

Andrea a perdu sa mère très jeune. Devenu un jeune homme, traumatisé par le drame, il s'est enfermé dans son propre univers, un monde macabre qu'il s'est crée et dans lequel tout ce qui se raporte à l'âge adulte est exclu. Andrea a décidé de rester un enfant. Ceci exclut donc les relations sentimentales et bien entendu le sexe.
Attiré par sa belle-mère qui profite de sa folie, il est egalement attiré fortement par la meilleure amie de celle ci, Carol.
Une étrange relation trioique s'instaure basée sur le jeu et l'humiliation. Mais lorsque Carol, ignorant tout d'Andrea decide de passer a une relation serieuse, Andrea perd pied. Rien ne le fera quitter son monde, surtout pas une femme. Jusqu'à l'ineluctable...
Rondi s'attarde ici à décrire son personnage principal, cet univers dans lequel il s'est enfermé depuis la mort tragique de sa mère et dont il refuse de sortir.
Andrea a décidé de rester un enfant, rejetant ainsi tous les éléments qui font la vie d'un adulte, aussi bien sentimentalement que sexuellement.
Il se refuse donc au sexe et lui préfére le jeu, des jeux macabres et cruels parfois où le voyeurisme n'ait jamais exclu. Il espionne ou filme les ébats adultères de sa belle-mère, personnage sans scrupule profitant de la folie d'Andrea pour satisfaire l'attirance du jeune homme pour elle afin à son tour de l'humilier en sachant qu'il ne franchira pas le cap.
Ce sont des bandes magnetiques d'ou s'échappent d'atroces ricanements ou cette collection de photos de femmes nues qui ornent le mur de sa chambre et dont il a remplacé la tête par celle de Carol, la meilleure amie de sa belle-mère pour qui il a une profonde attirance également.
Cette relation triolique basée sur la perversité des actes est le moteur de toute la première partie, chacun utilisant l'autre à ses propres fins, nourissant la folie d'Andrea. Elle se concluera par une scène digne d'un certain cinéma euro-trash alors en vogue.
Andrea invite une jeune noire qu'il présente comme sa fiancée qui lui donnera toute une lignée de petits cannibales

Toute la deuxième partie se rapporte à la relation d'Andrea et Carol, les interrogations de la jeune femme face au comportement du jeune homme qu'elle met sur le compte de sa peur des femmes jusqu'à la montée de tension finale qui aboutira au drame, terrible, violent, cruel.
Judicieusement mis en scène, Le tue mani sul mio corpo joue beaucoup sur l'incertitude des personnages quant à leur personnalité et leur sexualité ce qui amplifie celle d'Andrea. Tout est plus ou moins flou. De ce fait, Rondi tente d'impliquer le spectateur dans cette histoire pour laquelle il ne pend jamais partie, préférant l'ellipse quant à sa position.
Cette incertitude est renforcée par une mise en scène qui use très souvent de la fragmentation de l'image, les miroirs renvoient les reflets et les images se découpent jusqu'à se demander ce qui est réel et ne l'est pas, ce qui est la réalité et le reflet de l'esprit malade d'Andrea, ce qui est un jeu et ne l'est pas ou plus y compris sa sexualité.
L'ambiguité sexuelle est l'essence même du film. Quel est la part de jeu dans le comportement d'Andrea, où se situent exactement les limites de sa peur des femmes et son refus de grandir, partagé entre désir, refoulement et folie.
Tous ses facteurs font que Le tue mani sul mio corpo désoriente et crée un incessant mais toujours léger climat de suspicion, l'espace-temps semblant ne pas exister appuie cette impression d'étrangeté, de perte de repère.
Léger s'emploie aussi à l'ensemble du film. Rondi n'insiste jamais pas même sur le traumatisme d'Andrea se contentant de l'assaillir regulièrement par les images de son passé quand sa mère jouait avec lui à la plage avant que témoin des préparatifs de mise en bière du corps, il ne surprenne les infirmiers toucher ce corps nu jadis adoré afin de l'appreter pour son dernier voyage... départ supposé de ce rejet de la sexualité, donnant au titre un de ses sens, image qu'il associe désormais aux femmes.
Dans tous les sens du terme, Le tue mani sul mio corpo est un giallo psychologique à la Lenzi, renforcé par la présence de la Descombes déjà présente dans Orgasmo /Une folle envie d'aimer, lent, atmosphérique.
Tous les éléments sont là: la villa isolée au bord de la mer, des personnages jouant et entretenant des relations obscures et malsaines dont on peut par instant penser qu'elles sont volontaires sorte de machination macabre, la folie du personnage principal et son traumatisme, le sexe omni-présent..
On pourra rapprocher le film de La mort a pondu un oeuf, le coté haute bourgeoisie en moins pour son climat d'etrangeté et les relations tordues des presonnages.
Les amateurs de gialli argentesques risquent eux d'être décus. Aucun meurtre, aucune ombre de violence, pas une goutte de sang si on excepte le final d'une brutalité étonnante, inéluctable dénouement dont la violence n'est que le reflet de cette folie destructrice pour laquelle il n'existe aucune issue. Magnifique et bouleversant final qui détonne du climat général par sa violence desespérée, symbole prêt à tout pour à jamais rester l'enfant qu'Andrea a décidé d'être, assailli par les images de son douloureux passé.
L'ensemble bénèficie d'une interprétation des plus correctes notamment d'un tout jeune Lino Capolicchio, à la fois fragile et determiné, Lino dont admirera le torse noueux, le jean blanc moule-sexe

A ses cotés, hormis la Descombes, on retrouvera la Schürer en belle-mère perverse, la Schürer inoubliable en capo sadique

L'ensemble est bercé par la très belle partition musicale de Giorgio Gaslini.
Le tue mani sul mio corpo n'est pas un giallo majeur certes mais il est un bel exemple de giallo psychologique, lent et atmosphèrique, belle illustration de la folie au ton morne et desespéré.
Un peu plus de force dans la mise en scène lui aurait été bénéfique mais en l'état il demeure un giallo interessant qui devrait plaire aux amateurs de psychologie d'autant plus que la rareté du film en fait aujourd'hui un titre ayant au fil du temps gagné une certaine réputation.
Le corbeau qui adore sentir de jeunes et belles mains se poser sur son corps frele!
