Tano sort du camp de redressement pour quelques jours, le temps de retrouver ses amis et d’assister au mariage de son frère.
En ce moment sur nos écrans, le film d’Alberto Rodriguez dresse un portrait original d’une tranche d’âge doublée d’une catégorie sociale peu observées jusqu’à présent par nos voisins espagnols. Évoluant dans les bas-fonds d’une cité dont on ne connaît pas le nom, de jeunes gens enchaînent vols, bagarres et (gentillettes) beuveries au gré de leurs humeurs. Premiers émois, moments privilégiés avec un frère aîné ou une grand-mère et véritable camaraderie contrebalancent, comme il se doit, l’archétypale violence des dits protagonistes. Ces derniers partagent avec leurs homologues américains une certaine forme d’indifférence quant aux réalités terrestres qui, au contraire, écrasent le “monde” adulte. Tels les californiens dépeints par Gus Van Sant, Tano et son ami soumettent l’environnement à la déliquescence induite par le mouvement perpétuel qui, de James Dean à Gabe Nevins (Paranoid Park), singularise le point de vue adolescent dans une partie du septième art occidental. Poussée à l’extrême, cette extériorisation de l’énergie vitale conduit les êtres à échapper au poids des contingences du réel pour celles, immatérielles, du ressenti. Cavalcades, batailles de soda et gesticulations; les corps ne laissent jamais à la réalité le temps de se concrétiser, brisant par leur action toujours renouvelée, l’enveloppe sécurisante mais bien trompeuse du quotidien. D’où l’impression d’apesanteur dont une plongée dans la piscine ou quelques ralentis illustrent la spécificité. L’adolescent réattribue ainsi à l’univers cette touche de poésie qui se révèle parfois mais trop rarement à nous, lorsque assis dans un wagon de rer ou à l’avant d’une voiture, nous contemplons le “défilé” presque irréel du paysage urbain.
Les sept vierges, Alberto Rodriguez, 2006
Modérateurs : Karen, savoy1, DeVilDead Team