Bon, vu lundi soir (malgre les 14 heures de TGV la veille

), et j'ai mis un peu de temps a trouver mes mots tellement la baffe dans la gueule fut grosse...
Donc oui, ce Dark Knight est bien le monstrueux coups de poing dans la face que j'attendais. Oui, il pulverise tout ce qui a ete fait sur le justicier de Gotham precedemment, et plus generalement il fout un peu la honte a toute adaptation de comic passe/present/futur.
Parce que le film de Nolan ne se limite pas qu'a etre une simple adaptation d'un univers de super heros, il ancre totalement le personnage de Batman dans notre epoque. Exit donc le cote fantastique et bariole inherent a chaque film ou un gus en collant course des super criminels. Ici, place a un justicier hi tech qui course un fou dangereux en se posant des interogations existentielles sur sa condition de heros, le tout servi dans une photo froide "a la Mann" avec une cruaute et une violence plutot inedite pour une film dit de "super heros".
On peut regretter ces parti pris moins glamours, cette esthetique qui s'eloigne d'une Gotham City gothique et d'un Batman plus comic book. C'est un choix, celui de ne pas fournir une adaptation litterale mais une vraie interpretation du personnage. Nolan, apres son premier volet fondateur, offre ici une nouvelle incarnation de Batman, coupant definitivement les ponts avec le style tres personnel de Burton, et celui de Schumacher tres influence par la serie tele. Du neuf donc, un Batman qui serait plus "inspire" que reellement "adapte" par la BD. Quoiqu'il en soit, ca fonctionne, surtout grace a un script qui frole la perfection.
Et pourtant le film a toujours un petit paquet de defauts, de pure forme comme c'etait deja le cas sur Batman Begins. Si Nolan a corrige le tir au sujet de ses scenes d'action, ca reste tout de meme un brin illisible par moments. Y'a du mieux mais c'est pas encore la panacee ! Et puis, pour un film de 2h30, ca parait trop rapide au depart (avec des ellipses pas trop maitrisees), et presque trop long au final. Ca, plus la voix de Batman (ah ben oui, pour le coup, ca c'est un chouilla ridicule)...
Oui mais voila, le film enquille les sequences monstrueuses, les situations dramatiques (ah, la derniere demi heure scotche bien au siege !) et les personnages probants, avec une regularite telle que les defauts sont tres vite oublies.
Film facho ? Film anar ? Ni l'un ni l'autre mon general, The Dark Knight met surtout au gout du jour la problematique que devrait poser chaque film sur les zouaves costumes qui font la loi: quelles sont les responsabilites a prendre en compte quand on endosse son zoli costume ? quelles sont les consequences d'un tel choix ? ou sont les limites ? peut-on assumer apres avoir depasse les bornes ?
Via le personnage de Batman/Wayne bien entendu, mais aussi via Harvey Dent.
Est-ce que The Dark Night est une allegorie (voire une apologie d'apres certains avis) des derives securitaires de notre siecle ? Je ne sais pas vraiment si on peut lui donner une telle importance, le film de Nolan permet surtout de remettre au premier plan le vrai dilemne qui accompagne le personnage de Batman: justicier ou vigilante ? La ou le Punisher (tel Bronson !

) a fait un choix, la ou Daredevil en a fait un autre, Batman a toujours eu une place differente dans l'univers des super heros, car il a regulierement flirte avec la frontiere entre les deux roles. Parce que bon, quand on arretes des petits dealers ca peut encore aller, mais face a une vraie force de la nature, l'entropie incarnee, l'anarchie faite homme, qui poussent le Justicier auto proclame vers des extremites pas tres reluisantes, il y a des consequences et des responsabilites a assumer. Et il s'agit bien ici du sujet principal du film (yep, pour un peu, ca aurait meme pu etre l'adaptation ideale des Watchmen !

).
Bale nous sert a nouveau un bon Bruce Wayne et un tres bon Batman. Pas super expressif il est vrai, mais pour incarner un psycho rigide et sa panoplie de balais dans le derche, il se debrouille tres bien. Dire que Batman est efface par rapport aux autre personnages n'est pas totalement vrai. Certes, essayer d'exister face au tsunami Joker et a la tempete Harvey Dent, c'etait pas facile, mais toute la dramatique du film repose quand meme sur les choix de Batman, sur son acceptation du role de Justicier de Gotham, et des consequences qui l'accompagnent (ou se situe la fameuse ligne a ne pas franchir, et comment assumer lorsqu'on depasse les bornes). De plus, il faut quand meme souligner qu'on voit beaucoup plus Batman que Wayne, ce qui en dit long sur la psyche detraquee du personnage, et on nous sort pas l'enieme coup du "masque dechire a moitie" comme dans n'importe quel film de super heros (Batman, c'est Batman bordel ! Et le soir, il se deguise en Wayne !

).
Michael Caine est plus efface que dans le premier volet, mais il a toujours la classe. De toute facon, dans toute sa carriere, Caine a toujours eu la classe (meme en jouant dans des navetons, ce gars est un dieu !

). Le remplacement de la mignonette Katie Holmes par la soeur de Donnie Darko est judicieux, tout simplement parce que Maggie Gyllenhal fait beaucoup plus femme que jeune fille, ce qui est important au regard du personnage. Et puis bon, elle a un charme fou !!
Le fadasse Eckhart est surprenant en Harvey Dent. Il en devient meme tres inquietant apres sa "transformation", et tout ca sans le cabotinage execrable que nous avait servi Tommy Lee Jones chez Schumi.
Et puis, il y a le Joker.
Comment qualifier la performance de Heath Ledger sans user de superlatifs pompeux ? Il vampirise le film, renvoie le grand Nicholson a ses etudes, tetanise a chacune de ses apparitions. Certes, le travail d'ecriture du film est admirable (bien joue les Nolan brothers !), mais la prestation de Ledger est plus que bluffante, elle est carrement fascinante. A tel point que lorsque le panneau final dedie a la memoire de l'acteur apparait lors du generique de fin, nous rappelant brutalement la triste realite, j'ai ressenti beaucoup de tristesse en me disant qu'on n'assiterai plus a une telle performance de sitot. Une courte carriere, mais quel talent. Quelle tristesse, quelle perte.
Donc voila, en termes d'adaptation de comic book, il y a bien eu un avant Dark Knight et il y aura un apres. Avec ce film, Nolan pose la barre tres haut, sans meme etre sur s'il saura relever lui-meme le defi d'un troisieme volet forcement attendu au tournant. Un script en beton qui definit son personnage principal avec une grande maturite, une realisation efficace mais perfectible et une prestation hallucinante du bad guy, le Dark Knight va etre difficilement surpassable.
Le Begins etait bien et remettait deja les compteurs a zero, ce film lui met les pendules a son heure et donne le tempo pour les prochains films de heros costumes.
Brillant !
