Son âne miraculeusement guéri, Zé (Leonardo Villar) compte bien tenir ses engagements auprès d’une sainte invoquée à l’occasion. Après avoir distribué ses terres aux démunis, l’homme se charge d’une croix, traverse le pays à pieds et tente de déposer son fardeau dans une église dédiée à la “sauveuse”. Le prêtre s’oppose au projet en apprenant que notre héros s’est en réalité adressé à l’homologue païen de la figure biblique. Car, comme dans maintes territoires, le catholicisme brésilien s’éprouve en relation d’étroite dépendance avec un certain nombre de croyances que le anciens esclaves venus d’Afrique n’ont guère oubliées.
En dépit de mes lacunes en la matière, le film de Anselmo Duarte m’a fortement impressionnée.
Palme d’or en 1962, l’oeuvre met en exergue la permanence du rôle politique joué par la religion dans de multiples contrées. En fermant ses portes, l’Église refuse implicitement aux brésiliens le droit de faire cohabiter son propre patrimoine culturel (racines africaines) et celui, plus récent, d’inspiration occidentale. Naturel pour le peuple, le métissage ne semble pas réjouir le Vatican.
Usurpation d’identité et spoliation sociale; les êtres demeurent ainsi victimes de l’indéniable condescendance que les pays présupposés civilisés affichent en de tels cas. Évidemment fragile, cette apparente domination révèle son caractère artificiel au regard d’une population (judicieusement croquée ici) restée fidèle à quelques rites ancestraux, vêtements traditionnels et art de vivre lesquels ne contredisent pas POUR ELLE le bien-fondé du christianisme.
Mélange des registres (dramatique et comique), des mises en scène (intimiste et lyrique), des genres (social et mystique); le film assume pleinement sa double appartenance à des cultures réconciliées et donc célébrées. Le chant des cloches répond au son des instruments dans cette version inoubliable de “Notre-Dame de Paris” (intertexte principal du métrage).
“La Parole donnée” est projeté en ce moment à L’Espace Saint-Michel.
ps: il n’est pas recommandé de lire l’Officiel des spectacles au préalable, le résumé du film contenant des spoilers.
La parole donnée (Anselmo Duarte, 1961)
Modérateurs : Karen, savoy1, DeVilDead Team