
Au XVIIIème siècle, Suzanne est forcée par ses parents ruinés à rentrer dans un ordre religieux afin de soulager leurs charges. Dans un premier temps, la jeune femme refuse, mais elle finit par se plier aux volontés inflexibles de son entourage. Quelques années plus tard, elle demanderen justice qu'on la libère de ses voeux qui lui ont été ainsi escroqués...
Second long métrage de Rivette, pur produit de la Nouvelle Vague française, cette production de Georges de Beauregard est connue pour le scandale qu'elle fit à sa sortie. Adapté de Diderot et sélectionné officiellement pour le festival de Cannes, "La religieuse" se vit un temps interdit de projection en France suite à une campagne menée par des hommes politiques réactionnaires, alors même que la commission de classification ne souhaitait en aucun cas bloquer sa diffusion.
"La religieuse" a en fait pour thème le recrutement forcé de jeunes gens dans les ordres, les personnes rejoignant les ordres réguliers ou séculiers sans avoir ni foi ni vocation particulière, sous la contrainte. Une situation fréquente au XVIIIème siècle, avant tout pour des raisons économiques (comment se débarrasser de la fille qu'on ne peut pas doter ?), menant à maintes tartufferies et abus ; la philosophie des Lumières, du libre arbitre, ne pouvait plus tolérer cela.
Suzanne va croiser ici à plusieurs religieux : une brave femme que la vocation a quitté ; une hypocrite cruelle, appliquant son pouvoir de manière abusive, bien cachée derrière les murs du couvent ; une frivole qui va s'éprendre d'elle jusqu'à la folie ; un moine confesseur plus intéressé par la Chair que par la Chaire, etc...
On retrouve une certaine patte Rivette au travers d'une longueur prononcée et d'une théâtralité revendiqué (les trois coups qui ouvrent le film). La réflexion est intelligente et articulée. Avec une certaine élégance, "La religieuse" met en place tout un univers de méchantes religieuses qui sera déclinée par la suite dans "Les diables" et autres nunsploitation : exorcisme, brimades, moeurs relâchées, et j'en passe et des meilleurs. Toutefois, contrairement à certains produits plus bas de gamme, le propos et son développement l'emportent ici toujours sur l'illustration croquignolesque des situations salées.
Bref, un film réussi au sujet alors singulier, traité de manière articulée et intelligente, qui passe fort bien le cap des années.
"la religieuse" est sorti à plusieurs reprises en dvd français chez Opening. Je l'ai vu sur ciné cinéma club, dans une copie 1.77 correcte, bien qu'entachée de soucis de compression. La prise de son direct dans des décors réels aux acoustiques parfois très réverbérantes peut rendre certains dialogues de la bande son (mono d'origine) difficiles à saisir.