
Carla Bhem, une jeune femme de 35 ans au physique plutôt moyen et qui porte des prothèses auditives, est secrétaire à la Sédim, une agence immobilière, mais elle est payée une misère et souffre d'un manque de considération de la part de ses employeurs. Son existence triste et solitaire va prendre une tournure différente avec l'arrivée dans la société de Paul Angéli, une nouvelle recrue de 25 ans, plutôt beau gosse, mais qui n'a aucune compétence dans la promotion immobilière. Celui-ci cherche à se réinsérer après avoir fait de la prison. Une histoire d'amour improbable, doublée de manipulation réciproque, va naître entre ces deux marginaux. Source: ALLOCINE
Cinq ans après Un héros très discret, Jacques Audiard écrit avec le concours de Tonino Benacquista un polar de grande classe. La mise en scène est très tendue, l'ambaince lourde et la photo d'une couleur monochrome très metallique-verdâtre (surtout dans la première partie) pour rendre encore plus triste et monotone le milieu de l'entreprise, le visuel est parfaitement maitrisé.
C'est surtout la rencontre de deux acteurs exceptionnels, deux "handicapés" de la vie, l'une quasi sourde et appareillée et l'autre complètement paumé et sortant de taulle, une sorte d'handicap social. Le film joue sur les forces et les faiblesses de chacun, la surdité de l'héroïne devient progressivement un "super-pouvoir" car c'est paradoxalement sa différence qui va devenir son principal atout, on constate d'ailleurs un travail très pointu sur le son pour nous permettre de nous immerger dans sa vie et ses souffrances. On assiste lentement à la progression de chaque personnage et de chaque situation: la romance et l'attirance érotique entre les deux héros est presque palpable. Elle va d'ailleurs prendre corps au fur et à mesure de leur transformation, Carla se rend compte peu à peu de sa beauté tandis que Paul se découvre des sentiments amoureux qui lui sont inconnus, et dans un monde impitoyable comme celui de l'entreprise ou celui des gangs l'union entre ces deux marginaux va devenir leur force.
Le milieu de l'entreprise est décrit comme sans pitié et une petite secrétaire un brin ambitieuse et très complexée ne fait pas le poids sans une aide providentielle, et le repris de justice se retrouve donc chaleureusement accueilli à sa grande surprise et ne trouve qu'un moyen de remercier, celui qu'il connait le mieux: la violence.
La seconde partie tourne au polar sombre ou chaque personnage manipule l'autre, ou la tension entre les deux héros devient plus ambigue. Et c'est sur son don que tout le monde va compter au final, son handicap va devenir une arme et son amour va la pousser à manipuler le gang.
L'interprêtation sans failles de Vincent Cassel parfait en taulard bas-du-plafond et Emmanuelle Devos, qui n'a pas volé son César, bouffe l'écran. Mis en musique avec une grande légèreté par Alexandre Desplat, le film parvient à maintenir la cadence.
C'est sensible, intelligent et intense, un chef d'oeuvre...