Les quelques échos que j'ai eu de la projection de presse d'hier sont juste excellents.
John Rambo à l'UGC Normandie, ça devait être quelque chose quand même !
Je dirais que ce film est tout simplement une tuerie. Un papy Rambo reclu, désabusé et avare en mots. Une violence insoutenable, sans complaisance mais tellement jouissive (à côté de moi, il y avait une gamine de 10/12 ans accompagnée de ses parents... Elle va faire de beaux rêves). Je ne m'attendais pas à ça de Stallone, qui nous met face à une guerre brutale et dégueulasse.
-P...ain, la scène de la claymore
-L'égorgement à mains nues d'un soldat
-L'apparition icônique au ralenti de John Rambo derrière un garde juste avant l'attaque finale
L'argumentation n'étant pas mon fort, c'est un peu foutraque. Mais pour un retour inespéré (tout comme Rocky Balboa, mais sur un registre différent), ce John Rambo est une grosse claque dans ta gueule.
Jason Bourne peut aller se rhabiller.
J'ai vu un putain de film aujourd'hui, du genre que je désespérais de revoir un jour. Sans concessions, sans second degré, en un mot : "pur".
A l'annonce d'un sixième Rocky, on a entendu beaucoup de railleries sur le retour de papy Stallone, le ringard de service en quête d'un come-back opportuniste sur le devant de la scène avec une énième exploitation des personnages qui ont fait sa gloire, censés être aujourd'hui dépassés à l'heure des nouveaux héros sans âme et interchangeables. Le film, réalisé par Stallone lui-même, en aura pourtant convaincu plus d'un grâce à son incroyable sincérité, son humilité, et la pertinence de sa mise en abîme avec la carrière de son acteur et réalisateur (Rocky retraité, considéré comme un dinosaure par les médias, ridiculisé par la nouvelle génération, mais toujours debout et dont la complicité avec son public n'a jamais faibli).
Avec la mise en chantier d'un nouveau Rambo, on entendit les mêmes moqueries, mais un bémol plus bas : après Rocky Balboa, Stallone venait de prouver qu'il n'était pas seulement un acteur d'un standing supérieur à celui qu'on lui a toujours collé, mais aussi un réalisateur intelligent, sachant parfaitement sous quel angle aborder les personnages légendaires qui lui collent à la peau sans sombrer dans le pathétique.
Pour réaliser ce miracle, il aura fallu attendre que l'eau coule sous les ponts, le recul aidant à la lucidité. Après trois Rambo et une pause de vingt ans, il semblait donc que le moment soit venu pour que Stallone puisse de nouveau endosser son fameux bandeau sans paraître stupide, à soixante ans passés. Et le résultat est là : ce quatrième opus est un sacré putain de bon Rambo old school, au premier degré totalement assumé.
ATTENTION SPOILERS
Le film commence par un extrait de journal télévisé éprouvant où sont exposées de façon crue les atrocités causées par la guerre en Birmanie, qui dure maintenant depuis soixante ans. Ensuite, à un instant où le fan lambda de Rambo s'attend à voir surgir son héros comme une icône, tous muscles saillants, de façon spectaculaire, le visage imposé sur toute la surface de l'écran, nous découvrons un plan large sur un paysage thaïlandais dont la lente descente vers le sol nous expose trois silhouettes occupées à chasser des serpents, le tout accompagné du célèbre thème musical ouvrant le premier Rambo. Après vingt ans d'absence, la présentation du héros sera aussi simple et humble que cela. Cette note d'intention, à elle seule, présage déjà la maturité dont est aujourd'hui empreint Stallone.
L'histoire est basique, dans la tradition des Rambo. En fait, elle est toute entière contenue dans la bande annonce, ce qui n'a rien d'un handicap dans la mesure où elle n'est qu'un véhicule, un prétexte pour le retour du guerrier oublié. Après avoir refusé de transporter un groupe d'humanitaires idéalistes (surprenant ersatz de l'Arche de Zoé) totalement déconnecté de la réalité de la guerre, Rambo accepte finalement de les accompagner en les abandonnant à leurs responsabilités, non sans les avoir prévenus à plusieurs reprises du risque qu'ils encouraient avec un radical "Go home". Inconscients du danger qui les menace, ils n'hésitent pas à embarquer sur la barque du passeur, en route vers l'enfer sur un fleuve aux allures de Styx.
Le moment est enfin venu de renseigner le spectateur sur Rambo et ces vingt années de disparition. Lorsque Sarah, la seule femme du groupe humanitaire, lui demande comment il s'appelle, il lui répond "John". D'où vient-il ? "D'Arizona". Pourquoi avoir quitté les USA ? "La Guerre du Vietnam". Quant au reste, "C'est compliqué...". Mais nous autres, fans de Rambo dans la confidence, savons de quoi il retourne, et toutes les horreurs que dissimulent ces paroles pleines de pudeur. Sarah, encore loin de saisir la réalité du guerrier, croit alors comprendre cet homme, ce vétéran fatigué de la civilisation. La véritable présentation de Rambo aux innocents qui ne le connaissent pas encore, qui ne savent pas de quoi il est capable, surviendra quelques secondes plus tard quand il abattra de sang froid trois pirates en l'espace d'une seconde, sous les yeux des humanitaires horrifiés. Dès lors, les cartes sont jetées : tout le monde comprend instantanément qui est Rambo, de quel bois il est fait, ce qu'il a vécu, et la seule loi à laquelle il obéit : répondre au feu par le feu, et non avec des bons sentiments comme le veut la philosophie angélique de Sarah. Le choc culturel est net.
Le spectateur, lui, comprend soudainement un des intérêts de ce nouveau film, le message adressé par Stallone à ses détracteurs : vous avez considéré Rambo comme un fasciste, un patriote à la botte des USA, un criminel, vous pensiez pouvoir régler les conflits du monde par la diplomatie mais ils ne font qu'empirer, mais vous étiez à côté de la plaque. Face au chef des humanitaires, ce bien pensant qui lui reproche d'avoir tué les pirates, incarnation de toutes les critiques subies par Stallone, Rambo assène un cours accéléré de philosophie en le cramponnant par la gorge tout en lui demandant "Qui êtes-vous (pour me juger) ? Qui sont ces gens ? Ils vous auraient égorgés, ils l'auraient (Sarah) violée cinquante fois !". Rambo souhaite une dernière fois les faire renoncer au voyage mais Sarah insiste malgré tout, et parvient à le convaincre à force d'arguments. Touché au coeur, le vétéran accepte à regret, et les conduit en Birmanie. Bien entendu, nos humanitaires naïfs ne vont pas tarder à se faire capturer par la junte lors de l'attaque d'un village extrêmement éprouvante (mutilations, immolations, meurtres d'enfants...).
Rambo, de retour en Thaïlande, revit en cauchemar toute l'horreur de sa vie, lors d'une séquence de flash-backs dans laquelle on retrouve, comme pour assumer TOUS les fims de la saga, des scènes des trois précédents films. Le pasteur à la tête de l'organisation humanitaire se présente alors à Rambo, et lui annonce le drame. Il lui faut un guide, afin d'emmener le commando de mercenaires qu'il a engagé sur les lieux du rapt. Toute la soif de guerre, de meurtres et de sang remonte alors dans les veines du vétéran qui, tel Vulcain (seconde référence mythologique après celle de Charon, le passeur de morts), construit un couteau au fer rouge sur son enclume. Sa décision est prise.
Le film se montre ici particulièrement intelligent en poursuivant le processus de "mythification" de Rambo. Le but n'est plus de présenter une énième fois un combattant surdoué, de partir dans une surenchère de muscles et d'actes de bravoure. Dorénavant, Rambo est au-delà de ça. Rambo est devenu une légende, un mythe, un dieu de la guerre intouchable. Quand un mercenaire, ancien SAS à grande gueule, le provoque pendant cinq bonnes minutes afin de savoir ce qu'il a dans le ventre, Rambo ne dit pas un mot. Il n'a plus rien à prouver. En comparaison de ce qu'il a vécu, ces mercenaires, pourtant des durs à cuire, ne sont que des bleus, et Rambo ne prend même pas la peine de leur faire savoir. La légende est en marche.
Les mercenaires finissent par accoster, sûrs d'eux, jusqu'au moment où on leur annonce qu'une centaine d'ennemis les attend. Malgré leur attirail, les visages blêmissent. Leur guide, cet étrange type au bandeau noué sur le front, lui, ne flanche pas. Il quitte le bateau, équipé d'un arc et de flèches, et demande à les accompagner. Ces derniers refusent, par peur d'être ralentis. Sarah, captive en enfer, sait maintenant qui est Rambo. Les mercenaires ne le savent pas encore, mais ils vont bientôt l'apprendre.
Ensuite, toujours suivant son processus de mythification, le film prend le pari fou de faire passer les mercenaires au premier plan de la scène pendant que le héros du film, qui porte son nom, disparaît totalement. A ce moment-là, Rambo n'est plus un être humain dont on craint pour la vie, comme dans les autres films. Non. Il devient un spectre, un fantôme insaisissable pour ses ennemis, pour ses alliés, et même pour le spectateur ! C'est bien simple : on ne sait plus où il est. Le film ne suit plus ses stratagèmes, comme dans les précédents opus : il semble totalement insaisissable pour l'objectif de la caméra. Et quand il refait son apparition, dans une scène mémorable, c'est pour cribler de flèches une poignée de Birmans en un temps record pendant que les mercenaires, malgré leur nombre et leur équipement, restent sans réaction. A présent, tout le monde sait qui est Rambo. Il devient le chef naturel du commando, à qui il explique sommairement mais clairement le concept de "cause" pour un soldat, ce pour quoi il est juste de mourir, et propose de se lancer avec lui dans l'opération de sauvetage.
Celle-ci n'est pas à proprement parler la plus réussie de la série, par rapport aux scènes d'infiltration de Rambo II et III : non qu'elle ne soit pas efficace, mais trop courte et sans réelles menaces. En revanche, la montée crescendo de la tension, oscillant entre l'excitation des soldats birmans sur le point de se livrer à un viol collectif et l'infiltration du commando dans le camp est rondement menée. La présence du sniper parmi les mercenaires, inédite, est une idée bienvenue et assez percutante (au sens propre). L'évasion du camp, également en deçà de Rambo III, est toutefois palpitante. Sur le plan de l'action pure, le film rejoint la qualité de ses prédécesseurs au moment où le guerrier doit échapper à ses ennemis, un grand classique de la série ; à la différence près qu'ici, une fois de plus, Rambo est élevé au rang de personnage invulnérable, de machine impossible à arrêter : les mercenaires craignaient d'affronter une centaine d'adversaires ? Il lui suffit d'une mine Claymore pour se débarrasser d'eux dans une mémorable explosion aux allures de carnage atomique, summum de la guerre d'embuscade dont l'homme est expert. Encore plus fort : Stallone trouve ici l'occasion d'appuyer son message car cette énorme bombe héritée d'une vieille guerre oubliée et qui sommeille dans la jungle birmane n'est autre que Rambo, et la petite mine Claymore provoquant son explosion n'est rien d'autre que Sarah, cette jeune femme à la beauté innocente venue perturber sa retraite et réveiller ses instincts guerriers. S'ensuit une mémorable course-poursuite contre... un effet de souffle dévastateur ! Puis il redisparaît, retournant à l'état de spectre invisible du spectateur, et réapparaît encore une fois dans un moment-clé en entrant dans le champ par... l'arrière-plan, en surprenant aussi bien le spectateur que sa victime !
Ainsi, ce quatrième opus ne cherche plus l'identification du spectateur, comme c'était le cas pour les autres films, mais fait de Rambo un être quasiment légendaire dont la présence surplombe les enjeux de l'aventure, comme si tout cela n'était pour lui qu'une ballade de santé. Un dieu de la guerre qui apportera un point final à l'intrigue en balayant pendant de longues minutes le champ de bataille à l'aide d'une mitrailleuse montée sur un blindé, placée au-dessus de la scène, à l'occasion d'un carnage impensable au sein d'un cinéma politiquement correct. Ici, le dieu de la guerre vient en aide aux mercenaires à l'aide d'une pluie de balles providentielle, planant au-dessus du champ de bataille où il ne s'immisce jamais, laissant les réjouissances de la poussière, des tripes et du sang aux novices. Rambo est Zeus frappant l'ennemi de sa foudre depuis le Mont Olympe (troisième référence mythologique, dernière étape du processus de mythification), aidant les héros mortels dans leur noble combat. Puis, enfin, le carnage terminé, il surplombe le charnier figé comme une statue de marbre, monument érigé à la gloire de la guerre, en adressant un regard lourd de sens à Sarah. Voilà ce qu'est la guerre. Voilà les conséquences de tes bonnes intentions : des hommes sont morts pour que tu vives. Seul l'usage de la force peut protéger les faibles. La nature de l'homme est ainsi, rien ne sert de vouloir la changer.
Le seul inconvénient du film (outre le fait que Rambo n'ait plus son fameux couteau !) intervient alors avec une fin abrupte. C'est trop court, on en veut encore ! Mais on n'en saura pas plus sur les protagonistes... Rambo en sauve quelques uns, les observe d'un air las, puis c'est tout. Aucun mot échangé, rien, tout se termine aussi simplement que tout a commencé avant que le film ne s'achève sur un magnifique épilogue, en écho direct à l'ouverture du premier Rambo. Le guerrier est de retour chez lui, en Arizona. La boucle est bouclée. Heureux qui comme Ulysse...
Modifié en dernier par Fatalis rex le mar. mai 20, 2008 8:00 pm, modifié 6 fois.
Et que ca fait du bien par ou ca passe !! Meme si le film est sanglant au possible (ca en est a peine croyable par instants), il n'est pas qu'un simple film de guerre lambda, c'est aussi la fin d'un mythe.
Donc, Sly decides de clore le chapitre Rambo apres en avoir termine avec Rocky (brillamment et avec la larme a l'oeil).
Bon, ici pas de tendresse, plutot une sorte de retour aux sources d'un First Blood inegalable.
Loin d'un naveton comme le troisieme episode, Stallone montre ici la guerre dans ce qu'elle a de plus barbare et moche (en gros, on a droit a un genocide ethnique, et on ne nous epargne aucune exaction, la grande classe !!). Aucune idealisation du soldat (y'a qu'a voir comme il traite avec mepris les mercenaires "va-t-en guerre"), ici Rambo fait son job car il est programme pour ca. La guerre donc, dans tout ce qu'elle a de moche et de deshumanisant.
Cahiers du Cinéma - Emmanuel Burdeau Barème AlloCiné :
"Toute petite chose (...) qui se contente de refaire un tour de piste pour confirmer ce qu'on savait déjà et se convaincre que c'est bien la dernière fois."
Je n'ai pas encore vu la bête... mais vous confirmez mon envie (les cahiers du cinéma y compris)