusante (mais sans moquerie) et décontractée la cessation nette du productivisme et de la société pyramidale dans lesquels nous évoluons. Il va de soit que ce concept est issu de l’ « esprit 68 » et qu’il s’impose comme une extension radicale de ce qui a pu être fait à l’époque…

L’AN 01 sera donc adapté en 1973 par Jacques Doillon, Gébé himself, Alain Resnais et Jean Rouch. Le film sortira le 22 février 1973 et fera près de 500.000 entrées. En outre, L’AN 01 dispose de l’un des castings les plus impressionnants du cinéma français puisque s’y côtoient en vrac Coluche, Thierry Lhermitte, Gérard jugnot, Gérard Depardieu, Cabu, Gotlib, Gébé, Henri Guybet, Miou Miou, Patrice Leconte, Christian Clavier, Daniel Prevost, Jacques Higelin et même Stan Lee ! En fait, la plupart de ces célébrités n’apparaissent que quelques secondes ou, au mieux, minutes puisqu’il n’y a aucun héros dans le film. Quoiqu’il en soit, beaucoup y font leurs premières armes et c’est l’occasion pour voir par exemple que Depardieu a toujours fait du Depardieu !

Bref, revenons donc au film qui débute avec le personnage de Depardieu. Celui-ci s’apprête comme tous les jours à prendre le même train avec les mêmes inconnus pour aller au même boulot avec les mêmes personnes. Mais aujourd’hui, c’est la folie : Quelqu’un l’accoste sur le quai et pour les deux, c’est une remise en question totale de ce mode de fonctionnement pré-formaté. Selon leurs propres mots, ils ont « démissionné » de cette vie. L’idée fait son chemin et bientôt, le concept d’un « an 01 » née dans l’esprit des gens de manière collective. L’an 01 est une remise à zéro des compteurs, on oublie le passer et la tournure étrange que prend la société pour un nouveau départ. La date de cette remise à zéro est bien vite fixée et, au jour J et à l’heure H, tout cesse. La société dédiée à l’argent et au productivisme se stoppe net afin de favoriser un retour aux vraies valeurs : Dialogue, entraide, réflexion, culture du vital, etc.
Le productivisme est donc sujet à dérision, l’économie s’effondre sous les applaudissements de la foule, la technologie est rejetée pour ne devenir plus que des pièces de collection ou de musée et l’argent même n’a plus de valeur. On vit « à la cool », en cultivant ses légumes, élevant ses bêtes et prenant le temps d’exister en compagnie des autres.
Cette représentation de ce qui est une forme d’anarchie nous est faite sur un ton décontracté mais non dénué d’intelligence. L’an 01 est assez régulièrement remis en question dans le film, notamment par les plus âgés. Les images fortes, comme celle du lancé de clefs (symbolisant le refus de la propriété, l’abandon du matériel), se multiplient et quelque part, L’AN 01 fait mouche et fait envie. Dans un monde aujourd’hui dominé par la consommation, l’argent et la cravate, L’AN 01 est une bouffée (parfois naïve) d’air frais, une œuvre unique qui expose un courant de pensée de manière ludique mais construite.
On assiste ainsi à l’effondrement boursier (via des scènes tournées à New York) et à une pluie de traders, on nous montre (merci Jean Rouch) quelques images d’une Afrique heureuse d’apprendre que l’Europe retourne à des valeurs vraies etc. Rien que pour cela et son côté atypique, L’AN 01 est un film à voir. Mais pas seulement puisqu’il peut (doit) être une base amusante pour une réflexion et un discours sérieux…

[arioch]

Je n'ai pas vu le film mais THEMROC a aussi un casting assez impressionnant (quasiment les mêmes ! ) et adopte un sujet assez similaire. En fait, un jour, un employé qui va chaque jour a la meme heure a son boulot etouffe et se met a hurler. Il va alors creer son propre mode de vie, tres animal, en marge de la société qui ne comprend pas ce qui se passe, certaines des personnes sont d'ailleurs fasciné par l'élan de liberté du personnage principal alors que d'autres refutent totalement cela pour rester engoncé dans leur train train quotidien.
Il y a une chronique de THEMROC sur le site.

[MadXav]

En fait, l'une des particularité de L'an 01 est qu'il n'est pas vraiment tourné comme un film (contrairement à Themroc je crois) mais qu'il lorgne plus du côté du "reportage réalité", un peu comme si l'an 01 avait vraiment eu lieu et qu'on dresse un constat. Donc c'est constitué de petites saynètes, d'anecdotes, de dialogues entre individus... En fait, dans la forme, on est très proche de certains films de Jean Rouch (Cocorico monsieur Poulet par exemple) - pas étonnant - et donc dans une fiction réalité. Ca va dans le sens du propos parce qu'en confrontant le spectateur à une "réalité" alternative et tangible, on lui fait envie et on le fait réfléchir. Donc le spectateur réfléchit (si il veut, il peut aussi rien foutre, c'est son choix), il pointe du doigt un truc qui marche pas et là, le film pointe justement du doigt la même chose et offre une solution ou du moins un contournement au problème...
Par ailleurs, le film se termine intelligemment par une séquence avec Coluche. Le bonhomme participe à une activité ludique qui consiste à faire 5 minutes de boulot administratif, histoire d’en rire et de se souvenir à quel point c’était de la connerie. L’homme enchaîne ensuite sur une anecdote et nous parle de son père, bossant dans une usine et dont le seul éclat de rire fut provoqué par un simple acte de « désobéissance civique » perpétré par l’un de ses collègues. Impossible suite à cela de ne pas remettre en question sa propre utilité au sain d’une société basée sur le futile.
Non, vraiment, même si c’est pas parfait (c’est très amateur), c’est du bon boulot.

[MadXav]

Tout le monde s'en fout mais le film était dispo jusqu'à présent chez MK2 pour une somme fort rondelette :

ou en coffret pour une somme encore plus éclatante :


Mais heureusement, Mai 68 est passé par là et Télérama l'a proposé avec le magazine pour une somme ridicule. "L'an 01" est le volume 4 de leur collection MAI 68 (actuellement en cours de parution) et je l'ai choppé hier pour 2euros...

Bref, l'autre moyen de se procurer la chose à prix honnete est d'opter pour un excellent coffret là encore sponsorisé par Telerama pour Mai 86 :


Le coffret regroupe donc pour 40euros environ les films suivants :
- MILOU EN MAI de Louis Malle - 1989 (Avec Michel Piccoli, Miou-Miou, Dominique Blanc, Michel Duchaussoy, Bruno Carette, etc…)
- AU FEU, LES POMPIERS de Milos Forman - 1967 (Avec Jan Vostrcil, Josef Kolb.)
- LA SALAMANDRE d’Alain Tanner - 1971 (Avec Bulle Ogier, Jean-Luc Bideau, Jacques Denis.)
- L’AN 01 de Gébé / Jacques Doillon- 1972 (Avec Cabu, Cavanna, Delfeil de Ton, Wolinski, Gotlib, Professeur Choron, Gérard Depardieu, Miou-Miou, Coluche, Jacques Higelin, Gérard Jugnot.)
- INNOCENTS (THE DREAMERS) de Bernardo Bertolucci - 2003 (Avec Michael Pitt, Eva Green, Louis Garrel.)
- SOLO de Jean-Pierre Mocky - 1969 (Avec Jean-Pierre Mocky, Anne Deleuze, Denis Le Guillou, Eric Burnelli.)
- LES AMANTS REGULIERS de Philippe Garrel - 2005 175 mn (Avec Louis Garrel, Clotilde Hesme.)

Plus d'infos ici :
http://boutique.courrierinternational.c ... 8-462.html

[mercredi]

Tout le monde s'en fout

Bien non, pas vraiment au regard d'un résumé qui fait vraiment envie... À priori, le film est difficilement trouvable chez le marchand de journaux. L'un des titres reste actuellement disponible (9 euros avec le magazine) mais point d' "an 01" pour le moment dans mes espaces de vente habituels et surtout pas à 2 euros. Je ne désespère pourtant pas et, à ce titre, m'interroge sur la qualité technique des galettes proposées par la collection.

[MadXav]

En fait, télérama en est déjà au volume 5 de sa collection "Mai 68" :
http://www.journaux.fr/revue.php?id=118640
"L'an 01" étant le numéro 4 donc c'est passé.
Effectivement, le magazine est vendu 9.90euros mais comme c'est le cas pour les disques vendus avec "Le Monde" par exemple, les disques sont trouvables seuls dans certaines solderies, petites boutiques, broc etc. pour une somme souvent ridicule (en l'occurence 2euros dans mon cas).

[Manolito]

"L'an 01" ressort aujourd'hui en salles, "commémoration" de mai 69 oblige... Au Reflet Medicis à Paris notamment.