Aux princesses et autres preux chevaliers Disneyens se substituent chez Bakshi prostituées et maquereaux, aux doux rêves et amours fleuries sur fond de décors idylliques, se glissent des êtres désillusionnés, depressifs, trouvant souvent la mort sur fond d'une Amérique sale et autres bas-fonds New yorkais. Tout l'univers d'Eric.

Tourné après le cuisant et reconnu échec de son adaptation du Seigneur des anneaux, American pop ne fait pas exception.
On y suit à travers quatre générations d'une même famille d'immigrants l'évolution de l'Amérique contemporaine à travers sa musique, de la Russie tsariste des années 1890 au New York recemment industrialisé à aujourd'hui.
Tout commence en Russie quand le jeune Zalmie et sa mère partent pour les USA. Attiré par une carrière artistique, Zalmie débute comme clown et fait un enfant à une strip-teaseuse. Il part se battre en Europe à la veille de la 1ere guerre mondiale mais doit arreter de chanter après avoir attrapé la tubercolose.
Il reporte ses espoirs sur son fils Benny qui a épousé la fille d'un truand de la prohibition. Benny est tué par un nazi lors de la 2eme guerre mondiale tandis que son fils Tony connait les angoisses existentielles de la génération hyppie.
Après la mort par overdose de la chanteuse du groupe pour qui il composait, il rencontre Pete, le fils qu'il a eu un jour d'errance avec une serveuse. Abandonné par son père en plein New york, Pete connaitra le monde de la cocaine et des dealers dans le monde punk enfin d'embrasser enfin la gloire...
Voilà le portrait d'une Amérique peu enchanteresse, celle que Bakshi en tant qu'immigrant a connu. Mais ici il n'a pas voulu retranscrire ce qu'il a vécu mais plutot tenter de retracer l'histoire de ce pays, terre de rêves mais surtout d'illusions et de mort et ce à travers les chansons et les groupes qu'il juge les plus representatifs de cette Amérique.
Les chansons ne sont pas forcement l'illustration des images qu'elles accompagnent mais elles imagent un sentiment, une idée motrice.
Noir le film l'est, c'est presque un cri de desespoir, de douleur où la mort est omni-présente qu'elle soit causée par la guerre, la truanderie, la drogue. L'espoir est vite balayé, l'amour fugace, le bonheur se prend sur l'instant avant de resombrer car telle est la vie. Tout le paradoxe de la vie de manière générale.
C'est un peu le No future des punks en fin de film même si Bakshi le termine avec un message d'espoir: s'accrocher, toujours s'accrocher et un jour même s'il faut des générations pour cela, la réussite viendra au prix de moultes tragédies.
Mais il y a une chose qui régit tous ces drames, une chose qui semble être le moteur du film et par conséquent de la vie: la musique et la danse, en guise de message d'espoir. De façon incroyable souvent, les personnages ne cessent de danser ou chanter, comme un signe d'espoir et de survie. Ainsi, les images de danse se melent aux scenes de guerre, frenetiques, endiablées. Alors que Benny en plein champ de bataille entonne Lili Marlene, pour un soldat nazi agonisant, ce dernier le tue finalement de sang froid.
On chante et danse sous le feu des mitraillettes d'Al Capone et sa mafia, on chante encore plus et les danses se font presque hysteriques lors de la génération Hippie, on meurt en chanson ( bien ironiquement sous les rales de Janis). On retiendra aussi l'étonnante séquence où il donne vie à Hendrix, plus vivant que jamais ainsi que le résurrection du Jefferson airplane entonnant Somebody to love.
Pour le reste, American pop accumule les images sombres. Truands, nazis, revolutionnaires, prostituées, êtres désillusionnés, drogués, bas fonds et tristes piaules de fortune, tout est à l'image des errances des personnages.
Le choix des chansons et des groupes est particulièrement réjouissant. On y retrouve les standards du cabaret tels que Lili Marlene, mais aussi des noms tels que Janis Joplin, Pat Benatar, Jimi Hendrix, Lou Reed, Bob Seger, Mamas and the papas, Jefferson airplane, Elvis..
La partie psychedelique donc toute l'époque hippie est la plus travaillée, peut être trop par rapport aux autres époques plus survolées diront les âmes chagrines, et la plus étonnante.
Les chansons parfois sont d'une cruelle signification et prennent une dimension dramatique. Il faut voir comment Bakshi nous montre New York alors que Pat Benatar chante Hell is for children.
L'animation grace au procédé de la rotoscopie ( calquage des dessins sur des images filmées avec de vrais acteurs donnant une véracité foudroyante aux prersonnages) est de toute beauté, Bakshy y mélant par moment de veritables images d'actualité notamment lors des séquences de 2eme guerre mondiale et de prohibition.
Oubliant le délire de ses 1ers oeuvres telles que Fritz the cat, 1er dessin animé porno, Bakshi signe ici un film froid, authentique, sérieux, trop diront certains mais d'une beauté frappante.
Un petit bijou du film animé musical.. et un petite friandise noire pour ceux qui comme Eric ont peur d'attraper des caries rien qu'en ecoutant les dialogues d'un Spielberg ou d'un Disney.
Le corbeau noir qui aux princesses prefere les catins!
