1979, l'Italie venait d'atteindre le pic de l'audace érotique en mettant l'accent (aigu) sur la sexualité de l'enfant et de l'adolescent à travers des oeuvres aussi sulfureuses qu'osées que l'inégalé et divin La maladolescenza, La bambina, L'immoralità et La gamine.
Samperi empieta sur le tard sur ce délicat terrain avec en 77 Nènè puis Ernesto. Le vent étant à l'accalmie, le teensploitation s'éteignait lentement comme d'autres genres et sous genre du cinéma d'exploitation et contrairement aux titres precedemment cités, les deux films furent des échecs, trop peu scabreux pour un public italien désireux de déshabiller outrageusement ses lolitas et lolitos.. ce qu'évite Ernesto.
1911 -Trieste. Ernesto, 16 ans, fils d'une mère juive et d'un père aujourd'hui décédé, est elevé par son oncle et sa rigide tante. Comme toute famille juive, l'argent et la réussite sociale sont primordiaux mais Ernesto n'a pour seule ambition que de devenir violoniste et n'a guère d'interet pour le travail qu'il effectue afin de subvenir aux besoins de sa famille.
Un jour il rencontre un docker homosexuel qui s'éprend de l'adolescent.
Conscient de ses attentes, Ernesto accepte de se donner à lui et commence ainsi une relation passionelle à travers laquelle Ernesto decouvre les plaisirs des amours viriles jusqu'au jour où une putain lui fait découvrir l'heterosexualité.
C'est alors qu'Ernesto décide de mettre un terme à sa relation avec le docker. C'était sans compter l'arrivée dans sa vie d'un jeune garçon de son âge, Lilio, violoniste, dont il tombe eperdumment amoureux.
Lorsque Lilio lui présente Rachel, sa soeur jumelle, possessive et jalouse, une curieuse relation triolique aussi malsaine qu'ambigue va naitre, Ernesto étant incapable de choisir entre Lilio et sa jumelle...
Ernesto n'est plus ni moins qu'un film sur les incertitudes de l'adolescence, ces chemins que l'on cherche à un âge où il est difficile de comprendre ses désirs et cette ambiguité qui les caractèrise, la difficulté d'assumer ses choix et d'accepter son identité sexuelle bourgeonnante.
Samperi a choisi ici la simplicité, n'ayant recours à aucune fioriture, le réalisateur ne souhaitant pas faire une profonde étude psychologique de ses personnages. Il reste dans la superficialité tout en allant à l'essentiel.
Ernesto est une jolie comédie aigre-douce tout en nuances, d'une beauté étonnante parfois même hamiltonienne, d'un romantisme à fleur de peau, baignant dans une lumière solaire. Ainsi les scènes d'amour entre l'adolescent et le docker sont d'une pudeur extrême à l'instar de cette passion explosive entre Ernesto et Lilio.
Seul le cadre change. Des entrepots des docks se substitue ici la beauté campagnarde, le luxe et le clinquant de la haute bourgeoisie de la famille de Lilio remplace la semi-pauvreté du cadre de vie du garçon et de sa mère.
Mais quelque soit le cadre où évolue les personnages, la beauté est de mise y compris dans le choix des costumes. Symbole d'innocence, Ernesto est tout de blanc vêtu, sorte d'ange découvrant la vie.
Pour le docker, n'est il pas d'ailleurs son ange? "Sei il mio angelo" lui sussurre t'il lors de leurs ébats.
Ce romantisme exacerbé est appuyé par la magnifique BO signée Carmelo Bernaola qui joue un rôle essentiel.
La pudeur est le maitre-mot du film, Samperi s'étant bien gardé dêtre scabreux ou indécent. Il ne suggère plus qu'il ne montre y compris lors des séquences d'amour et c'est à peine si on apercevra le fessard si parfait de son jeune interprète.
Cette pudeur donne à l'ensemble un
Mais ce romantisme ne signifie pas qu'Ernesto est exempt de toute cruauté. Samperi sait se montrer amer et justement cruel car la passion des sentiments l'est comme l'est l'adolescence.
Ainsi, la relation entre Ernesto et le docker va lentement prendre une tournue innattendue après que le jeune garçon ait découvert l'heterosexualité. De docile esclave-amant, soumis aux désirs de l'homme (il l'initie directement à l'homosexualité en le sodomisant), c'est Ernesto qui semblera prendre l'avantage sur l'homme, osant se rebeller lors de la séquence de la badine. C'est d'ailleurs là qu'il mettra un terme à leur relation après avoir humilié son amant, le laissant seul dans la blessante position de sodomite, cul à l'air

Cette cruauté est aussi présente dans la relation triolique qui va naitre entre Ernesto et les jumeaux. Si Rachel est jalouse et souhaiterait elle aussi avoir Ernesto, Lilio est quant à lui possessif et brutal.
La rivalité n'en est que plus attisée entre eux, Ernesto étant bien incapable de choisir. C'est un jeu à trois fort malsain qui débute alors dont toute la perversité éclatera lors de la séquence où les jumeaux intervertiront leur personnalité. Lilio, maquillé en fille et habillée des habits de sa soeur deviendra Rachel et Rachel vêtue comme Lilio se coupera les cheveux devant Ernesto, devenant ce garçon qu'il semble tant aimer... dangereuse et tout aussi troublante métamorphose qui ne fera qu'accroitre la colère de Lilio.
C'est l'argent ou plutot l'arrivisme qui fera tout rentrer dans l'ordre, la famille d'Ernesto voyant là une belle occasion pour qu'il épouse un jour Rachel et devienne ainsi ce respectable et fortuné citoyen, un fils ayant retrouvé ses esprits aux yeux de sa mère, enfin rayonnante après qu'il lui ait avoué ses liaisons homosexuelles.
Mais l'argent et l'interet peuvent ils à jamais dissimuler les veritables personnalités? Le clin d'oeil qu'adresse Ernesto à la caméra alors que le mot Fin apparaît apporte là une bien ironique réponse.
On pourra regretter que Samperi n'ait pas plus développé ses personnages et les relations qui les unissent. Peut être aurait il été souhaitable de plus les approfondir afin de renforcer l'aspect dramatique de certaines scènes notamment la passion presque destructrice du moins pour le docker qui l'unit à cet adolescent ainsi que les motivations qui poussent Ernesto a accepter ses avances alors que rien ne le faisait pressentir jusqu'alors.
Il en va de même pour ce dilemme auquel l'adolescent doit faire face lorsqu'il découvre qu'il prend tout autant de plaisir dans une relation heterosexuelle. Si Ernesto est l'incarnation de la plus parfaite bisexualité, celle qu'on vit sans doute ni heurt, parfait et total équilibre, il aurait peut être été souhaitable de mieux expliquer ce parcours à un âge où il est bien difficile de faire la part des choses.
Mais en l'état, Ernesto est un très beau film dont on retiendra la beauté des images, la tendresse et la pudeur, une belle histoire tout en nuances sur les amours homosexuelles et l'ambiguité sexuelle adolescente sur fond de début de siècle.
Ernesto doit également beaucoup à ses interprètes notamment l'étonnante prestation de son jeune protagoniste, divin Martin Halm

La justesse de son jeu est ici admirable face à Michele Placido en docker transi d'amour, Virna Lisi en mère juive et choix plus contestable, la toute bovine et vachaude Wendel dans le double rôle de Lilio / Rachel.
Curieux est le choix du réalisateur pour avoir donné à la Wendel le rôle de la soeur et du frère mais cela renforce cependant l'aspect troublant de cette double entité d'autant plus que le coté ingrat de la Wendel, tout juste sortie des amours scandaleuses de La maladolescenza aux cotés de la petite Eva Ionesco, apporte une touche d'androgynie bienvenue ici.
Ernesto restera avec Nènè et Malizia le film le plus réussi et abouti de son auteur.